dimanche 6 octobre 2013

La Dernière Licorne

Au cœur d'une forêt enchantée vit Amalthea, une licorne solitaire. Un jour, elle entend deux chasseurs déplorer la disparition des licornes. Serait-elle vraiment la dernière de son espèce? En quête de réponse, elle part à la recherche de ses semblables, accompagnée par un jeune magicien maladroit. Si vous travailliez dans le milieu de l'animation aux USA dans les années 80 mais que vous ne faisiez pas partie des studios Disney, il est peu probable que vos films aient eu du succès au box office. C'est la triste vérité pour La Dernière Licorne, une véritable gemme développée par des passionnés, mais pour qui intégrité n'a pas rimé avec succès financier. Ce qui frappe rapidement en regardant le film, c'est qu'en dépit de moyens limités, l'animation est soignée et le design des personnages, particulièrement intéressant. D'un coté, les courbes délicates d'Amalthea et la blancheur immaculée de son abondante crinière symbolisent la beauté virginale de l'innocence. Son caractère majestueux s'oppose alors radicalement au physique plus rustre et peu avantageux des personnages humains, qui n'est pas sans rappeler le travail de Ralph Bakshi sur Le Seigneur des Anneaux. Il est aussi important de signaler que si La Dernière Licorne est un film américain, le studio responsable de l'animation des personnages est en réalité japonais. Et c'est ce même groupe d'artistes talentueux qui donnera par la suite naissance aux légendaires studios Ghibli. Ce qui en dit long sur la qualité esthétique du film. Cependant, ce serait faire fausse route que de dénigrer le travail effectué par l'équipe anglophone, sur l'aspect sonore cette fois. Le casting vocal, par exemple, est remarquable. Mia Farrow apporte une douceur et une naïveté touchante à la licorne, alors qu'une autre comédienne aurait pu rendre le personnage d'une mièvrerie affligeante. Christopher Lee prête sa voix suave et caverneuse au méchant de l'histoire, qui cherche à capturer toutes les licornes. Pourchassant la jeune et frêle ingénue dans la tour de son château, au bord d'une falaise, il apparaît comme le parfait vilain de la littérature gothique. Rien d'étonnant quand on sait que l'acteur demeure l'une des plus célèbres incarnations de Dracula au cinéma. La musique, plus mélancolique qu’héroïque, reflète à la fois le monde déprimant dans lequel évoluent les protagonistes et la solitude de la licorne. En V.O, le morceau titre, interprété par le groupe America, est une ballade envoûtante qui n'aurait pas fait défaut dans un concert de Power Metal. Si vous aimez le genre, il y a de fortes chances que vous l'écoutiez en boucle après le film. Suivant le scénario de Peter S. Beagle, d'après son propre livre, La Dernière Licorne est un film pour enfants, mais pas un film infantile. En plus d'une légère nudité et de quelques scènes terrifiantes pour les plus jeunes, ce qui différencie le film des dessins animés Disney sortis à la même époque, (Taram et le Chaudron Magique, qui évolue dans un univers semblable), c'est sa maturité assumée. L'humour est certes présent (surtout chez l'extravagance de certains seconds rôles) mais n'éclipse jamais l'importance du scénario. Les situations sont d'ailleurs imprévisibles et les réactions des personnages, indéniablement adultes. La mise en scène épurée nous permet justement d'apprécier le bon-sens des dialogues, qui prennent les enfants pour des êtres intelligents, et non des vaches à lait dénuées de réflexion. La Dernière Licorne est un bijou oublié par le temps. Une ode à la poésie et à l'imagination. Une fable sur la perte de l'innocence. Au même titre que Dark Crystal, l'Histoire sans Fin ou encore Le Secret de Nihm, c'est un film que l'on se doit de montrer à nos enfants pour qu'ils se rendent compte que tous les gimmicks 3D des dessins animés d'aujourd'hui ne remplaceront jamais une belle histoire, mise en scène avec un travail d'orfèvre. Note : ***