vendredi 18 mai 2012

The Raid

The Raid
Membre d'une unité de policiers d'élite, Rama débarque au pied d'un immeuble délabré. Sa mission : capturer le baron de la drogue dans son QG. « Aargh! », « Ough! », « Ow!», « Gnnn! » ; ambiance sonore classique d'un film d'action. Fait étrange, cette fois ce ne sont pas les acteurs du films qui poussent des grognements de douleur, mais les spectateurs de la salle de cinéma. C'est que dans le film les combats font mal. Très mal. Assez mal pour que, assis confortablement dans les fauteuils de la salle obscure, on puisse ressentir la douleur des comédiens à travers nos propres muscles et os. « The Raid », le film qui vous apprend l'empathie. Vers le début du nouveau millénaire, et après le succès colossal de Matrix et de ses chorégraphies câblées d'inspiration clairement liée au cinéma asiatique, les artistes de l'Orient, bercés dans les arts martiaux depuis leur naissance, ont alors connu un essor et une renommée qui étaient alors réservés à une élite américaine. Jackie Chan et Jet Li, associant avec une maitrise rare leurs connaissances martiales et des acrobaties rendues possibles par la technique moderne, ont alors déboulé sur le marché occidental. Mais sans mettre en faute leurs talents respectifs, les deux stars n'ont que rarement su offrir des films d'action digne de leur valeur. Et si Jet Li est passé maitre dans les affrontements en saut à l'élastique sur fond d'écran vert, Jackie Chan s'est singularisé dans la comédie burlesque où les coups portés relèvent plus du film muet à la Charlie Chaplin que du combat de rue à la Bruce Lee. Difficile donc de s'identifier à de telles personnes, qui évoluent dans un univers qui leur est propre et bien loin de notre quotidien. En 2003, le monde du film d'action se tourne brusquement vers la Thaïlande et « Ong Bak », qui font de Tony Jaa la nouvelle star incontestée de la castagne sur grand écran. Cette fois fini les câbles, les grosses explosions en images de synthèse et les écrans verts. En mettant en valeur de manière spectaculaire un art martial traditionnel local et en n'utilisant jamais de doublure, Tony Jaa nous offre des affrontements fracassants et brutaux où les os craquent et les muscles se déchirent pour de vrai (le générique final dénombre plus de cascadeurs que d'acteurs). Un ultra-réalisme saisissant qui met un grand coup de pied retourné dans la fourmilière. Cependant en raison de son anglais limité, Tony Jaa ne fait pas carrière aux USA comme ses prédécesseurs. Et son succès s'arrête là. Mais l'idée est lancée : le salut viendra de l'Est. C'est ce qu'a du se dire le réalisateur britannique Gareth Evans quand il a rencontré Iko Uwais en Indonésie. Et après « The Raid » nul doute que l'acteur va faire parler de lui. Presque 10 ans après Tony Jaa, Evans a finalement trouvé la relève. Non content de faire preuve d'une panoplie d'attaques à faire pâlir un personnage de jeu vidéo, Uwais s'avère aussi à l'aise que pour le combat à mains nues, à l'arme blanche ou à feu. Et surtout il déploie une ingéniosité surprenante quand, entouré d'adversaires, il n'hésite pas à utiliser mobilier et accessoires divers pour se débarrasser de ses agresseurs. Il transforme rapidement chaque pièce de l'immeuble en véritable arène de combat, où non seulement tous les coups sont permis mais sont encouragés. Bien loin de la vulgaire chair à canon anonyme qui ne fait généralement que ralentir la progression du héros avant le bad guy final, chaque ennemi est une menace sans appel qu'il faut éradiquer sans perdre un instant. Les combats sont donc expéditifs sans pour autant être brefs. Non seulement les combattants démontrent une férocité fulgurante, mais les coups portés sont d'un réalisme choquant à vous faire déchirer les accoudoirs en serrant les poings. Mais c'est l'effet de surprise qui l'emporte et réjouit le plus. Du coup, décrire les combats du film reviendrait à en gâcher la valeur. La baston est donc le gros point fort du film. Mais l'esthétique n'est pas en reste. Alors que la plupart des sorties récentes se ressemblent et se rassemblent, privilégiant des combats filmés avec une caméra parkinsonienne et un montage frénétique sans âme, on appréciera d'autant plus le choix du réalisateur de sublimer l'action par des plans séquence de qualité et une bande son au synthe rythmée et imposante. Il ne laisse ainsi échapper aucun détail, aussi sadique et douloureux soit-il, et les affrontements dévoilent une énergie communicatrice qui vous tient aux tripes jusqu'à la fin du générique. Une pure injection d'adrénaline. Toujours en matière d'esthétique, on saluera également les influences du réalisateur. Couleurs blafardes ou glacées, environnements restreints et exigus, contre plongées anguleuses, ombres inquiétantes et ambiance sonore étouffante, Evans renoue avec élégance avec le cinéma de John Carpenter, figure phare du cinéma fantastique des années 70, avec un plaisir non dissimulé. A plusieurs reprises, le film dénote d'ailleurs de fortes ressemblances avec l'univers visuel de « Nid de Guêpes » du français Florent Emilio Siri, remake avoué de « Assaut » de ledit Carpenter. C'est justement ce qui frappe le plus dans le film. A des années lumières du cinéma d'action factice Hollywoodien moderne et de l'exubérance graphique des productions asiatiques, le film se déroule dans une atmosphère à la fois froide et sobre, qui tient davantage d'une esthétique européenne (Evans est Gallois), dont Carpenter - bien qu'Américain - se revendiquait d'utiliser. Et lorsque l'action survient, l'impact en est d'autant plus redoutable que les scènes se déroulent dans un environnement crédible et palpable. Nombreux et variés, les combats ont néanmoins la bonne idée de ne pas s'éterniser – à une exception près. Et lors des moments plus calmes, on profite alors d'un jeu d'acteur plus que crédible pour le genre. Et si les dialogues surprennent moins que l'action, ils ont le mérite de faire avancer une intrigue assez riche en rebondissement et de développer les personnages, bien moins stéréotypés que ce genre de production offre généralement. Si vous êtes lassés des films d'action Hollywoodiens sans saveur et des combats câblés matrixiens, ne passez surtout pas à coté de ce pur concentré de violence à la fois réaliste et décomplexée. En offrant des sensations et des sueurs froides à vous faire remonter votre déjeuner, « The Raid » entre directement au panthéon des plus grands films d'action, tous continents confondus. Note : ****