samedi 24 octobre 2009

Mort ou Vif




Comme chaque année, les plus fines gachettes de l'Ouest se retrouvent à Rédemption pour un tournoi de duels récompensé par une énorme somme d'argent. Redoutable tireur et régnant sur la ville en tyran, Herod a toujours été le vainqueur. Mais cette fois, une jeune femme venue de nulle part s'inscrit pour le défier...



Sam Raimi est un nom bien connu des amateurs de cinéma fantastique : il est, entre autres, l'auteur de la trilogie cultissime « Evil Dead », des célèbres aventures de Spiderman et du récent « Jusqu'en Enfer ». Mais on oublie souvent qu'au cours de sa prolifique carrière, Raimi ne s'est pas seulement cantonné à ce seul genre de film. Parmi ses films moins connus, on peut par exemple citer « Un Plan Simple », brillant polar noir qui a fait les grands jours du festival de Cognac (qui récompense les films policiers) ou encore le western « Mort ou Vif ».

Lors de sa sortie en salle, « Mort ou Vif » n'a pas eu le succès escompté.
Sam Raimi vient juste de finir le dernier volet des « Evil Dead » qui le hisse au sommet des réalisateurs de films d'horreur et le public, qui attendait sûrement de lui une nouvelle aventure débridé d'Ash et pas un « vulgaire » western, a littéralement boudé le film.

De plus, le genre du western classique s'étant éteint dans les années 70, « Mort ou Vif » ne sort pas dans des conditions idéales et est précédé d'une réputation assez défavorable. Sans compter que la presse elle-même fustige le long métrage, achevant d'un coup sec sa carrière. Aujourd'hui encore sa mauvaise réputation perdure et les gens continuent de critiquer le film, parfois même sans l'avoir jamais vu...

Mais dans une vie de cinéphile on découvre que les films les moins connus des grands cinéastes sont loin d'être les pires et si l'on parvient à faire fi des « on dit » et à trouver une copie décente d'un de ces films (même en dvd, il faut souvent chercher jusque dans les zones 1...), il n'est pas rare de dépoussiérer de véritables chefs d'oeuvre qui croupissent au fond d'une oubliette : « 1941 » de Spielberg, « Les aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin » de Carpenter ou encore « Mort ou Vif » de Raimi.


« Mort ou Vif » est donc un western.
Mais un western très différent de ce qui a été fait auparavant.
Il est d'ailleurs certainement l'un des seuls à mélanger à la fois les éléments du western américain classique avec ceux du western spaghetti.
Du premier, il reprend surtout l'ambiance et les décors, à savoir : les contrées désertiques, la fameuse ville fantôme au milieu de nulle part ou encore les duels sur fond de soleil couchant.
Au second, il emprunte plus au style visuel, en rendant par ailleurs hommage aux films de Sergio Leone : les plans extrêmes sur les différentes parties du corps, les sales gueules patibulaires, les splendides panoramas (extraordinaire photographie de Dante Spinotti !), la tension des duels qui ne cesse d'augmenter avant le coup de feu fatidique...

Quant à la musique, si chère au genre (américain comme italien) on la doit ici à Alan Silvestri, le génie responsable des BO de « Retour vers le futur », « A la poursuite du diamant vert » ou encore « Le Retour de la Momie ».
Les mélodies se fondent à merveille avec les images, soulignant la concentration des participants et nous offrant un magnifique thème héroique comme on n'en avait pas entendu depuis des lustres.


Mais Raimi n'est pas qu' un simple « faiseur de film » commercial et possède un style visuel qui lui est propre. Un style à la fois cartoonesque et terriblement expressif. Car il faut savoir que chez Raimi plus que chez la plupart des autres réalisateurs, l'émotion passe instinctivement par l'image.
Tout comme dans la bande dessinée ou le roman graphique, le plan parle pour lui même.
En ce sens Raimi multiplie les effets visuels (sur-impression, montage alterné qui s'accélère, plans volontairement mal cadrés, zooms extrêmes, ralentis superbes, effet de profondeur et j'en passe...). Chaque plan est une image de BD, cadrée de manière surprenante mais toujours adéquate quand il s'agit de faire transparaître le ressenti des personnages.

Sans oublier que Raimi se permet quelques ajouts ici et là d'une violence quasi-surréaliste qui ne sont pas sans rappeler les excès graphiques des « Evil Dead ».
On citera par exemple un balle de révolver qui traverse un crâne (la caméra voit alors à travers) ou encore un participant projeté plusieurs mètres en arrière par un coup de feu dans l'oeil. Il y a bien plus mais ce serait un crime de gâcher la surprise...
C'est certainement ce côté « complètement dingue mais j'assume » qui a du refroidir la presse qui devait s'attendre à un western plus...routinier.


Néanmoins en dehors de sa réalisation éclatante, le film bénéficie aussi d'un atout superbe : son casting.
Fermez les yeux et imaginez : Sharon Stone, Gene Hackman, Russel Crowe et Leonardo di Caprio dans le même film! Vous l'avez rêvé, Sam Raimi l'a fait.
Et là où généralement les films « à gros casting » se font littéralement bouffer par les acteurs, « Mort ou Vif » emploie chacun d'eux intelligemment sans jamais perdre de vue qu'ils ne sont là que pour illustrer un scénario passionnant.
Scénario qui allie habilement noirceur, cynisme (rien que dans le titre original, « The Quick and the Dead »...) et humour bien placé.

J'entends d'ici les railleries :
« Sharon Stone, la sex symbol des années 90 (depuis le sulfureux « Basic Instinct ») dans un western ?
Elle doit sûrement jouer l'habituelle prostituée au grand coeur qui a des vues sur le héros, qui lui doit probablement être incarné par Russel Crowe... »
Et bien je dis : faux, faux et archi faux !

D'abord en 95, Russel Crowe n'est pas encore Mister Gladiator et n'est qu'un acteur relégué au second plan parmi tant d'autres. S'il est déjà cette statue grecque surmontée de deux yeux profonds et mélancoliques, il a ici un rôle à contre emploi, à savoir qu'il ne joue pas les héros virils mais un prêtre dépressif en quête de rédemption (d'où le nom de la ville ?) qui passe son temps à être enchaîné et battu et qui ne se relèvera pour de bon que lors du dernier acte.

Ensuite, aussi étrange que cela puisse paraître, Sharon Stone est bien le personnage principal du film. Oui, Raimi change carrément les fondements du western en faisant du héros une héroine.
Dans le film la comédienne est admirable.
Loin de baser son interprétation sur ses formes évocatrices, elle réussit à incarner son personnage avec force et crédibilité. Elle se fond dans la peau du personnage et exprime avec sincérité chaque syllabe qu'elle prononce. Une grande actrice, assurément.

Fidèle à lui même, Gene Hackman (« French Connection », « Ennemi d'Etat », « USS Alabama ») réalise lui aussi une performance exemplaire dans le rôle de Herod.
A la fois sévère et cruel, il nous fait ressentir toute la perversité latente du personnage et au fur à mesure que l'on en apprend davantage sur le personnage de Sharon Stone, on en vient à le détester de plus en plus.
Un simple rôle de méchant mais joué par un acteur hautement charismatique.


Enfin, Di Caprio (« Titanic », « Gangs of New York ») prouve une fois de plus que, bien dirigé, il peut s'avérer un acteur épatant. C'est ce qu'il fait ici en jouant un jeune coq arrogant mais inexpérimenté qui finira par mordre la poussière par excès de confiance en lui...


Les acteurs sont tous excellents et, à l'image de la mise en scène, rien n'est laissé au hasard dans le casting : les acteurs sont tous choisis avec parcimonie, jusque dans les rôles de moindre importance.
De ce fait on croisera, même pour un bref instant, d'autres comédiens talentueux comme Gary Sinise (« Snake Eyes », « Forrest Gump ») ou Lance Henriksen (« Aliens », « Aux Frontières de l'Aube »).





En changeant complètement de registre après le succès mérité des « Evil Dead », Sam Raimi réalise un western hors du commun et subit les foudres du public et de la presse.
Critiqué pour sa mise en scène débridée et espéré par le public comme un nouveau film d'horreur trash, « Mort ou Vif » est considéré comme le vilain petit canard pondu par le réalisateur. Est-il mauvais pour autant?
La réponse est simple : NON!
Non seulement la mise en scène tant critiquée fait partie intégrante du style du réalisateur et instaure au film une ambiance visuelle unique mais il bénéficie en plus d'un casting de rêve et d'un scénario qui reprend à la fois les codes spécifiques du western pour mieux les transgresser.

Avec le recul, « Mort ou Vif » reste probablement l'un des meilleurs westerns modernes et mérite assurément d'être reconnu à sa juste valeur.

Note : ***

The Descent : part 2





Rescapée de l'expédition spéléologique de " The Descent ", Sarah émerge seule des grottes des Appalaches, traumatisée par les événements. 24 heures plus tard, le shérif local l'oblige à redescendre sous terre afin de guider l'équipe de secours qui cherche désespérément ses cinq amies disparues.



En 2005, l’un des meilleurs films d’horreur de ces dix dernières années déboulait sans prévenir sur les écrans.
« The Descent » de Neil Marshall (« Dog Soldiers », « Doomsday ») n’aura pas eu l’effet d’une bombe comme « Saw » et ses confrères mais, acclamé par le public et la critique, il aura marqué à vif les cinéphiles chanceux d’avoir pu découvrir le film dans les salles.

En effet, plus que tout autre film d’horreur classique, « The Descent » ne peut dévoiler tout son potentiel qu’à deux conditions : plongé dans le noir et le son à fond.
Filmés en lumière naturelle et uniquement éclairés par leur lampes torches ou frontales, les acteurs du film sont littéralement avalés par les ténèbres, sans aucun repère visuel.
De plus, les « crawlers » (cousins éloignés de Gollum) du film, aveugles, ne pouvant par conséquent se repérer qu’au son, le silence demeure la meilleure arme pour pouvoir leur échapper. Chaque bruit, aussi infime soit-il, entraîne alors une tension presque insoutenable pour le spectateur. Enfin, dans le silence absolu, le rauquement guttural des crawlers hérisserait le poil à plus d’un.


A l’opposé des films basés principalement sur la torture et le gore à outrance (« Saw », « Hostel »…), « The Descent » privilégiait un climat de claustrophobie intense qui prenait littéralement aux tripes. Et au lieu de proposer des ados en chaleur stéréotypés, Neil Marshall avait eu la brillante idée de mettre en scène des victimes potentielles exclusivement féminines.
Et aucun cliché, aucune vulgarité ou remarque mysogine ne venait alors entacher ce tableau prometteur.
« The Descent » présentait des femmes crédibles, au caractère profond, et surtout pleines de ressources.
Sans concession et d’une violence extrême, le film de Neil Marshall nous offrait alors un spectacle terrifiant et déprimant, secondé par une atmosphère étouffante et des scènes d’une sauvagerie rarement vue dans ce genre de production.
En deux mots : un must !



2009, « The Descent : part 2 » débarque sans prévenir.
Une suite, inutile en soit, qui à défaut de créer une énième franchise (rappelons que « saucisse » sort bientôt…), ne cherchera qu’à engranger un peu plus de pognon sur le dos des fans du premier film.
D’autant que c’est un réalisateur débutant qui prend les commandes (Jon Harris est avant tout un monteur réputé).
On ne compte plus les « sequels » à séquelles, mises en scènes par des incapables désireux de redorer le blason d’une franchise, tellement minables qu’on préfère dire qu’elles n’ont jamais existé.
En clair, « The Descent : part 2 » ne partait pas sous les meilleurs auspices.
Et pourtant…



Objectif d’une suite : faire mieux que le précédent.
Généralement, en reprenant les éléments qui ont fait le succès de l’opus originel.
De ce fait, « The Descent : part 2 » suit les consignes à la lettre sans broncher : les acteurs sont plongés dans le noir, dans une grotte, éclairés par les moyens du bord et la violence y est toujours aussi écœurante.
Hormis le fait que le casting exclusivement féminin du premier film laisse place à une mixité plus conventionnelle, « The Descent : part 2 » ressemble trait pour trait à son prédécesseur.
Et finalement, quand de nombreuses suites prennent des libertés impardonnables vis-à-vis du film d'origine, on se dit que ce n’est pas une mauvaise chose.
Les amateurs du film seront donc en terrain connu.


Il n’est pas nécessaire d’avoir vu « The Descent » premier du nom pour comprendre l’histoire mais c’est un avantage évident vu que « part 2 » abonde en références : flash backs, redécouverte des lieux, reprise du thème principal, reproduction des effets de mise en scène…
D’ailleurs les fans du premier opus apprécieront de retrouver la belle Sarah, toujours aussi impressionnante dans sa bestialité et sa capacité à se sortir de situations inextricables.
Bien loin d’une « vulgaire » Lara Croft invincible, son instinct de survie la rapprocherait plutôt de la Sarah Connor (tiens, elles ont le même prénom en plus, coïncidence ?...) des premiers « Terminator ».
Un personnage remarquablement bien écrit et interprété avec force et charisme par Shauna MacDonald, une actrice à suivre.


Evidemment, la plupart des nouveaux personnages, gibier en devenir, passeront à trépas dans d’atroces souffrances et des geysers d’hémoglobine mais on n’en attendait pas moins d’eux.
Visiblement complexé par la violence extrême du premier film, Jon Harris nous livre des scènes d’une cruauté rare.
Pour survivre tous les moyens sont bons, et comme dans le premier «The Descent », les personnages, au départ sans défense, vont se muer en véritables machines à tuer, allant jusqu’à dépasser leurs assaillants dans des élans d’une sauvagerie primale et primitive.

Les actes de violence du film sont d’autant plus choquants qu’ils sont réalisés avec les moyens du bord. Et à plusieurs mètres sous terre, c’est bien ce qui manque le plus…
La seule arme à feu du film se révélant vite inutile, le spectateur aura le « plaisir » d’assister à de vraies joyeusetés comme des trépanations à coup de perceuse ou de piolet dans la tête, des compressions faciales à l’aide de gros rochers, voire de jolis piercings grâce à un mousqueton acéré. Même une inoffensive épingle à cheveux peut servir en dernier recours…
Des passages volontairement répugnants qui soulèvent le cœur ; un régal pour les amateurs de gore. Les autres prévoiront un seau ou un petit sac pour ne pas tâcher les sièges…



Si « The Descent : part 2 » est quasiment une copie conforme du premier film, le scénario part souvent dans des situations inattendues et prévoit de sacrés rebondissements. De plus, là où certaines suites prennent place plusieurs mois, voire années, après le premier opus, « The Descent : part 2 » reprend directement là où le premier s’arrête, assurant ainsi une parfaite continuité entre les évènements. Une idée astucieuse, rarement exploitée par le genre.



Malgré toutes ses qualités, « The Descent : part 2 » n’est pas exempt de défauts. Principalement : des personnages moins travaillés que dans le premier opus et surtout certaines scènes d’action filmés avec une caméra trop saccadée, ce qui empêche d’apprécier pleinement la qualité des maquillages des crawlers et les effets sanguinolents.
Sans oublier quelques passages se voulant drôles mais qui frisent le mauvais goût (la mare de mer...d’excréments) et les (trop) nombreux effets de surprise faciles (« je suis caché dans le noir et je bondis vers la caméra, BOUH !)
La fin elle-même, totalement inattendue, (bien malin qui la devinera à l’avance…) sera sujet à controverse selon si on l’apprécie ou pas.

Mais ces défauts n’occultent en rien ce que le film réussit parfaitement.
D’autant qu’une œuvre de cette trempe est plutôt rare…



Digne successeur du premier film, « The Descent : part 2 » est une vraie surprise.
Alors qu’on pouvait s’attendre à une séquelle opportuniste et bâclée, il s’avère non seulement parfaitement cohérent avec le premier opus mais reprend les éléments essentiels qui ont fait son succès : violence barbare empreinte d’un gore repoussant, personnages vulnérables mais capables de tout et atmosphère étouffante. A ceci, s’ajoute un scénario aussi noir et retors que la caverne où est tourné le film.
Même si quelques défauts se font sentir et en dépit de l’effet de surprise du premier ; « The Descent : part 2 » est un film d’horreur supérieur à la moyenne, autant qu’une suite honorable.

A voir au cinéma si possible.

Note : ***