samedi 17 octobre 2009

Hook



Peter Banning alias Peter Pan est devenu un brillant avocat d'affaires qui a tout oublié de ses merveilleuses aventures. Mais le terrible capitaine Crochet, lui, n'a rien oublié. Pour enfin, regler leur compte, il enlève une nuit les enfants de Peter. Et C'est en compagnie de la fée Clochette que Peter s'envole à nouveau pour le Pays Imaginaire.




Et si Peter Pan avait grandi?
Un point de départ au potentiel infini pour quelque scénariste digne de ce nom : la perte de l'innocence, le passage de l'enfance à l'âge adulte, l'imagination infantile corrompue par le monde du travail, la descendence, les valeurs et les promesses oubliées, la famille, le retour en enfance, la liberté de faire ce qu'il nous plait... Des thèmes innombrables qu'il serait difficile de caser dans un seul long métrage.
C'est pourtant le défi que s'est lancé le grand Steven Spielberg.

Spielberg ,déjà à l'époque, était mondialement connu pour ses « Dents de la mer », « E.T. » ou encore « Rencontres du 3ème type » mais si le nom du cinéaste est bel et bien associé à de gros succès commerciaux dans l'imaginaire collectif, peu savent qu'il a également subi de lourds échecs dans sa prolifique carrière.
« Always » et « Sugarland Express » figurent parmi ses films les moins connus et « 1941 », pourtant trépidant et loufoque à souhait, a été un flop si grand que le titre du film est encore aujourd'hui passé sous silence dans sa filmographie.
Mais si ces films n'ont pas rencontré leur public lors de leur sortie en salles, cela n'enlève en rien à leur qualité.

« Hook » se range dans cette catégorie.
En effet, en voulant en raconter le plus possible (voir liste ci dessus), les sentiments prennent malheureusement le pas sur l'action et apportent un rythme inégal à certains scènes. De la part de celui qui a donné vie au célèbre Indiana Jones, le public était en droit d'attendre un film d'aventures héroique digne de ce nom et pas à un long métrage intimiste dans la lignée de « La Couleur Pourpre »...


Ceci étant dit, est-ce que « Hook » est un mauvais film?
Aucunement, si l'on sait à quoi s'attendre.
Si les sentiments prennent effectivement le dessus, on est bien loin d'un mélodrame de bas étage auquel on aurait pu s'attendre. Spielberg, dont le sujet de prédilection a toujours été la famille recomposée (re-regardez ses films, vous verrez...) et en particulier les rapports adultes/enfants, semble ici exorciser de lointains souvenirs. Il donne tout ce qu'il a dans les relations entre les différents membres de la famille Banning et fait ressortir en chacun une véritable puissance dans les émotions.
Sincérité, vraisemblance et tendresse sont les mots d'ordre au cours de ces séquences réellement touchantes, qui vont parfois jusqu'au lacrymal.

Mais à trop donner dans un aspect du film, on en oublie les autres.
A commencer par la reconstition du Pays Imaginaire où se déroule le majeure partie du film.
Pour donner vie au monde inventé par J.M. Barrie, Spielberg s'est entouré d'un nombre impressionnants d'artisans en tout genre qui ont su créer des décors grandioses à la fois vastes et réalistes, et en même temps volontairement dotés d'un aspect carton pâte qui les rend plus enfantins.
A observer la ville ou le bâteau pirate, fourmillant de détails, on reconnaît là un vrai travail d'orfèvre.
Dommage que la caméra ne parvienne que rarement à les mettre en valeur...

A l'opposé, le décor des enfants perdus, vulgaire circuit de skateboard perdu au milieu des arbres, où trône un terrain de basket, est moins proche de la cachette naturelle décrite dans l'histoire originelle que d'un hangar à ciel ouvert où se réuniraient des collégiens en mal de sensation fortes.
C'est d'ailleurs l'impression que l'on a lorsqu'on découvre ces « enfants perdus » pour la première fois. Heureusement cette impression sera vite effacée par leur personnalité attachante et le talent des jeunes comédiens qui les interprètent.



En revanche, peu d'action dans le film donc. Même la bataille finale, aussi spectaculaire et inventive soit elle, est vite expédiée. Cependant on ne s'ennuie pas pour autant car ce qui fait le charme du film, c'est le soin apporté à la réalisation elle même. Malgré les décors démesurés, ce sont les innombrables trouvailles visuelles qui retiennent le plus notre attention.
Et pas des moindres, comme celle de donner l'impression que des acteurs s'envolent (attachés à des câbles invisibles le plus souvent) où qu'ils ont la taille d'une petite cuillère. Des effets spéciaux omniprésents et à la pointe de la technologie (à l'époque), aussi saisissants que discrets.

Impossible de parler des qualités du film sans mentionner un John Williams au meilleur de sa forme qui assure presque le spectacle à lui tout seul.
« Hook » est sans conteste l'une de ses meilleures musiques de film. En plus d'un thème principal qui fleure bon l'héroisme et les duels épiques, il nous livre des mélodies intimistes oniriques et poignantes.
Sa B.O. s'avère tellement efficace qu'il en reprendra un passage quand il composera celle de « L'Attaque des Clones »...


Et pourtant loin des batailles rangées et des effets spéciaux, presque écrasés par les décors incommensurables, ce sont bien les acteurs qui sont au centre du film.
Le casting est d'ailleurs d'une qualité exemplaire puisque parmi les rôles principaux, pas moins de quatre acteurs ont été nominés, voires oscarisés durant leur carrière. Synonyme de qualité.

Si Robin Williams se sent parfois mal à l'aise à jongler entre plusieurs personnalités, il met toute son énergie au service d'un personnage volontairement grotesque. Quant à Julia Roberts, elle illumine le film de son sourire malicieux.
Sous le chapeau d'apparât et la longue moustache lissée du Capitaine Crochet, Dustin Hoffman vole presque la vedette aux autres comédiens : cabotin et excentrique à souhait, il laisse son sérieux au vestiaire en n'oubliant jamais qu'il tourne un film pour enfants avant tout. Sa performance lui vaudra une nomination aux Golden Globes.
A ses côtés, on trouve un Bob Hoskins égal à lui même : formidable.
Reprenant le caractère facétieux des personnages du dessin animé, les deux acteurs s'en donnent à coeur joie entre situations absurdes et jeux de mots vaseux. L'alchimie entre eux est parfaite.

On apprécie également la courte présence de Maggie Smith, qui fait de Wendy une vieille femme charmante dont les yeux mélancoliques feraient fondre un rocher.
Sans oublier la toute jeunette Amber Scott, qui joue la fille de Banning, au talent étonnant. Assurément, une actrice née!



Malgré quelques combats sympathiques qui prennent place dans des décors grandioses, si vous vous attendez à un grand film d'aventure avec combats dantesques à la clé, passez votre chemin. Vous serez certainement déçu.
Plus que le grand spectacle, « Hook » met l'accent sur des dialogues savoureux et des scènes empreintes d'une certaine nostalgie.
Plus que sur la grande épopée, le film se concentre sur les valeurs familiales.
Et ce, avec une justesse rare pour un film destiné au grand public.

Réalisé par un géant du cinéma et porté par un quatuor d'acteurs impeccables, le film bénéficie surtout de dialogues cocasses et d'une musique exceptionnelle.
En dépit d'un rythme inégal et d'une impression de « fourre-tout émotionnel » qui rend certaines scènes bancales, « Hook » demeure un bon film pour petits et grands enfants...

Pour les non anglophiles, la VF est également d'excellente qualité.

Note : ***

District 9



Il y a 30 ans, des extraterrestres entrèrent en contact avec la Terre... Les humains avaient tout imaginé, sauf ce qui s'est produit. Les extraterrestres n'étaient venus ni nous attaquer, ni nous offrir un savoir supérieur. Ces visiteurs d'au-delà des étoiles étaient des réfugiés, les derniers survivants de leur monde. Ils furent temporairement installés dans le District 9, en Afrique du Sud, pendant que les nations du monde se querellaient pour savoir quoi en faire...



Pas de nom connu derrière la caméra, pas plus que dans le casting.
Pas de blockbuster pyrotechnique michaelbayien à l'horizon. Et ce n'est même pas un film américain.
Il est fort probable que « District 9 » ne rencontrera pas de gros succès en salles. Et c'est vraiment regrettable tant ce film risque de laisser une trace indélébile dans le cinéma de SF anticipative.

Depuis les années 50 avec « La Guerre des Mondes » et autres productions pharaoniques made in Hollywood, le cinéma de science fiction a toujours été un moyen de mettre en scène les peurs de son époque pour mieux les exorciser. Ainsi, des communistes slaves aux immigrés clandestins, les étrangers ont souvent pris la forme d'envahisseurs tentaculaires baveux et destructeurs sur grand écran.
La peur de l'autre, de l'inconnu a toujours été un sujet phare pour le cinéma de SF.
D'ailleurs, il faut savoir que « étranger » en anglais peut se traduire « foreigner » mais aussi « alien »...

L'Histoire nous l'a maintes fois confirmé, le cinéma reste le meilleur moyen de faire passer un message. Mais pour que le message passe, il faut y mettre la forme.
Si l'on s'intéresse aux documentaires sociaux on s'aperçoit que ceux qui présentent de manière brute la pauvreté et le malheur des gens font rarement recette. Il n'y a qu'à voir tous ceux qui fleurissent sur les écrans en ce moment alors que le cinéma n'a jamais été aussi engagé, et qui repartent bredouilles.
En revanche, Michael Moore fait un triomphe par son style tragicomique et décalé des évènements qu'il décrit.


Plus proche du sujet, « Men In Black » met en scène des extraterrestres immigrés dont la plupart ne cherche qu'à mener une vie bien rangée, sans faire de vague. L'allusion est subtile mais fonctionne. D'autant que, dissimulée derrière une bonne couche d'effets spéciaux et de comédie, elle atteint le spectateur et lui permet de saisir le deuxième niveau de lecture du film.
De même, la répression des libertés, contrôlée par un gouvernement totalitaire et de plus déshumanisé, fait partie intégrante du cinéma de SF, et ce depuis 1928 avec la sortie de « Metropolis » de Fritz Lang.
Aujourd'hui les exemples pullulent : « Minority Report », « The Island », « I Robot » « Robocop »...pour ne citer qu'eux.


La métaphore et le symbolisme resteront donc toujours les moyens les plus efficaces pour faire passer un message politique ou social sur grand écran.


Enfin, ces dernières années, l'explosion de la télé-réalité et des sites de vidéos interposées (Youtube pour le plus connu) a changé la donne en matière de réalisation cinématographique, en ce sens que de plus en plus de cinéastes cherchent à placer le public directement au coeur de l'action comme s'il faisait partie intégrante de l'histoire.
D'où la multiplication (voire la surenchère) de films tournés caméra à l'épaule ou de façon plus extrême tournés comme un vulgaire film amateur. Je fais évidemment référence à « Cloverfield » qui a fait date en parvenant à créer une impression de réalité saisissante grace à sa mise en scène immersive.





Ce préambule à la façon de « L'histoire du cinéma de SF pour les Nuls »,s'avére indispensable pour comprendre en quoi « District 9 » est un film exceptionnel, en ce sens qu'il n'est rien d'autre que la synthèse de tout ce que le cinéma de SF a pu nous offrir.
Non pas qu'il réinvente le genre (aujourd'hui, qui pourrait s'ennorgueiller d'une telle chose?) mais il s'approprie tout ce qui a été cité précédemment avec une virtuosité sans précédent.

La mise en scène du film est une surprise à elle seule.
En effet, « District 9 » commence comme un documentaire télévisé, avec interviews et séquences filmées par des journalistes et diffusées à l'antenne.
L'introduction du film pourrait n'être qu'un « simple » reportage sur un bidonville quelconque à ceci près que les habitants qui y logent viennent d'une planète différente de la notre.

Tout comme dans « Men in Black », les extraterrestres résidant sur Terre sont pris en charge par un service d'immigration.
Mais cette fois pas de second degré pour faire passer la pillule : sans fausse note, suivant pas à pas le travail méticuleux d'un groupe responsable de ce service, le réalisateur met l'accent sur l'horreur et la cruauté de la situation. Sans l'once d'une émotion, le fonctionnaire chargé de l'expulsion des Crevettes (comme on les appelle dans le film) annonce gaiement à chacun qu'il lui reste quelques heures pour faire ses bagages afin d'être gratuitement relogé dans une tente loin d'ici pour le bien de la population terrienne.
Et ceux qui font la forte tête auront le plaisir d'observer de très très près le canon de fusil d'une armoire à glace au vocabulaire plus que limité...
Le choix est vite fait.


Encore plus que dans « Cloverfield », l'impression de réalité est absolument bluffante.
D'autant que les Crevettes, mélange improbable entre un Predator et la mouche de Cronenberg, sont d'une crédibilité à toute épreuve. En utilisant la technique de la motion capture où un acteur est recouvert de capteurs pour que l'ordinateur reconnaisse ses mouvements avant de les retranscrire sur une créature numérique, comme avec Gollum dans « le Seigneur des Anneaux » (Peter Jackson a d'ailleurs produit le film), ils s'intègrent parfaitement au décor. De plus, leurs yeux surprennent par leur sensibilité et leur insufflent un sentiment de vie fascinant. La technologie de pointe mise au service de l'émotion...


En prenant conscience que les extraterrestres du film ont bien leur équivalent réel, impossible de ne pas être envahi par une terreur intense, parfois insoutenable, à la vue du traitement inhumain auquel on les soumet. Le pire étant peut être la scène où le fonctionnaire s'amuse en débranchant la projéniture d'une Crevette...
Mais « District 9 » ne se contente pas de dénoncer les abus politiques vis à vis de l'immigration.
Des violences interraciales, à la prostitution en passant par le cannibalisme et ses croyances ou encore le profit des grands vendeurs d'armes...c'est toute la panoplie de la cruauté humaine qui est passée au crible.


Le film échappe à un manichéisme de base : noir ou blanc, l'homme est un salaud. Point.
Et ce n'est pas le « héros » de l'histoire qui nous prouvera le contraire. Même quand le système en qui il croyait tant (figure récurrente de la SF : « Minority Report » et les autres ; voir plus haut) se retourne contre lui, ce n'est que par pur égocentrisme qu'il cherchera de l'aide dans l'autre camp.
Un sale type antipathique auquel on a du mal à s'attacher et qui dénote totalement du sauveur de l'humanité auquel on nous a habitué.

A l'opposé de « Cloverfield », les acteurs, de parfaits inconnus, sont tous excellents et campent des personnages ordinaires tout à fait crédibles (là où les protagonistes de « Cloverfield », étaient justes niais et mal joués...)



De toute façon dans « District 9 », tout le monde en prend pour son grade : les militaires zélés « tirent d'abord et posent les questions ensuite », bam!
Les travailleurs « ne peuvent pas penser par eux même », re bam!
Sans compter les expériences génétiques tenues secrètes ou encore la manipulation de la foule par les médias : le film nous assène coup sur coup des séquences d'une noirceur rare pour ce genre de film et nous montre à quel point notre monde est pourri de l'intérieur...

Ainsi grace à une mise en scène singuliere et immersive et une représentation terrifiante de notre société moderne, les vingt premières minutes du film sont justes hypnotisantes. On reste scotché à l'écran sans pouvoir détourner le regard. Une véritable prouesse!



Par la suite, le film adoptera une voie plus conventionnelle avec des scènes d'action pures filmées caméra à l'épaule. Mais ce, sans pour autant tomber dans la violence spectacle basique.
Même si, comparées au passages en mode documentaire, ces scènes manquent parfois de précision, il faut reconnaître que le réalisateur a mis le paquet pour satisfaire les amateurs. Les effets provoqués par les explosions sont remarquables, les armes extraterrestres font littéralement éclater les corps et les balles fusent en tous sens. Des affrontements brutaux et sans concession, soulignés par une musique primitive et des percussions asourdissantes.

Regorgeant de petites trouvailles visuelles, ces séquences sont loin d'êtres gratuites.
Non seulement, elles font partie intégrante d'un scénario riche en rebondissements mais permettent au réalisateur (et au spectateur) de souffler un peu après une première partie particulièrement éprouvante pour les nerfs.
Le rendu de l'action est généralement impeccable et se termine en apothéose avec un impressionnant robot, digne successeur du ED-209 de « Robocop ».




Autant film de SF ambitieux à grand spectacle que métaphore sur les conditions des immigrés face à un gouvernement impitoyable, « District 9 » réussit son coup sur les deux tableaux.
Incroyablement généreux, brillant sous tous rapports et doté d'une cruauté rare pour un film de genre, c'est une oeuvre époustouflante qui bénéficie en plus d'un scénario travaillé et imprévisible.
L'un des meilleurs films de SF jamais réalisé doublé d'un véritable choc visuel et moral.

Note : ****