mercredi 17 septembre 2008

Another Day in Paradise



"Encore un jour au paradis", difficile de faire plus ironique comme titre!
Tiré d'un roman écrit par un ex-détenu (Eddie Little), le film dépeint le quotidien de Bobbie, un ado à la dérive vivant avec sa copine Rosie, qui se laisse embarquer dans un coup fumant par Mel (James Wood), un truand et dealer charismatique.
Argent facile, drogue à volonté, risques limités et tous frais payés, comment un jeune délinquant pourrait-il passer à côté?
Prisonniers d'une vie faite de casses et de seringues, les personnages vivent au jour le jour jusqu' au jugement final (la mort ou la taule). Malgré eux, Mel et sa compagne Sid (Mélanie Griffith) jouent les parents que Bobbie et Rosie n'ont jamais eu. Et ces deux derniers deviennent les enfants que le couple ne peut pas avoir.
Mais comme dans toutes les familles, il faut bien qu'un jour les oisillons s'envolent du nid…ce qui ne plait pas à Mel qui considère malgré tout plus Bobbie comme un associé que comme un fils.
Sexe, drogue et Rock an' Roll.
L'ancien photographe réputé, Larry Clark, est devenu un cinéaste à scandale avec "Kids", n'hésitant pas à montrer à l'écran ce que beaucoup considèrent comme de la pornographie.Mais ce serait dommage de résumer ses œuvres, à cette seule idée, partiellement fausse d'ailleurs.
Tout d'abord, le passé de Clark en tant que photographe se ressent dans chaque scène.
Les plans sont léchés et les couleurs ressortent idéalement grâce à un magnifique contraste. Ensuite, il filme de façon quasi documentaire sans jamais avoir à faire à des effets de caméra.
Par exemple, le film ne possède aucun ralenti! Et c'est ce style quasi particulier, qui ancre le film dans une réalité palpable à tout moment. Notamment, lorsque les armes à feu se déchargent à l'écran.
Ca tombe bien que j'ai regardé "Destination Graceland" juste avant pour pouvoir comparer un film à la violence spectacle assumée et un autre beaucoup moins impressionnant mais paradoxalement plus choquant.
Car, ici, les balles ne fusent pas dans tous les sens lors de fusillades endiablées avec maints effets sonores à la clé ; chaque tir est mortel et le fait d'utiliser la caméra à l'épaule nous remue les tripes. Il n'y a qu'à voir la scène où Mel bute un couple froidement pour comprendre ce que je dis...
Quant aux scènes, soit disant porno, elles sont présentes mais jamais gratuites. Si deux personnages font l'amour, c'est que la scène est importante dans leur relation. Que les images soient crues, c'est une chose mais le film est aux antipodes de ce que peut proposer un "American Pie" en termes de crédibilité sexuelle. Car, chez Clark, ces scènes représentent une partie de la vie et ne pas les montrer serait de l'hypocrisie pure et simple.
Il faut ajouter aussi qu'à l'aide d'une photographie magnifique ses scènes n'ont rien à voir à celles d'un vrai porno.Que celui qui trouve celles de "Ken Park" excitantes aille consulter un psy sans attendre!

Mais Larry Clark est aussi un excellent directeur d'acteur. Il les pousse véritablement à bout pour obtenir d'eux des performances incroyables.
Mélanie Griffith est transfigurée dans ce rôle de junkie qui manie le fusil à pompe tel Patricia Arquette dans "True Romance". Les deux adolescents sont incroyables, tant Vincent Kartheiser, entraîné malgré lui dans cette descente aux enfers, que Natasha Gresson Wagner, vraiment mignonne dans son rôle de séductrice coquine qui essaietant bien que mal de suivre Bobbie mais qui se rend compte qu'elle ne tiendra pas le coup.
Mais celui qui crève l'écran, c'est bien sûr James Wood.
Habitué aux rôles à double facette : le traître de "Il était une fois en Amérique" ou le flic porté sur le sexe de "Cop", il réalise ici une performance époustouflante qui fait que malgré ses excès de colère, son intérêt pour la bouteille et son caractère parfois pervers (la boîte gay), son personnage reste toujours attachant.
Au passage, j'ai apprécié la présence (bien que fugace) de Peter Saasgard; l'excellent acteur de "Jarhead" et "Garden State".
Les dialogues sont aussi très travaillés, notamment quand ils remettent en question les personnages. "Tu joues les durs avec Mel, mais quand il s'agit de prendre des responsabilités tu redeviens un garçon immature!" dixit Rosie à Bobbie lorsque elle lui apprend qu'elle veut garder le bébé.
Ils sont aussi crus que les images : j’ai noté un nombre incommensurable de "…fucking…" et appellent une chatte une chatte (du moins pour la VO) mais c'est ce qui leur donnent ce côté quasi improvisé. Bref, ça sonne vrai!
Pour finir, la bande son est composée de tubes rock et pop assez calmes qui donnent au film une impression de légèreté, comme si l'on planait nous aussi sous l'emprise d'une substance hallucinogène…
Bien que parfois comique, lorsqu'un prêtre s'établit comme vendeur d'armes (la religion comme self défense!^^), le film est souvent difficile à supporter. L'existence désespérément vide des personnages (rappelée par l'écran de télé qui grésille) est en effet marquée par des séquences brèves mais marquantes.
Un film coup de poing qui secoue l'estomac et met parfois mal à l'aise mais dirigé d'une main de maître par un orfèvre du cinéma indépendant qui ne recule devant rien. Le film n'est pas destiné à tous les publics.
Pour ma part, élevé au film d'action qui se finit indubitablement par une fusillade rédemptrice, j'ai été surpris (et un peu déçu) par la fin. Mais bon, c'est juste ma façon de voir les choses qui influe sur la note.
Drame pessimiste de très grande qualité, porté par des acteurs convaincants, le film mérite vraiment le coup d'œil. Si vous êtes assez matures pour voir ses films, Larry Clark est un cinéaste que vous auriez tort de bouder!
Au passage, le film a reçu le grand prix au festival du film policier Cognac, en 1999.
Note:**

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