samedi 27 juin 2009

Massacre à la Tronçonneuse



Jeunes et insouciants, cinq amis traversent le Texas à bord d'un minibus. Ils s'aperçoivent bien vite qu'ils sont entrés dans un territoire étrange et malsain, à l'image du personnage qu'ils ont pris en stop, un être vicieux en proie à des obsessions morbides...



On dit que le film est si terrifiant qu'on n'oublie jamais la première fois qu'on voit « Massacre à la Tronçonneuse »...
Néanmoins, la réputation sulfureuse du film vient plus de son interdiction dans de nombreux pays pour sa violence extrême que pour ses réelles qualités cinématographiques.
En le voyant, on comprend aisément qu'il n'a pas usurpé son titre de "film le plus terrifiant de tous les temps" mais fait-il encore le poids face aux standards d'aujourd'hui?



En 74 (date de sortie du film), le film a du être un électrochoc pour de nombreux spectateurs.
Il faut dire qu'à l'époque, on n'avait jamais rien vu de semblable.
On peut considérer les années 70 comme un renouveau dans le cinéma d'horreur.
Deux ans avant « Massacre à la Tronçonneuse », Wes Craven vient de finir « La dernière maison sur la gauche » dont on dit que « Massacre à la Tronçonneuse » s'est beaucoup inspiré.
De même que le film de Wes Craven, on a longtemps considéré « Massacre à la Tronçonneuse » comme un pamphlet contre la famille américaine de l'époque et sa perversité latente (le masque, symbole des désirs refoulés que l'on cache derrière une autre apparence ?).
En tout cas, il est vrai qu'entre les deux films les ressemblances sont parfois flagrantes : même grain à l'image, même famille de psychopathes, mêmes meurtres sanglants mais filmés de manière réaliste, même ambiance malsaine et même escalade dans la violence sans concession.


En parlant de violence, « Massacre à la Tronçonneuse » soulève un point interessant : Jusqu'où peut-on aller sur un écran?
Du point de vue philosophique, comme « Chiens de Paille » de Peckinpah (Franklin qui joue constamment avec son couteau mais qui n'arrive pas à comprendre comment on peut s'entailler la main avec fait écho à la scène où Dustin Hoffman part chasser), mais surtout du point de vue visuel.
« Massacre à la Tronçonneuse » est pour beaucoup synonyme de « hectolitres de sang » alors que dans les faits, le sang brille justement par son absence.
Il y en a bien un peu par ci par là mais les gens sont dans le tort lorsqu'ils imaginent le film.

« Imaginent » parce que, de par sa réputation d'abord, le titre ne donne pas forcément envie de le voir alors la majorité se « fait le film » sans même l'avoir vu, ensuite parce que la plupart de ceux qui ont réellement vu le film ont cru(!) voir tout ce sang.
Pourquoi? Tout simplement grace à la mise en scène incroyablement suggestive de Tobe Hooper qui en montre peu mais nous fait croire beaucoup. Grace à son sens fulgurant du montage, il nous plonge en plein coeur de l'horreur tout en évitant de nous montrer le moindre membre tranché.
D'une pierre deux coups : il fait s'affoler notre imagination, qui réinvente les scènes, et évite de se ridiculiser en employant des effets spéciaux bas de gamme (dus à un budget serré) qui auraient donné dans le grand gignol.


Parce que la vraie force du film c'est que non seulement il ne sombre pas dans la surenchère de tripailles et de gore à tout va mais, en évitant le second degré inhérent à ce genre de production, il n'offre que de très rares moments de détente, nous tenant constamment sous pression.

Avant tout, un prologue nous informe que le film est basée sur des faits réels...canular du réalisateur qui lui permet de placer le spectateur dans un contexte horrifique dès le départ. Pour accentuer le côté véridique de la chose, les premières images du film sont des photographies dont le flash aveuglant laisse à peine entrevoir des os broyés et des morceaux de chair pourrissants.
Le procédé est absolument brillant et sera repris plus tard dans des dizaines de bandes annonces (dont celles du remake, de Marcus Nispel...)

Visuellement, Tobe Hooper, encore jeune étudiant, profite au maximum de son budget rachitique pour créer une atmosphère qui dégoûte et qui écoeure.
Le grain de l'image d'abord, la lumière étouffante ensuite, créent une ambiance particulièrement malsaine.
La bande son elle même n'offre aucun réconfort : entre deux ronrons de tronçonneuse, grésillements et bruits de perceuse se succèdent pour le plus grand malheur de nos tympans...
Mais le réalisateur sait aussi jouer des silences pour nous tenir en haleine : le plan de la porte ouverte est un monument d'appréhension..
Rarement ambiance sonore aura été aussi prenante!
Et si on associe avant tout le film à Leatherface, les personnages secondaires sont réellements effroyables.


La scène de l'auto-stoppeur est à la fois flippante (l'acteur est parfait!) et écoeurante. Quant à celle du dîner elle reste l'une des plus mémorables du film.
Filmée de façon quasi documentaire, elle nous place en qualité de voyeur et nous oblige à regarder le meurtre de cette jeune fille sans défense (l'actrice a du avoir une extinction de voix pendant plusieurs jours en criant autant, la pauvre...).
Un réalisme saisissant!

Le film pousse le bouchon particulièrement loin dans le sadisme et la perversité.
Un personnage est suspendu à un crocher de boucher, l'autre se fait découper bien proprement avant d'être servi à dîner...
L'héroine s'en prend vraiment plein la tête : coups de balai, coups sur la tête, défenestrations, sauts, course à travers les bois...rien ne lui sera épargné.
Mais là où « Massacre à la Tronçonneuse » surprend réellement, c'est par son abscence de morale bien pensante. En général, les films d'horreur se focalisent sur des ados en proie à la promiscuité comme victimes potentielles. Ici tout le monde se retrouve logé à la même enseigne, même les handicapés...


Mais surtout « Massacre à la Tronçonneuse » ne met pas en scène de méchants escargots qui font du surplace quand il s'agit de découper les gens en rondelle.
On s'imagine facilement Leatherface en émule balourd de Frankenstein, s'avançant lentement vers l'héroine en fendant l'air de mouvements ridicules avec son engin de mort juste pour montrer que c'est lui le plus fort (et aussi pour que l'héroine en question puisse trouver un échappatoire miracle au dernier moment...).
C'est donc autant plus impressionnant de le voir courir (et il est rapide le bougre!) quand il poursuit la fille dans les bois. C'est vrai qu'il s'arrête souvent pour élaguer les branches mais la scène reste terriblement efficace : on y croit!


Malgré tout la fin reste trop classique (deus ex machina...) et la « danse » de Leatherface fait autant sourire qu'elle répugne. Le voir exécuter cette série de mouvements « artistiques » sur fond de coucher de soleil a vraiment quelque chose de fascinant.
Avec du recul, certaines scènes prêtent à sourire : la plupart des « gentils » sont transparents et Hooper abuse parfois des gros plans extrêmes.
La fin est décevante pour certains et le film, dans l'ensemble, suit un rythme plutôt lent. Bien que court (1h23), on s'ennuie un peu.
Mais ça c'est parce que le film a déjà plus de 30 ans et qu'en tant que spectateurs « modernes » on est plus habitués à des mises en scène rapides et des effets gore à gogo.

Malgré ses qualités, le film aura du mal à convaincre les adeptes des « Saw » et autres « Hostel » qui fleurissent sur les écrans comme des petits pains (euh, ça fait bizarre comme expression...) : je le répète, il n'y a quasiment pas de gore dans le film.
Mais « Massacre à la Tronçonneuse » c'est avant tout un symbole.
Le symbole de toute une génération traumatisée par des scènes jamais vues auparavant, mais aussi une pierre blanche dans l'histoire du film d'horreur.
On ne peut nier l'influence qu'à eu le film sur la grande série de slashers qui sévira durant les années 80/90.

Le masque de Leatherface est à lui seul une icône du cinéma et a engendré un grand nombre de rejetons dont celui de « Scream », « Halloween », « Jason » et j'en passe.
D'ailleurs, tout comme Leatherface (qui ne pousse que quelques cris), Mike Meyers et Jason sont des tueurs muets. Et c'est leur abscence d'expression qui les rend si terrifiants,... si inhumains.
C'est bien le masque du tueur qui lui donne sa personnalité.
Détail amusant pour finir: Leatherface a un masque différent selon qui il interprète : le voir habillé en grand-mère n'est pas banal...




Le chef d'oeuvre ultime de Tobe Hooper reste un monument du film d'horreur.
Malgré quelques passages marqués par le temps, le film réserve de sacrés moments de frayeur.
Son ambiance suffocante et la performance immortalisée de Gunnar Hansen en Leatherface suffisent pour faire de « Massacre à la tronçonneuse » une expérience traumatisante. S'il laissera peut être de marbre le public d'aujourd'hui, il bat à plate couture la plupart des films récents du genre, le sur-estimé « Eden Lake » en tête.
Reste à voir ce que vaut le remake...

note : ***

The Fog



En Californie, le port d'Antonio Bay fête son centenaire. La légende raconte que les marins d'un navire naufragé un siècle auparavant reviendront se venger par une nuit de brouillard. Or cette nuit là, une brume maléfique commence à semer la terreur et la mort sur son passage...




Attention de ne pas confondre « The Fog » de John Carpenter avec « The Mist » de Frank Darabont.



Pour beaucoup, John Carpenter est une véritable icône du cinéma fantastique même si la plupart le connaissent surtout pour son premier grand succès : « Halloween », l'un des films d'horreur les plus rentables de l'histoire.
« The Fog » c'est le quatrième film de Carpenter. Il est certainement moins connu que ses prédecesseurs mais n'en reste pas moins tout aussi réussi.


Malgré le carton colossal au box office de « Halloween », Carpenter ne désire pas pour autant continuer dans la lancée des slasher movies et il s'avère que « The Fog » n'est autre qu'un simple film de fantômes à l'ancienne.
Malheureusement sorti à une période où le viscéral « Scanners » de Cronenberg trône sur les écrans, « The Fog » est boudé par un public alors amateur de gore et de violence graphique.
Il est vrai que « The Fog » n'est pas gore pour un sou et malgré des séquences d'une rare violence, les égorgements et autres lacérations de l'abdomen à l'aide d'objets contondants ne feront jamais verser la moindre petite goutte de sang à l'écran...

Un terrible manque de réalisme? Au contraire.
Partisan de l'adage « on a plus peur de ce que l'on ne voit pas car on l'imagine », Carpenter est passé maître dans l'art de suggérer les choses. Ainsi au lieu de tout miser sur la tripaille et l'hémoglobine à tout va comme ses confrères, il soigne sa mise en scène et parvient à créer une atmosphère lugubre, incroyablement angoissante.
Le potentiel de base n'était pourtant pas réjouissant et entre de mauvaises mains le film aurait facilement pu s'achever par un désastre.
En effet ; "Comment effrayer les spectateurs en filmant des comédiens en costume continuellement plongés dans un voile de fumée?"


Mais Carpenter n'est pas n'importe qui et sait parfaitement que dans ce genre de film c'est l'ambiance elle même qui prédomine et chez lui, elle se fait à la fois de manière visuelle et sonore.
Dès les premières secondes, le ton est donné : le film débute par une citation d' Edgar Allan Poe avant de laisser la place à un vieux loup de mer qui raconte une histoire d'horreur autour d'un feu de camp. Tout est mis en oeuvre pour plonger directement le spectateur au coeur du film.
Alors que d'autres metteurs en scène y seraient allés à grand renfort d'effets spéciaux, Carpenter parvient uniquement à l'aide des effets sonores et de la lumière à nous faire croire que le brouillard est vivant. Plus impressionnant encore, il nous fait prendre conscience qu'il représente une menace réelle.
Se basant sur les écrits de Lovecraft, il transforme sa simple brume en incarnation du Mal. Un mal sans visage, ni forme. Une force éthérée et indomptable.
Le brouillard lui même est littéralement traversé par une lueur phosphorescente qui lui donne un aspect à la fois effrayant et surnaturel, quant aux fantômes, ils demeurent éternellement dans l'obscurité...
Le tout est sublimé par des cadrages superbes et les éclairages grandioses de Dean Cundey, l'un des plus grands directeurs de la photographie de son temps.


Toujours dans l'art de suggérer, Carpenter connait par coeur les règles d'or du film d'horreur et sait parfaitement quand et comment faire bondir son public.
Maîtriser le suspense est un art délicat mais le réalisateur s'avère être le digne successeur de Hitchcock.
Carpenteur est en effet un vrai conteur visuel et les émotions du spectateur dérivent intégralement de sa mise en scène : grace aux cadrages ou à l'absence de musique, on sait qu'il va se passer quelque chose mais on sent surtout que Carpenter cherche consciemment à nous laisser mijoter dans notre jus pour finalement nous amener sur une fausse piste et nous surprendre brusquement au moment où l'on ne s'y attend plus.

Mais il faut également reconnaître son talent quand il s'agit de créer une ambiance sonore. Egalement compositeur de la musique de ses films, Carpenter se contente généralement d'accoler quelques notes de synthé pour accompagner ses images.
Et malgré toute attente, le procédé est d'une efficacité redoutable. A l'aide de simples notes qu'il répète à l'infini mais qu'il assène violemment comme s'il frappait sur un couvercle métallique, Carpenter parvient à souligner l'inéxorable avancée de la mystérieuse et mortelle brume.


Si la star du film c'est bien « The Fog » lui même, les comédiens jouent tous de façon exemplaire. Comme James Cameron (« Terminator », « Aliens »), Carpenter a visiblement un faible pour les femmes au caractère bien trempé.
Loin d'être de simples « screaming girls », ses héroines sont fortes et savent se défendre. Parmi les actrices qui les incarnent on retrouve la brillante Jamie Lee Curtis, que Carpenter retrouve après « Halloween » et Janet Leigh (« Psychose ») qui ne sont autres que mère et fille dans la vie.
Mais malgré la présence des deux stars, c'est surtout le charisme de Adrienne Barbeau, en animatrice radio à la voix langoureuse, que l'on retiendra.
Cette dernière épousera par la suite le réalisateur du film...




Même si « The Fog » a sensiblement vieilli, il n'en reste pas moins un digne représentant de ce qui se fait de mieux en matière de film d'horreur à la fin des années 70.
Avec ce film, Carpenter confirme sa prédisposition pour les plans travaillés et les ambiances à couper au couteau et, en dépit d'un petit budget, démontre son aptitude à créer des scènes choc à partir d'un scénario minimaliste.
En d'autres mains moins adroites, le film aurait pu être un véritable navet... et c'est le cas : oubliez donc son pathétique remake.


Note : ***

Le Créateur



Darius, auteur à succès, découvre avec horreur qu'il a oublié d'écrire sa pièce. Commence alors pour lui et pour les autres, le pire des cauchemars...




Après « Bernie », Albert Dupontel revient derrière la caméra pour un long métrage tout aussi noir et barré.
Difficile de résumer le film tant celui ci est bien plus complexe qu'il n'y paraît.
« Le Créateur » commence comme une farce, puis se tourne rapidement vers la satire acerbe avant de plonger irrémédiablement vers la noirceur la plus totale.

Depuis « Bernie » on connait l'attachement de Dupontel pour les loosers et les perdants, « Le Créateur » n'y fait pas exception.
Dupontel y interprète un célèbre dramaturge timide, stressé et mal dans sa peau. Mais ces quelques traits de caractère ne le définissent qu'en surface car plus ou moins inconsciemment il développe rapidement des pulsions meurtrières et une tendance marquée pour la schyzophrénie.
Un personnage antipathique et pourtant désespéremment attachant.
Parce que malgré la série de crimes dont il est coupable, Darius reste prisonnier de sa condition d'écrivain, obligé à founir toujours plus quelque soit le moyen...

Le reste du casting est lui aussi formidable, faisant la part belle à des seconds rôles savoureux. On ne s'étonnera d'ailleurs pas de retrouver toute la joyeuse bande qui fera le succès de « Enfermés dehors ».

La réalisation est particulièrement inspirée et offre de beaux moments de mise en scène. Que ce soit en sortant l'artillerie lourde (en faisant sauter un étage dans un magnifique ralenti ou en tirant un boulet de canon depuis une fourgonette) ou de manière bien plus subtile lorsque la caméra illustre des points de vue autres qu'humains : cela va de la vision noir et blanc du chat jusqu'à l'écran à cristaux liquides, où les mots inversés symbolisent celle de l'ordinateur.


Dupontel fait accompagner son film de grands morceaux de musique classique ce qui souligne constamment l'aspect tragédie (pièce de théatre/tragédie...) et met en valeur le destin funeste du héros.
Et puis, impossible de passer à côté de cet éternel parallèle entre la création d'une pièce de théâtre et celle de la Terre par le grand barbu. Grand barbu, au passage, joué par Terry Jones, ex membre des Monty Pythons et grand ami de Dupontel.


Mais le cinéma de Dupontel c'est aussi des dialogues truculents et inventifs qui ne laissent jamais indifférents. Maniant l'absurde et le cynisme comme une arme, il n'est pas rare qu'il nous arrache un fou rire quand il se met à balancer des répliques aussi invraisemblables que « C'est con un breton, ça sert à rien...En plus il fait jamais beau » tout en lâchant de temps en temps de sacrées piques qui appuient là où ça fait mal...

Dupontel est vraiment un cas à part dans le cinéma français, son humour noir et absurde est plus à rapprocher de l'humour anglais. Grain de sable dans la machine, Dupontel est insolent et fier de l'être!
Il prend plaisir à tirer à boulets rouges sur ce qui est sacré, à oublier la morale et les conventions et à sortir des sentiers battus.
Le film est extrêmement drôle mais il est aussi extrême tout court. Pas de demi mesure avec Dupontel, pas de tabous. Les personnages sont « Affreux, sales et méchants » et si l'on rie c'est avant tout de l'horreur des situations et de la misère des personnages.
En ce sens, « Le Créateur » ne plaira pas à tout le monde. Mais si vous avez supporté « Bernie », alors foncez!



« Le Créateur » est une oeuvre noire, sadique et trash mais en même temps absurde, loufoque, intelligente, imaginative, inspirée, originale et surtout lucide...en un mot : géniale.
Féroce et amer, un vrai petit bijou.

Note : ***