mercredi 1 décembre 2010

Monster



Depuis déjà longtemps, Aileen erre sans but et se prostitue pour survivre. Lorsqu'un soir elle rencontre dans un bar la jeune Selby, c'est le coup de foudre. Pour protéger leur amour et leur permettre de subsister, Aileen continue de se vendre jusqu'à cette nuit où elle est agressée par un de ses clients et l'abat...



Les jolies filles et les oscars ont rarement fait bon ménage. Il semblerait même que pour recevoir la fameuse statuette, plus on est moche, plus on a de chances...Et cela ne date pas d'hier. Bette Davis nominée pour son rôle dans « What happened to Baby Jane? », ou Kathy Bates dans « Misery » pour ne citer qu'elles. Plus recemment Marion Cotillard fait sensation grimée à la Edith Piaf et la top model Charlize Theron enflamme la foule avec « Monster ».

Il faut bien l'avouer si l'actrice n'avait pas reçu les honneurs de la presse pour son interprétation, le film serait certainement passé inaperçu dans les salles. Ce film, glauque et violent, est en effet loin d'être commercial et aurait difficilement pu attirer autre qu'un public élitiste.

« Monster » raconte l'histoire vraie de Aileen Wuornos, prostituée depuis son plus jeune âge, qui devient la première tueuse en série d'Amérique. Cette femme meurtrie et ravagée tant physiquement que moralement, Charlize Theron l'interprète à la perfection. Largement aidée par un maquillage haut de gamme (masque en latex, lentilles, faux dentier...), sa transformation est saisissante. L'actrice réputée pour sa beauté n'a pas hésité à s'avilir physiquement pour coller le plus possible à son personnage. Finie les robes élégantes et les coiffures exotiques. Place aux haillons informes et aux cheveux gras et hirsutes. Adieu la taille de guêpe qui fait la couverture des magazines, bonjour aux 15 kilos en trop et à la peau d'orange qui font fuir.

Mais un personnage de cinéma, ce n'est pas seulement une apparence qui masque une enveloppe vide. Si la métamorphose de l'actrice est en tout point remarquable, c'est bel et bien son jeu qui laisse pantois. Pour composer le personnage d'Aileen, Theron s'est plongée dans d'innombrables recherches et a fréquenté de nombreuses personnes qui connaissaient la vraie Aileen, ce qui lui a permis de capter la véritable essence de cette femme hors du commun. On sent que l'actrice a été bouleversée par son histoire et elle nous fait ressentir ce traumatisme à travers des expressions criantes de vérité. Tout comme la fameuse scène du miroir brisé l'explicite, elle souligne à merveille la dualité de son personnage. En une scène, elle nous enchante avec un de ses sourires ravageurs dont elle a le secret avant d'hypnotiser la caméra par un regard sanguinaire à faire reculer une meute de loups. Lorsque on voit l'actrice à l'écran, ce n'est plus elle mais bien le personnage qu'elle incarne.
Oscar, Golden Globe ou n'importe quelle autre récompense reçue sont largement mérités!

Mais il serait injuste de résumer tout le film par la seule présence de l'actrice.
Tout d'abord, il n'y a pas une actrice mais deux. La deuxième c'est Christina Ricci qui est comme toujours magnifique et dont le jeu en retrait contraste admirablement avec celui terriblement physique de Charlize Theron. Les personnages d' Aileen et Selby n'ont rien en commun mais se complètent à merveille comme le font les deux comédiennes à l'écran: chaque scène où elles sont ensemble nous fait profiter du formidable talent des deux actrices, qui par ailleurs ne reculent devant rien pour donner corps à leur interprétation...

Mais « Monster » c'est aussi l'histoire poignante d'une personne qui sombre dans le mal en tentant de faire le bien. Le quotidient d'Aileen n'est que misère et indifférence. Selby devient alors sa lumière dans les ténèbres et quand elle la trouve elle ne cherche qu'à s'enfuir avec pour la garder précieusement. Plus que le récit sordide d'une tueuse en série, c'est avant tout une histoire d'amour impossible qui mène à la tragédie.

La réalisatrice Patty Jenkins a été profondément troublée par l'histoire de la vraie Aileen et ne cherche qu'à dévoiler la vérité sur sa vie. En aucun cas, elle ne se laisse aller à l'auto-censure, aux passages édulcorés et à la happy end hollywoodienne de rigueur. Non. Ici le manichéisme n'est pas de mise, les relations entre les personnages sont aussi complexes qu'ambigües et l'impression de vérité qui se dégage de leur relations n'en est que plus forte.

Cette impression de vérité est à la fois la force et la faiblesse du film. La force parce que les personnages sont incroyablement crédibles et que l'on entre tout de suite dans le film, la faiblesse parce que comme la réalisatrice se contente de raconter les faits sans donner de jugement, la mise en scène reste souvent très froide et quelques longueurs peuvent finir par rebuter.


« Monster » mérite avant tout d'être vu pour l'interprétation sensationnelle de Charlize Theron, pour le couple qu'elle forme avec Christina Ricci et pour le portrait sans détour qui est fait de cette prostituée aux abois. En revanche, son côté poisseux, sa noirceur très prononcée et quelques passages moins réussis que d'autres ne feront certainement pas l'unanimité.


Note : **

The Monster Squad


Dracula est en vie et il veut dominer le monde, pour cela il demande l'aide d'autres monstres légendaires. Cependant,un groupe d'adolescents fans de monstres et considérés comme des loosers, déjouent son plan machiavélique et préparent une contre-attaque.

En 2004, Stephen Sommers faisait la une de la presse spécialisée avec son « Van Helsing » en osant intégrer dans le même film trois figures célèbres des films d'horreur de la Hammer : Dracula, le monstre de Frankenstein et le loup-garou.

C'était oublier que, dans les années 80, un petit film pour enfants, « Monster Squad », s'offrait le luxe de réunir à l'écran à la fois Dracula, le monstre de Frankenstein, le loup-garou ET la momie ET l'homme poisson (« La créature du Lac Noir »). Autrement dit, il réussissait l'exploit de rassembler toutes les figures mythiques du cinéma fantastique des années 40! Chapeau.

Mais mettre en scène toutes ces créatures n'est pas chose aisée. Tant au niveau du scénario que de leur representation et de la place que chacun occupe dans le film.
La preuve avec « Van Helsing » qui manque de peu de ressembler à un vaste fouillis numérique...

Dans « Monster Squad » pas d'images de synthèse, ou si peu. Chaque monstre est incarné par un comédien en costume qui parvient aisément à donner du charme et de la personnalité a sa creature, même caché derrière une épaisse couche de latex. Et les costumes eux memes sont une vraie réussite; pas étonnant quand on sait que c'est le grand Stan Winston qui en est à l'origine. On ne présente plus ce génie incontesté des effets spéciaux multi-oscarisé qui a officié pour les plus grands, notamment sur les « Star Wars » et la plupart des films de Spielberg...

Et surtout, chaque monstre bénéficie de son moment de gloire. Même si Dracula vole évidemment la couverture, chacun possède un temps d'antenne raisonnable pour la durée du film. Leur présence est d'ailleurs si réjouissante qu'on est déçu lorsqu'on sait que l'un deux ne reviendra pas. C'est le comble des meilleures choses d'être toujours trop courtes...

Les effets spéciaux surprennent également, dans le bon sens du terme. Bien que datés, ils éblouissent par la qualité de leur utilisation. La métamorphose de Dracula en chauve souris se fait sans plan de coupe, la transformation du loup-garou rappelle celle vue dans le grand classique « Le loup garou de Londres » et enfin l'homme poisson nous ferait presque sursauter à toujours apparaître sans prévenir...

Au niveau du scénario, on reste dans le classique: à savoir, Dracula et ses potes sont à la recherche d'une amulette magique pour régner sur le monde. Un script caricatural mais qui laisse la part belle à nombreux rebondissements et une foule d'idées inattendues.

De plus, le film regorge de bonnes surprises; à commencer par cette ambiance décalée et cet humour enfantin mais jamais niais. Non seulement, le film fait appel - et détourne malicieusement - à tout l'attirail gothique que l'on connait (gousses d'aïl, pieu, balles en argent, reflets dans le miroir, pleine lune, maison hantée...) mais en plus les héros ont beau ne pas dépasser 12 ans, ils se révèlent tous terriblement attachants et crédibles, joués par des acteurs étonnament convaincants.

Dans « Monster Squad », les années 80 transparaissent à chaque plan par leur liberté de ton et la bonne humeur communicative. Les sous-entendus sont légions, les insultes et autres vulgarités jouissives et le film se révèle parfois bien plus violent qu'on ne l'imagine (avec explosions de corps et broyages de crâne à mains nues...), ne lésinant jamais sur le sang et oubliant qu'il ne s'agit que d'un film pour les plus jeunes.

Mais après tout, est-ce vraiment « un film pour les plus jeunes »? Peut être pas au final. Si certains gags sont vraiment mignons (surtout ceux avec le chien), les adultes y trouveront certainement leur compte parmi toutes les références aux grands classiques (le monstre de Frankenstein et la petite fille au bord de l'eau, Dracula et ses trois fiancées...) et apprécieront les mises en abyme (« les monstres c'est pour de faux, la science c'est réel », la discussion sur les slasher movies, la référence aux camps de concentration...) et se reconnaitront sans problème dans cette joyeuse bande d'aventuriers en culotte courte qui déborde d'imagination...

« Monster Squad » est donc un film pour les chasseurs de monstres en herbe et pour les grands nostalgiques qui rêvaient, minots, de sauver le monde des terribles forces du mal. Il bénéficie d'effets spéciaux exemplaires ( un peu vielliots mais utilisés avec talent), d'un humour à la fois bon enfant et décapant et d'une ambiance accrocheuse à mi-chemin entre « Evil Dead » et « Scoobydoo ». C'est une comédie familliale légère mais intelligente, remarquablement mise en scène par un réalisateur qui connait son affaire. Un fleuron des années 80, le genre de film qui vous maintient avec un sourire bêta du début à la fin... Une réussite totale!

Note : ***

mercredi 3 novembre 2010

Doux, dur et dingue



Philo Beddoe a trois passions: la bière fraîche, la bagarre et Clyde, un orang outang qui ne le quitte jamais. Il gagne sa vie en participant à des combats de boxe à poings nus jusqu'au jour où il tombe amoureux fou d'une chanteuse de cabaret, qu'il se met à poursuivre de ville en ville...



Clint Eastwood et un orang outang. A t'on déjà vu un duo plus loufoque et atypique?
« Doux, dur et dingue » est un vrai virage dans la filmographie de Clint. Après la brutalité du flic Harry Callahan (« L'inspecteur Harry »), l'acteur prend manifestement beaucoup de plaisir à interpréter Philo Beddoe, un boxer de rue sentimental qui cogne d'abord et pose les questions ensuites. Tout en muscles saillants et sourire enjôleur, Eastwood joue à fond la carte de l'autodérision, n'hésitant jamais à se moquer des rôles qui l'ont rendu célèbre.

Quand à Clyde, cet orang outang de 11 ans, il faut avouer qu'il est terriblement drôle et attachant. Cette immense boule de poil orange est remarquablement bien dressée à faire des choses... plus ou moins catholiques mais toujours en rapport avec l'esprit farceur du film: il ingurgite des litres de bière, étend le linge, conduit un camion et sait se montrer moqueur vis à vis des importuns en leur faisant au choix un doigt d'honneur bien placé ou en les embrassant goûlument sur la bouche...

« Doux, dur et dingue » regorge également de seconds rôles savoureux. On appréciera notamment la présence de Sondra Angelo qui prête au film son joli minois et sa voix ravissante en interprétant bon nombre de chansons et surtout Ruth Gordon (oscarisée pour « Rosemary's Baby »), hilarante en vieille mégère misanthrope qui passe son temps à cracher sa haine à qui veut l'entendre.

« Doux, dur et dingue » c'est aussi des scènes de castagne nombreuses et réalistes.
Si Philo Beddoe n'a rien q'un Rocky Balboa, force est d'avouer que les combats de boxe sont plutôt crédibles et de ce fait, impressionnants. D'autant qu' entre deux « bagarres de saloon » et des combats dans les règles de l'art, Philo aura fort à faire avec une bande de motards et des policiers rancuniers à ses trousses...
Les scènes d'action sont dans l'ensemble assez réussies malgré des angles de caméra parfois... hasardeux.

Un scénario qui repose avant tout sur un duo homme/singe aurait pu donner un film pour les enfants, idiot et navrant . Heureusement, on voit tout de suite que « Doux, dur et dingue » n'est pas (que) pour les enfants. Si l'ambiance générale est bien à la légèreté (en même temps avec un titre pareil...), l'humour est davantage axé pour les adultes que pour les plus petits. C'est d'ailleurs une excellente surprise que « Doux, dur et dingue » n'ait pas choisi le chemin de la comédie familliale. Pas de surenchère de violence ou de sexe dans le film, mais un bon nombre d'insultes et de sous entendus évitent de le destiner aux plus jeunes. D'autant que loin de n'être qu'une grosse farce sans profondeur, le scénario joue également la carte du romantisme et de la nostalgie. Ce qui plaira certainement aux plus grands.
Nostalgie, mise en valeur avec bon goût par une bande son country particulièrement agréable.

Si la réalisation de James Fargo manque parfois de panache, elle reste de bonne facture notamment lorsqu'il met en scène cette bande de motards incapables qui ne font peur qu'à eux mêmes. Une véritable bande de pieds nickelés dont le nombre de bécanes se restreint tout au long du film. Sans oublier les clins d'oeil du réalisateur, appuyés mais innatendus, aux grands classiques comme « Tarzan » ou encore « Le bon, la brute et le truand ».


Hormis Clint Eastwood et Clyde, qui forment un duo totalement original et décalé, le film fait la part belle à une belle série de personnages frappadingues. L'humour et l'action sont au rendez vous sans éclipser un scénario simpliste mais émouvant.
En dépit de quelques plans (volontairement?) mal cadrés , « Doux, dur et dingue » reste une sacrée comédie, mouvementée et jubilatoire.

Note : ***

La route d'Eldorado



Deux escrocs, Miguel et Tulio, partent à l'aventure afin de trouver la légendaire cité d'Eldorado.


« La route d'Eldorado » est un film d'animation produit par les studios Dreamworks. Si Dreamworks ont prouvé qu'ils savaient offrir le meilleur (« Shrek »), ils ont aussi démontré qu'ils étaient capables du pire (« Spirit »). « La route d'Eldorado » se situe exactement entre les deux. Ni brillant, ni totalement à côté de la plaque. En réalité, il est difficile de catégoriser un tel film car ses qualités, comme ses défauts, suffisent à diviser les foules. Là où la simplicité du scénario (pour ne pas dire la molesse) permet aux plus petits d'apprécier l'histoire sans se fouler un neurone, les plus grands seront certainement reboutés par le manque de rebondissement et les personnages sans réelle profondeur (on n'est pas chez Pixar).
De même, si les adultes apprécieront les dialogues bourrés d'humour et de références sous-jacentes, les plus jeunes risquent de s'ennuyer à cause d'un trop plein de dialogue et un manque flagrant de péripéties quelconques – même si la fin rattrape le coup.

Enfin, si les couleurs chatoyantes et les décors luxuriants enchanteront les amateurs, force est d'avouer que le design (personnages et environnement) manque cruellement d'inventivité. Visuellement, les personnages sont bien animés mais ils semblent trop conventionnels. Sans oublier qu'ils passent leur temps à nous gratifier d'un large sourire éclatant comme s'ils vantaient le mérite d'un nouveau dentifrice...

De ce fait, il est assez difficile de réellement s'attacher au film, mais ce serait mentir de dire que l'on ne passe pas un bon moment malgré tout - ce qui est essentiellement du à la qualité du doublage. En effet, les deux héros loufoques et maladroits bénéficient d'une voix de renom puisque Kevin Kline (oscarisé pour « Un poisson nommé Wanda ») et Kenneth Branagh s'occupent de leur donner vie - oralement. Les deux acteurs ont pris un malin plaisir à se prêter au jeu et vu la vitesse et la précision à laquelle ils se renvoient la balle durant les joutes verbales, on a parfois l'impression qu'ils ont improvisé la moitié de leur texte. Les répliques fusent et l'énergie des deux comédiens insuffle une véritable énergie communicative.

A eux deux, ils forment une sacrée paire de anti-héros farfelus et sympathiques, mais lorsque un troisième larron s'en mêle, la jolie Chel, le film prend vraiment une excellente tournure. Adorable mais fourbe, Chel est quant à elle doublée par Rosie Perez (inoubliable Perdita Durango). Son célèbre accent de Brooklyn et son charme naturel apportent un timbre volontairement décalé au personnage, ce qui suffit pour la rendre attachante.

De plus, Edward James Olmos, fameux fer de lance du cinema Mexicain-Americain prête sa voix débonnaire et chaleureuse au chef la tribu, un pater familias imposant mais tendre et amical. Mais la surprise vient du méchant prêtre Inca, doublé par Armand Assante (« Judge Dredd »), à la fois effrayant de colère non contenu et amusant par son côté faussement machiavélique. Un méchant appréciable et particulièrement réussi.

Le doublage donc se veut la meilleure qualité du film, ce qui n'inclut pas toute la bande son. En effet, musique et chansons sont étonnament fades et décoivent par un rythme aléatoire et des paroles peu inspirées. C'est d'autant plus étrange qu'elles sont due au trio gagnant et oscarisé du « Roi Lion » (Hans Zimmer, Tim Rice et Elton John). Il est clair que ce n'est pas dans « La route d'Eldorado » que l'on trouvera des thèmes à la hauteur de « Hakuna Matata ». Et si la musique de Zimmer reste agréable, sans pour autant se hisser au niveau du « Roi Lion », « Gladiator », « Rain Man », « Pirates des Caraibes », « The Rock » et j'en passe, elle est bien trop peu exploitée pour retenir un tant soit peu l'attention.


« La route d'Eldorado » n'est pas un mauvais film, il est juste trop formaté et de fait, sans réelle surprise. Il est intéressant de noter qu'il possède de nombreux points communs avec « Kuzco, Empereur Megalo », notamment cette frénésie dans la mise en scène, l'extravagance des personnages et le fait qu'ils présentent tous deux une civilization mésoaméricaine de manière volontairement absurde et décalée. En revanche, il lui manque hélas l'étincelle de génie, le petit côté frappadingue qui fait tout le sel de ce dernier.



Film d'animation pour petits et grands, « La route d'Eldorado » risque bien de ne plaire à aucun des deux. Si l'on rit de bon coeur à de rares reprises, l'ensemble et trop conventionnel et simpliste pour nous captiver jusqu'au bout. En dépit de beaux efforts pour marier dessin traditionnel et animation 3D, le visuel du film demeure fade. Et si les doubleurs ont fait un excellent travail, les chansons plombent rapidement l'ambiance. Tulio et Miguel sont partis à la recherche de l'or mais ils ne ramènent qu'une médaille de bronze.

Note: *

Clockwise


Un chef d'établissement scolaire, fraîchement à la tête d'une association, s'apprête à prononcer un discours. Les choses vont plutôt mal tourner...


« Clockwise » c'est la comédie britannique dans ce qui se fait de mieux. Complètement décalé et bourré de séquences aussi farfelues qu'inattendues (visite d'un champ boueux, d'un monastère ou encore séquence de strip tease bucolique...), le film aligne les quiproquos et les sous-entendus avec une élégance rare.

Le plus gros danger dans ce genre de comédie reste souvent de sacrifier l'histoire au gag pur et simple ou de manquer de rythme mais malgré sa courte durée (1h30 seulement), le film ne contient aucun temps mort et nous amène de surprise en surprise jusqu'au générique final. Mais le plus important c'est que chaque scène, aussi abracadabrantesque soit-elle, finisse toujours par se rapporter à l'intrigue principale.

Du côté de la réalisation, rien à redire: tout est absolument impeccable.
La photographie crée des images plutôt belles pour le genre et les plans sont souvent remarquablement travaillés, avec un goût prononcé pour les gags au second plan. De même l'excellente partition de George Fenton ("Un jour sans fin")apporte aux images un ton déjanté tout à fait approprié et l'absence de musique durant certaines scènes rendent ces dernières vraiment hilarantes (la voiture embourbée...). Mais c'est bien le montage qu'il faut applaudir. Peter Boyle ("Waterworld") a accompli une fois de plus un travail rythmique exemplaire et non seulement le montage permet quelques gags visuels bien sentis (le tracteur) mais le « timing » nous offre des moments à se tordre de rire.


Néanmoins, « Clockwise » ne serait rien sans ses acteurs et ce n'est autre que John Cleese lui même que l'on retrouve dans le rôle titre. Longtemps membre émérite de la troupe des Monty Pythons (les génies du « nonsense » d'outre-mer), John Cleese reste célèbre pour sa faculté à interpréter des personnages symbolisant le fameux flegme britannique mais qui peuvent disjoncter à tout moment. C'est le cas ici où son personnage de directeur d'école, obsédé par le temps et d'un sérieux inébranlable, n'est pas sans rappeller l'avocat malchanceux de « Un poisson nommé Wanda ».
Dans « Clockwise » il est savoureux! Il n'y a pas d'autre mot pour décrire sa performance. Le passé de l'acteur sur les planches ressurgit à chaque grimace, chaque geste déplacé: il maîtrise parfaitement sa gestuelle comique et cet accent « so british » reconnaissable entre mille, et qu'il adore employer à outrance pour mieux le ridiculiser, fait des merveilles.

Les seconds rôles sont également très réussis, proposant une floppée de comédiens beaucoup moins connus mais tout aussi réjouissants. Chacun joue son rôle à la perfection et même si certains n'ont que quelques lignes de dialogue à se mettre sous la dent, cela ne les empêche pas de camper des personnages inoubliables. Et même si « Clockwise » possède parfois une allure débridée digne du muet, les dialogues sont légion. Et ici pas question de débiter des flots de paroles inutile pour le simple but de meubler certaines scènes. Non, les répliques sont particulièrement bien choisies et inspirées et promettent à elles seules de bonnes tranches de rigolade. Et même si en tant que telles, elles ne renouvellent pas le genre (le quiproquo « right/right », difficilement traduisible en français, la grande variété de leur utilisation ne cesse de nous surprendre.



Si vous aimez le genre, ne ratez pas ce joyeau de la comédie anglaise, très sérieuse sur la forme mais complètement barrée sur le fond... John Cleese prouve qu'il demeure une valeur sûre du comique british et le film lui-même est bourré de séquences cultes à se plier en quatre. « Clockwise » tourne à plein régime, est réglé comme une horloge et on ne voit pas le temps passer.

Note : ***

dimanche 22 août 2010

Fido



Il y a bien longtemps, la Terre traversa un nuage stellaire de poussière radioactive qui sema le chaos sur notre planète en déclenchant un effroyable appétit de chair humaine. La terreur dura jusqu'à ce que la toute-puissante compagnie ZomCon mette au point un collier qui domestique littéralement les zombies.
Devenues jardiniers, livreurs de lait ou même véritables animaux de compagnie, ces créatures sont désormais partout, sous le parfait contrôle de leur collier, dans un monde réglé comme du papier à musique.




En tant que film d'horreur qui se respecte, le film de zombie a toujours eu pour but d'effrayer le spectateur. Mais, dans les oeuvres majeures principalement, il est possible de distinguer un second niveau de lecture inhérent au contexte socio-politique de la réalisation de tels films. De ce fait, les films de George Romero (le grand manitou du genre), comportent chacun une approche subversive et satirique de la société contemporaine et le réalisateur prend à chaque fois un malin plaisir à mettre au pied du mur les tares de son temps : la guerre du Vietnam et les valeurs puritaines (« La nuit des Morts Vivants »), les excès de la société de consommation (« Zombie »), du totalitarisme (« Land of the Dead »), voire l'explosion des nouveaux médias (« Diary of the Dead »).

Mais hormis Romero et quelques confrères, la plupart des films de zombies se définissent comme de vulgaires séries Z où le gore grand gignolesque des situations l'emporte sur l'intelligence du script et la crédibilité des acteurs. A toujours monter d'un cran dans la surenchère, le film de zombie a ainsi très vite été codifié (certaines scènes sont devenues des passages obligés dont on ne peut se défaire) et a perdu de son impact au fil du temps. Il faut dire que le zombie a beau se nourrir de cervelle et de chair fraiche, sa lenteur aberrante n'en a jamais fait un adversaire si redoutable et aujourd'hui, le genre fait plus rire que frémir.

Edgar Wright et ses comparses l'ont bien compris et le succès critique et public de « Shaun of the Dead », la première comédie romantique avec des zombies, prouve bien que le vent a tourné. Les recettes de « Shaun of the Dead » au box office ont évidemment engendré de nombreux films de zombies d'un ordre nouveau. Si certains continuent à se prendre au sérieux, la plupart lorgnent désormais vers la comédie satirique. Le zombie devient alors le médiateur de la critique sociale au cinéma.
Avec plus ou moins de talent, de nombreux participants se sont lancés dans l'aventure et même les moutons ont eu leur heure de gloire (« Black Sheep »)...

C'est dans ce contexte que « Fido » débarque sur les écrans. Et dans le film, on découvre une facette inédite de la célèbre créature non-morte : si hier, les zombies vous sautaient dessus pour vous dévorer, aujourd'hui ils peuvent promener le chien ou tondre la pelouse pendant que vous lisez le journal du matin. De danger mortel, ils sont devenus de simples domestiques dont on contrôle les pulsions primales à l'aide d'un simple collier électronique. Une idée fort appréciable qui renouvelle le genre.

A l'opposé des oeuvres de Romero, « Fido » n'est pas un film horrifique. S'il y a bien quelques effets gores (le film n'est en aucun cas destiné aux plus jeunes...), ils sont toujours relégués au second plan au détriment de la comédie. En revanche, en digne héritier des films du maître, « Fido » entreprend de rassembler les éléments d'une satire sociale et ceux d'un pur divertissement. Et pour le coup, il fait mouche sur les deux tableaux.

Alors que la majorité des films de zombies récents se déroulent dans un monde contemporain, les scénaristes ont eu la brillante idée de mettre en scène l'histoire de « Fido » dans les années 50 ; certainement l'époque la plus conservatrice des Etats Unis. Et c'est au coeur d'une banlieue chic caucasienne que se déroule le film. Le réalisateur insiste évidemment sur le comportement stéréotypés des habitants qui, dans des costumes tirés à quatre épingles pour les hommes et tabliers colorés pour les femmes, ne cherchent qu'à passer pour des saints aux yeux de leur voisins...et ce, quelqu'en soit le prix. On assiste donc à un florilège de scènes complètement absurdes comme celle où une femme au foyer décide d'employer un zombie à son service pour ne pas être la seule dans son quartier sans domestique...

Le ton du film prend d'étonnantes libertés pour une comédie de ce genre et c'est dans un pur esprit décalé que le film met en scène des collégiens pratiquant le tir à la carabine pendant les cours, sans oublier que les-dites armes ne sont pas censées êtres possédées par un enfant...avant ses 12 ans. Une critique féroce de la société américaine où la législation du port d'arme à feu n'est plus que jamais d'actualité.

De même, toutes les valeurs conformistes et la morale puritaine des années 50 en prennent pour leur grade : quand un père de famille est incapable de prendre une décision et accorde plus d'importance à son sport favori qu'à son propre fils, pourquoi ne pas le remplacer? En l'occurence, un zombie fera très bien l'affaire...
Ces quelques exemples ne constituent bien entendu que la partie émérgée de l'iceberg (pour ne pas gâchêr le plaisir de la découverte) mais ils permettent d'illustrer le ton délicieusement cynique abordé par le film.


En ce qui concerne le divertissement pur, « Fido » frappe un grand coup. Non seulement le script est remarquable mais la réalisation elle même est un renouvellement constant de belles surprises. Pour commencer, le film bénéficie d'une ambiance géniale qui nous replonge immédiatement dans les 50's. Les magnifiques décors de la banlieue chic sont mis en valeur par une photographie chatoyante et des cadrages exemplaires (la scène de la pleine lune...) et les différents morceaux de musique sont tous empreints d'une certaine nostalgie, volontairement caricaturale.
Cette volonté d'exagération se retrouve tout au long du film : du court métrage en noir et blanc en guise de présentation jusqu'au générique final qui défile sur un vieil encadré de théâtre, le film fourmille de petites trouvailles qui lui donnent une atmosphère unique.

Le casting est également une petite réussite en soi. Les acteurs, sans êtres particulièrement connus; campent des personnages formidablement bien écrits. Voir Carrie Anne Moss, en fée du logis, troquer la tenue en cuir moulante de Trinity pour un tablier de cuisine à fleurs surprend, d'autant que son interprétation est fort appréciable. Mais la vraie révélation du film c'est Fido justement, joué par Billy Connoly. Aucune ligne de dialogue et pourtant il est certainement le personnage le plus expressif du film. Le regard de l'acteur à lui seul traduit les pensées et les émotions de son personnage et sa gestuelle parfaitement maîtrisée est un exemple à suivre. On n'avait pas vu de zombie aussi « humain » depuis Bob dans « Le Jour des Morts Vivants » de Romero.



Une réalisation exemplaire, un casting impeccable, un scénario original et bien écrit, un ton aussi cynique que réjouissant, un humour noir et absurde, quinze idées par plan..., « Fido » risque bien de devenir la nouvelle référence de la « zombie comedy » aux côtés de "Shaun of the Dead" et "Zombieland". Que dire de plus?



Note : ***

L'Ombre du Vampire




Dans les années 1920, le réalisateur allemand Friedrich Murnau entreprend de tourner un film de vampires inspiré du « Dracula » de Bram Stoker. Il fait appel à Max Schreck pour tenir le rôle principal mais les méthodes de travail du comédien déroutent de plus en plus l'équipe du film...




Dans la culture populaire contemporaine, le vampire reste une figure récurrente et incontournable du film d'horreur, et ce depuis la publication du célèbre « Dracula » de Bram Stoker. Au cinéma, on ne compte plus les adaptations du roman, qui ont su, à travers les différentes approches du scénario et le développement des moyens techniques, faire perdurer le mythe et donner à Dracula ses titres de noblesse pour de multiples générations. Et malgré l'engouement pour les vampire next-gen qui brillent au soleil, aujourd'hui encore, Dracula demeure certainement le vampire le plus connu de l'histoire du 7ème art.

Pourtant, le premier vampire ayant vu le jour sur les écrans ne s'appelait pas Dracula mais Orlock. En effet, « Nosferatu », film allemand muet réalisé à la fin des années 20, fut le premier à mettre en scène la célèbre créature. En revanche c'est bien Dracula qui est à l'origine du film puisque « Nosferatu » n'est que l'adaptation non officielle du roman de Stoker : la veuve Stoker refusant de céder les droits du livre, l'équipe du film décida simplement de modifier le nom des personnages. Si cette histoire est bien connue des amateurs, elle ne l'est pas pour autant du grand public et méritait donc d'être signalée. Mais la supercherie tourna court et l'on ordonna que le film soit détruit. Fort heureusement, certaines copies échappèrent au massacre, ce qui permit à « Nosferatu » de faire la carrière remarquable qu'on lui connait. Jeux d'ombres et de lumières prononcés et angoissants, décors distordus et tortueux, ambiance inquiétante et personnages sinistres, le film est un chef d'oeuvre de l'Expressionisme allemand et, pour beaucoup, reste considéré comme le meilleur film de vampire jamais réalisé.

Néanmoins, en dehors de ces considérations purement techniques et artistiques, « Nosferatu » a également marqué les esprits par la présentation de son vampire, interprété alors par Max Schreck. Glabre, émacié, les yeux perçants, les ongles effilés comme des griffes et surtout le corps d'une rigidité surnaturelle, la composition de l'acteur aura fait parler d'elle. Et justement, le bruit court que Schreck était en fait un véritable vampire...

Cette histoire peu banale sert justement de point de départ à « L'Ombre du Vampire », qui raconte le tournage de « Nosferatu » par Murnau. « L'Ombre du Vampire » est un film indépendant et peu connu mais remarquablement réalisé. D'un côté, il décrit avec une précision quasi documentaire les conditions de tournage de l'époque, d'un autre il tend à romancer ce qui aurait pu se passer entre Schreck et l'équipe du film si celui ci avait réellement été un vampire. Le réalisateur E. Elias Penetrez réussit son coup sur les deux tableaux grace à une mise en scène superbe, une intrigue efficace et non dénuée d'humour et un casting fabuleux.

« L'Ombre du Vampire » est sorti en 2000 alors que « Nosferatu » date de 1922. Il est donc évident qu'un fossé technique gigantesque sépare les deux oeuvres. De fait, pour tenter de coller à l'esthétisme de l'époque, le cinéaste aurait pu opter pour un vieux sépia, voire un simple noir et blanc pour tenter de vieillir artificiellement l'image et faire ainsi correspondre visuellement son film et celui dont il raconte le tournage. Mais si les scènes de « Nosferatu » sont bien tournées en noir et blanc, le film ne bénéficie d'aucun effet particulier, ce qui lui donne une proximité inattendue et permet de se plonger plus facilement dans le contexte. De plus, le film n'alterne pas constamment couleur et noir blanc, ce qui aurait pu alourdir la mise en scène, mais au contraire, lorque une séquence est en train d'être tournée, le spectateur « entre » dans la caméra et la couleur disparaît progressivement. Il est alors très agréable de voir certaines scènes mythiques de « Nosferatu » prendre vie sous nos yeux alors que l'on se trouve tourjours sur le plateau de tournage. Une mise en abyme astucieuse et un procédé ingénieux qui évitent tout sentiment de lassitude.

Autre point fort, la sobriété de la mise en scène. Malgré le caractère fantastique de la situation, le film ne sombre jamais dans la démesure que l'on pourrait attendre d'un film d'horreur traditionnel. Si « L'Ombre du Vampire » est souvent violent, il ne cède jamais à la gratuité malsaine du gore. L'horreur est en effet plus psychologique et, sans trop en dévoiler, le réalisateur (Murnau) se révélera bien plus cruel et terrifiant, dans sa folie créatrice démesurée, que le monstre lui même.

Enfin donc, le casting du film est de grande qualité. Murnau est joué ici par John Malkovich qui se révèle très crédible et la hantise finale de son personnage en est d'autant plus dérangeante. A ses côtés, les seconds rôles sont tous très appréciables et l'on retiendra surtout la courte apparition de Cary Elwes. Aussi à l'aise pour la comédie (« Hot Shot! », « Sacré Robin des Bois ») que pour le drame (« Saw »), Elwes joue ici sur les deux registres avec un talent fou; un acteur qui mérite assurément une meilleure reconnaissance publique.

Mais c'est bien évidemment Max Schreck, incarné par un Willem Dafoe habité, qui retiendra l'attention du spectateur. Que ce soit le psychopathe violent de « Sailor et Lula » ou le méchant schyzophrène de « Spiderman », Dafoe est un habitué des rôles de méchants dérangés. Pourtant, il réalise ici une performance hors du commun et son personnage de Max Schreck mérite d'être aussi connue que celle de l'acteur pour « Nosferatu ». Malgré la difficulté physique du rôle (Dafoe y est défiguré, méconnaissable, se déplace de manière erratique et s'encombre d'un accent allemand à couper au couteau), Dafoe ne sombre jamais dans le ridicule et ne surjoue pas. Et bien que le personnage lui même soit un tueur monstrueux et sanguinaire, l'acteur parvient à lui donner un certain charme, et réussit même à ce que le spectateur le prenne en pitié et se rende compte à quel point Schreck souffre de sa condition. Une composition à la fois tragique et effrayante qui lui vaudra une nomination aux Oscars comme meilleur second rôle.



A la fois documentaire d'époque et film d'épouvante, « L'Ombre du Vampire » nous donne l'occasion de nous plonger dans les coulisses de l'un des films d'horreur les plus célèbres de tous les temps. Une mise en scène subtile et un casting superbe desservent cette histoire étrange et atypique de ce vampire qui se fait passer pour un acteur censé incarner un vampire. Un film macabre et dérangeant mais qui n'exclue pas quelques touches d'humour. Dans la peau de la créature, Willem Dafoe trouve probablement l'un des meilleurs rôles de sa carrière.

Note: ***

samedi 14 août 2010

Inception




Dom Cobb est un voleur expérimenté – le meilleur qui soit dans l’art périlleux de l’extraction : sa spécialité consiste à s’approprier les secrets les plus précieux d’un individu, enfouis au plus profond de son subconscient, pendant qu’il rêve et que son esprit est particulièrement vulnérable. Très recherché pour ses talents dans l’univers trouble de l’espionnage industriel, Cobb est aussi devenu un fugitif traqué dans le monde entier qui a perdu tout ce qui lui est cher. Mais une ultime mission pourrait lui permettre de retrouver sa vie d’avant – à condition qu’il puisse accomplir l’impossible : l’inception. Au lieu de subtiliser un rêve, Cobb et son équipe doivent faire l’inverse : implanter une idée dans l’esprit d’un individu. S’ils y parviennent, il pourrait s’agir du crime parfait.




Encensé par la critique et le public et prévu pour être le carton de cet été, « Inception » est définitivement un film à voir. Mais mérite t-il tant de louanges?

« Inception » marque le grand retour de Christopher Nolan sur les écrans, après avoir conquis à la fois la presse, le public et la technique (2 oscars) l'an dernier avec « The Dark Knight ». Vu le succès colossal de ce dernier, il était évident que le prochain film du réalisateur ne passerait pas inaperçu. Et c'est peu dire que la campagne publicitaire entourant la sortie d' « Inception » a marqué les esprits.

L'esprit c'est précisément le coeur du film, et plus exactement le rêve. Et ces matérialisations de notre inconscient permettaient de rêver (justement) à un film tout bonnement révolutionnaire aux possibilités scénaristiques et visuelles infinies. De ce fait, alors que l'histoire originale et complexe a suscité de nombreuses interrogations, la bande annonce du film, elle, à base d'immeubles en mode origami, de combats en apesanteur et de chambres d'hôtel qui jouent les roues à hamster, aura été annonciatrice d'une attente fébrile.

Pourtant, « Inception » est loin d'être un pionnier en la matière et ce n'est certainement pas la première fois au cinéma que l'on pénètre dans le subconscient d'un autre ou que l'on ne parvienne plus à distinguer le rêve de la réalité. Les exemples ne manquent pas. D'ailleurs, Verhoeven (« Total Recall ») ou Gondry (« Eternal Sunshine of the Spotless Mind », « La Science des Rêves »), pour ne citer qu'eux, ont laissé une empreinte indélébile dans le domaine de l'iréel perturbé et perturbateur. De plus, les mondes virtuels prenant le pas sur la réalité ont également été sujet à beaucoup d'attention ces derniers temps et malgré la décennie qui les sépare, il sera impossible de ne pas penser à « Matrix » en regardant « Inception » tant les deux films abordent parfois une esthétique similaire (distortion du temps, agents éliminateurs...).

Ainsi si le scénario d' « Inception » paraît inédit au premiers abords, Nolan part malheureusement avec une bonne longueur de retard et parvient difficilement à se distinguer de ses prédécesseurs. Hormis un excellent jeu de miroirs entre rêve et réalité (quand les conditions physiques ou climatiques affectent directement l'univers onirique) et une mise en abyme aux niveaux multiples qui donnerait presque le vertige, « Inception » marche desespérément dans les pas de ses modèles. L'intrigue, remarquablement bien ficelée, mélange allègrement drame, action, suspense et romance sur fond de thriller politique. Hélas, malgré tous les efforts des scénaristes pour nous tenir en haleine, l'histoire se révèle au final trop classique et manque cruellement de rebondissements. Si les 2h20 du film se font à peine sentir, ce serait mentir de dire que l'on ne finit pas par trouver le temps long. Certaines scènes bancales tendent à le tirer vers le bas quand d'autres ne font que ressasser les inévitables « Croyez vous que votre monde soit réel ou êtes vous en train de dormir en ce moment même? » en tentant d'interpeller intelligemment le spectateur. L'idée est certes bonne mais elle n'en reste pas moins éculée. Même la fin ouverte, censée laisser le doute dans la tête du public, laisse de marbre tant le procédé a été souvent employé par le passé.

Pour en revenir à la bande annonce, personne n'aura oublié l'image de la rue parisienne qui se replie soudainement sur elle même. Une telle séquence ne pouvait qu'annoncer une claque visuelle sans précédent et vu le talent graphique quasi visionnaire de Nolan (« Memento »), on était en droit d'attendre d'en prendre plein les mirettes. Force est d'avouer que certains moments d' « Inception » laissent pantois. Le problème est que ces scènes (dont le pliage routier) demeurent purement démonstratives et ne s'intègrent pas à la suite du récit. C'est d'autant plus regrettable qu'elles se font rares. Pour un court affrontement en apesanteur bluffant de réalisme, on doit se contenter d'une longue séquence de poursuite dans la neige, banale et filmée sans inventivité ; ca commence comme « Matrix » et ça finit comme un mauvais James Bond...

La mise en scène de Nolan est ainsi rarement à la hauteur des espérances. L'action est souvent étrangement molassone et les péripéties s'enchaînent sans passionner pour autant. En lui même le film n'est pas mal réalisé mais comparées aux dernières aventures du célèbre justicier chauve-souris, celles de ces pilleurs de rêves ont de quoi décevoir. En revanche, Hans Zimmer, déjà à l'oeuvre sur « The Dark Knight », nous gratifie d'un thème principal superbe et la musique à elle seule suffit à captiver l'attention.

Néanmoins, l'action n'est pas le pilier central du film. « Inception » n'a en effet rien du blockbuster Hollywoodien traditionnnel (beaucoup de muscles et pas de cervelle) et le manque d'action est d'ailleurs flagrant. « Inception » est au contraire un film très bavard, ce qui n'est pas déplaisant pour autant, bien au contraire. Il nous permet ainsi de bien comprendre la complexité des évènements dans lesquels nous somme plongés et garder ainsi en mémoire les nombreux enchevêtrements d'un sacré scénario à tiroirs. Là où le bas blesse, c'est que les personnages (tous incarnés par d'excellents acteurs) n'ont pas une psychologie suffisament approfondie (le comble pour un récit qui nage dans la métaphysique) pour que l'on s'intéresse réellement à leur sort. Hormis Cobb (Di Caprio dans un de ses meilleurs rôles), le film laisse peu de place aux pensées et sentiments des autres protagonistes. C'est d'autant plus dommage que ces derniers sont bien trop lisses et que le film se révèle au final si simpliste dans son déroulement. Il manque à « Inception » la noirceur inhérente aux autres films de Nolan qui aurait pu donner au film la maturité nécessaire à ce genre d'intrigue. Paradoxalement, malgré le scénario atypique et le récit déstructuré du film, « Inception » est certainement l'oeuvre la plus conventionelle et accessible du réalisateur.



« Inception » ne rime pas avec déception pour ce qu'il est mais pour ce qu'il n'est pas, et surtout ce qu'il aurait pu être. Avec un tel sujet de départ et un cinéaste aussi talentueux aux commandes, « Inception » aurait pu être le « Matrix » du nouveau millénaire ; une oeuvre visionnaire qui aurait marqué toute une génération par ses qualités purement esthétiques et par un scénario révolutionnaire, le mariage parfait entre réflexion métaphysique, scènes d'action démentielles et technique visuelle inoubliable. Bref, un film instantanément culte dont on aurait parlé pendant une bonne décennie. Dans l'état, « Inception » est un film soigné et intelligemment construit, doté d'un casting international exemplaire et d'une intrigue originale mais qui aurait gagné à mettre en scène des personnages plus complexes, à mieux gérer les scènes d'action et à ne pas s'éterniser dans des discours sans surprises.

Note: **

dimanche 8 août 2010

The Great Outdoors




Quand une famille de joyeux casse-pieds débarque en vacances pour rendre visite à des parents, le résultat est tout sauf apaisant... Commence alors une lutte sans merci pour déterminer qui saura profiter du grand air.




Le délirant John Hugues (« La folle journée de Ferris Bueller », « Un ticket pour deux », « Breakfast Club ») a encore frappé. Si cette fois il n'est pas derrière la caméra, il nous a encore pondu un scénario d'apparence classique mais riche en surprises et rebondissements.

Contrairement à la plupart des comédies de ce genre, Hugues parvient à mettre en scène des personnages aussi crédibles qu'attachants et même s'il ne sort pas vraiment des sentiers battus, joue à merveille des personnalités antagonistes sans jamais forcer sur la caricature. Dans tous ses films, Hugues présente des êtres humains et non de simples stéréotypes. Chacun a une personnalité qui lui est propre et sait faire preuve de sentiments. En ce sens, « The Great Outdoors » se rapproche beaucoup de « Un ticket pour deux », où les deux personnages principaux se haïssaient au plus haut point avant d'apprendre à se connaître.

John Candy joue une fois de plus un personnage sensible et débonnaire, comme il sait si bien le faire (« Un ticket pour deux », « Rasta Rockett »...). Il incarne Chet, un plaisancier tranquille venu se détendre au soleil avec sa femme et ses enfants, à qui il prête sa bonne bouille, son air amène et son rire irrésistible et communicatif. Il doit faire face à Roman, interprété par Dan Aykroyd, un homme d'affaire friqué, qui débarque sans prévenir avec sa femme glaciale et ses deux jumelles.

Tout comme John Candy, Aykroyd reste l'un des plus grands acteurs comiques des années 80. Capable de jouer une large gamme de personnages (« S.O.S Fantômes », « Evolution », "Miss Daisy et son chauffeur"), il reprend ici son air vaniteux et hautain qui faisait son succès dans « Un fauteuil pour deux ». Dégoulinant d'amour propre, son personnage devient rapidement antipathique au possible, mais c'était sans compter sur le talent de l'acteur qui sait aussi le rendre attendrissant.

John Candy et Dan Aykroyd s'étaient déjà croisés dans l'hallucinant « Les Blues Brothers » sous la houlette de John Landis. Ils récidivent pour le plus grand plaisir du spectateur qui se régale de leurs mimiques grotesques et leurs répliques hilarantes. Un excellent choix de casting! Casting qui bénéficie également de la présence de Annette Bening, Stephanie Faracy et du loufoque Robert Prosky (« Gremlins 2 », « Last Action Hero » en seconds rôles étonnants et savoureux.

Si le travail des acteurs est impeccable, on peut reprocher en revanche une mise en scène parfois un peu trop basique et un scénario qui ne décolle jamais vraiment. En ce qui concerne la réalisation, Howard Deutch manque d'originalité quand il s'agit de donner du punch aux scènes mais cela ne se remarque qu'à de rares moments. En revanche, il sait employer à bon escient les chansons endiablées (The Coasters : Yakety Yak », « Wilson Pickett : The land of a thousand dances ») et les compositions animées de Thomas Newman.

De même, le scénario de John Hugues aligne les bons moments mais ne surprend que très rarement. Plus de la moitié du film se contente de montrer John Candy et Dan Aykroyd tenter de se mettre des bâtons dans les roues. Que ce soit la scène de l'histoire au coin du feu, du ski nautique ou encore de la chauve souris, le film regorge de scènes amusantes mais qui ne font pas avancer le schmilblik. Et quand enfin, l'inévitable dispute/réconciliation arrive, l'histoire prend une autre tournure avec la séquence de la mine qui ne semble exister que pour atteindre les 90 minutes règlementaires. Heureusement, le grand final (avec l'ours) reste un sacré moment de comédie et nous laisse malgré tout sur une bonne impression.


« The Great Outdoors » n'a rien d'exceptionnel. Surtout pour une histoire écrite par John Hugues. Pourtant, il fait bien mieux que la plupart des comédies américaines du même style. Non seulement, il met en scène des acteurs talentueux mais il nous offre en plus de sympathiques moments originaux et innatendus. Les hauts et les bas, dans la mise en scène comme dans le scénario, n' enlèvent rien à la bonne humeur ambiante et communicative du film. Par contre, mieux vaut éviter la VF...

Note : **

Dolls




Trois histoires d'amour inspirées d'un spectacle de poupées du théâtre Bunraku.


« Dolls » est ce qu'on appelle un film contemplatif. La caméra reste fixe, les personnages parlent peu et agissent encore moins. L'action est réduite à peau de chagrin et le scénario, parfois inpénétrable, demeure avare en explications. Pour autant, et c'est ce qui fait sa force, le film est loin d'être ennuyeux, bien au contraire.

C'est que « Dolls » est réalisé par Takeshi Kitano, cinéaste japonais émérite qui n'en est pas à son premier coup de maître. Mais parvenir à décrire un film de Kitano relève parfois de la gageure tant il est difficile de trouver les mots justes qui définissent son style. Reconnu à la fois pour l'ultraviolence qui émane de ses films et la poésie visuelle intrinsèque à chacune de ses oeuvres, le style de Kitano est unique en son genre. Présent à la fois derrière la caméra, au niveau du montage et lors de l'écriture du scénario, Kitano élabore soigneusement chaque aspect de « Dolls » avec une véritable âme artistique.

Peintre à ses heures perdues, Kitano rate rarement l'occasion de placer ses propres tableaux dans ses films, comme dans le remarquable « Hana-Bi » ou le plus récent « Achille et la Tortue ». Si ce n'est pas le cas dans « Dolls », le soin apporté à l'image mérite néanmoins le respect et certains plans du film rivalisent aisément avec de vraies toiles de maître. Surtout lorsque l'environnement urbain oppressif laisse place à des paysages enchanteurs et bucoliques de toute beauté. Ceux qui connaissent les peintures de Kitano savent à quel point son art se veut enfantin et surréaliste à la fois. Et l'on ne peut s'empêcher de ressentir le même sentiment à la vue de « Dolls », constamment magnifié par une utilisation prononcée des couleurs primaires qui donnent à la réalité du film un aspect onirique qui se rapproche souvent du conte pour enfants.

En revanche le film ne s'adresse certainement pas à un jeune public. Si le film retrace plusieurs histoires d'amour qui s'enchevêtrent, le scénario est empreint d'une tristesse et d'une noirceur incomparables. Chaque personnage, masculin ou féminin, traverse le film comme une ombre, éphémère, rongé par la culpabilité ou le remord et ne parvient à trouver de délivrance que dans la mort. En effet, si chaque histoire est inspirée du théâtre de marionettes, les protagonistes ne sont rien d'autre que de fragiles poupées (Dolls) de porcelaine qui risquent à tout moment de se briser, manipulées et reliées entre elles par le fil invisible du destin. Enfin, « Dolls » illustre bien l'expression « fou d'amour » au sens littéral du terme – et dans toute sa cruauté : entre la femme qui dévoue sa vie à attendre que son amant revienne mais qui ne le reconnaît pas lorque celui ci se présente à elle, celui qui sacrifie sa vue pour demeurer au côtés de sa bien aimée, ou bien les deux amants condamnés à errer sans fin, les personnages du film sombrent tous peu à peu dans une démence silencieuse qui finit par les couper du monde.

Comme toujours chez Kitano, la mise en scène se révèle à la fois brillante et surprenante d'efficacité. Si « Dolls » est bien une tragédie, le réalisateur instille de petites touches de cet humour à froid dont il a le secret. On ne rit pas car le film reste triste mais on ne pleure jamais non plus car Kitano ne cherche jamais à ce l'on plaigne les personnages. Au contraire, il demeure constamment, avec un génie et une habileté qui frisent parfois l'indécence, sur le fil du rasoir entre drame et comédie sans jamais se laisser aller à la facilité. Et si justement le couple principal du film est lié par une corde rouge vif bien voyante, véritable connexion visuelle entre certaines séquences, Kitano, lui, n'utilise jamais les grosses ficelles. Sa mise en scène est alerte et travaillée dans les moindres détails. Evitant le côté répétitif des films à sketches, les trois histoires ne se succèdent pas mais sont au contraire reliées entre elles avec une ingénieuse simplicité et le montage sec et abrupt ne cesse de retenir l'attention des spectateurs.

Plus intéressant encore, le film ne suit pas de chronologie établie mais associe alégrement flash backs, répétitions et ellipses narratives pour mieux nous captiver. De ce fait, la narration du film est en tout point remarquable et l'on ne peut que saluer le talent du réalisateur qui parvient à nous toucher, voire à nous frapper en plein coeur, avec une incroyable économie de moyens. L'action n'est jamais montrée telle quelle ; seules les conséquences sont visibles à l'écran. Que ce soit une fusillade dans un hôtel ou un accident de voiture, rien n'est dévoilé si ce n'est le corps des victimes. « Dolls » ne cesse de jouer sur les non-dits, les ellipses et le hors champ pour nous plonger dans un climat d'angoisse et d'anxiété permanents. Ainsi, l'imagination du spectateur se retrouve constamment sollicitée et le style froid et impersonnel du réalisateur ne fait qu'accentuer l'horreur banale des situations. Malgré les nombreuses scènes choc, la caméra demeure imperturbable aux pires atrocités et le film en devient réellement terrifiant.

Pour autant, « Dolls » n'est pas un film d'horreur proprement dit. Si le caractère perturbant et malsain du film ressort aisément, l'ambiance reste insaisissable et une constante mélancolie balaye chaque saynète d'un souffle doux-amer. Et il est certain que la musique étrangement nostalgique - presque « Porco Rossoesque » - du célèbre Joe Hisaishi n'est pas étrangère à ce ressenti. Et le spectateur de se laisse porter par cette fable noire et poignante, au rythme des souvenirs et des saisons.



« Dolls » est un film atypique dans lequel il est difficile d'entrer. Il est évident que son austérité narrative en reboutera plus d'un, tandis que ses qualités picturales seules charmeront les autres. Faussement intellectuel mais véritablement bouleversant, « Dolls » est une fable moralisatrice cruelle et noire, mise en scène par un cinéaste exceptionnel.


Note: ***

dimanche 18 juillet 2010

La route d'Eldorado




Deux escrocs, Miguel et Tulio, partent à l'aventure afin de trouver la légendaire cité d'Eldorado.



« La route d'Eldorado » est un film d'animation produit par les studios Dreamworks. Si Dreamworks ont prouvé qu'ils savaient offrir le meilleur (« Shrek »), ils ont aussi démontré qu'ils étaient capables du pire (« Spirit »). « La route d'Eldorado » se situe exactement entre les deux. Ni brillant, ni totalement à côté de la plaque. En réalité, il est difficile de catégoriser un tel film car ses qualités, comme ses défauts, suffisent à diviser les foules.

Là où la simplicité du scénario (pour ne pas dire la molesse) permet aux plus petits d'apprécier l'histoire sans se fouler un neurone, les plus grands seront certainement reboutés par le manque de rebondissements et les personnages sans réelle profondeur (on n'est pas chez Pixar). De même, si les adultes apprécieront les dialogues bourrés d'humour et de références sous-jacentes, les plus jeunes risquent de s'ennuyer à cause d'un trop plein de dialogue et un manque flagrant de péripéties quelconques – même si la fin rattrape le coup. Enfin, si les couleurs chatoyantes et les décors luxuriants enchanteront les amateurs, force est d'avouer que le design (personnages et environnement) manque cruellement d'inventivité. Visuellement, les personnages sont bien animés mais ils semblent trop conventionnels. Sans oublier qu'ils passent leur temps à nous gratifier d'un large sourire éclatant comme s'ils vantaient le mérite d'un nouveau dentifrice...

De ce fait, il est assez difficile de réellement s'attacher au film, mais ce serait mentir de dire que l'on ne passe pas un bon moment malgré tout - ce qui est essentiellement du à la qualité du doublage. En effet, les deux héros loufoques et maladroits bénéficient d'une voix de renom puisque Kevin Kline (oscarisé pour « Un poisson nommé Wanda ») et Kenneth Branagh s'occupent de leur donner vie, oralement. Les deux acteurs ont pris un malin plaisir à se prêter au jeu et vu la vitesse et la précision à laquelle ils se renvoient la balle durant les joutes verbales, on a parfois l'impression qu'ils ont improvisé la moitié de leur texte. Les répliques fusent et l'énergie des deux comédiens insuffle une bonne humeur communicative.

A eux deux, ils forment une sacrée paire de anti-héros farfelus et sympathiques, mais lorsque un troisième larron s'en mêle, la jolie Chel, le film prend vraiment une excellente tournure. Mutine mais fourbe, Chel est quant à elle doublée par Rosie Perez (inoubliable Perdita Durango). Son célèbre accent de Brooklyn et son charme naturel apportent un timbre volontairement décalé au personnage, ce qui suffit pour la rendre attachante.

De plus, Edward James Olmos, fameux fer de lance du cinema Mexicain-Americain prête sa voix débonnaire et chaleureuse au chef de la tribu, un pater familias imposant mais tendre et amical. Mais la surprise vient du méchant prêtre, doublé par Armand Assante (« Judge Dredd »), à la fois effrayant de colère non contenue et amusant par son côté faussement machiavélique. Un méchant appréciable et particulièrement réussi.

Le doublage donc se veut la meilleure qualité du film, ce qui n'inclut pas toute la bande son malheureusement. En effet, musique et chansons sont étonnament fades et décoivent par leur rythme aléatoire et leurs paroles peu inspirées. C'est d'autant plus étrange qu'elles sont dues au trio gagnant et oscarisé du « Roi Lion » (Hans Zimmer, Tim Rice et Elton John). Il est clair que ce n'est pas dans « La route d'Eldorado » que l'on trouvera des thèmes à la hauteur de « Hakuna Matata ». Et si la musique de Zimmer reste agréable à l'écoute (sans pour autant se hisser au niveau du « Roi Lion », de « Gladiator », de « Rain Man », de « Pirates des Caraibes », de « The Rock » et j'en passe) elle est bien trop peu exploitée pour retenir un tant soit peu l'attention.

« La route d'Eldorado » n'est pas un mauvais film, il est juste trop formaté et de fait, sans réelle surprise. Il est intéressant de noter qu'il possède de nombreux points communs avec « Kuzco, Empereur Megalo », notamment cette frénésie dans la mise en scène, l'extravagance des personnages et le fait qu'ils présentent tous deux une civilization mésoaméricaine de manière volontairement absurde et décalée. En revanche, il lui manque hélas l'étincelle de génie, ce petit côté frappadingue qui fait tout le sel de ce dernier.



Film d'animation pour petits et grands, « La route d'Eldorado » risque bien de ne plaire à aucun des deux. A chacun de voir. Si l'on rit de bon coeur à de rares reprises, l'ensemble et trop conventionnel et simpliste pour nous captiver jusqu'au bout. En dépit de beaux efforts pour marier dessin traditionnel et animation 3D, le visuel du film demeure fade. Et si les doubleurs ont fait un excellent travail, les chansons plombent rapidement l'ambiance. Tulio et Miguel sont partis à la recherche de l'or mais ils ne ramènent qu'une médaille de bronze.

Note: *

Marathon Man


Babe Levy, étudiant d'Histoire et coureur de marathon, mène une enquête pour retrouver l'identité de son père disparu. Il plonge malgré lui dans le monde impitoyable des intrigues internationales.





Mondialement connu pour sa célèbre scène de torture qui implique un dentiste sadique et psychotique, « Marathon Man » est certainement l'un des meilleurs thrillers des années 70. De sa mise en scène chirurgicale, au scénario captivant et inventif, en passant par un casting international de haute volée, chaque aspect du film mérite le respect. Dirigé d'une main de maître par John Schlesinger (« Macadam Cowboy »), il plonge le spectateur au coeur d'une intrigue implacable et sombre qui le tient en haleine, crispé aux accoudoirs, jusqu'au dénouement final.

Incisive et brutale, la mise en scène apporte au film une force peu commune et multiplie les scènes choc. D'ailleurs, l'impact de la fameuse séquence de torture mentionnée ci-dessus aura été tel que la production ordonna de nombreuses coupes afin de respecter la censure de l'époque. Redoutable dans sa présentation de la violence à l'écran (dont une fusillade dans une maison abandonnée qui n'est pas sans rappeler le « Chiens de Paille » de Peckinpah), la patte de Schlesinger emprunte également au célèbre « French Connection » de Friedkin. En effet, même si chaque séquence de « Marathon Man » a été répétée de multiples fois pour parvenir à un niveau d'interprétation qui frise l'excellence, le film donne souvent l'impression d'avoir été filmé dans la rue parmi les badauds, inconscients de la trame principale. Et c'est aussi c'est aspect parfois quasi-documentaire qui crée cette empathie avec les personnages et qui, en un sens, rend l'histoire plus réaliste – donc plus effrayante. Sans compter que plus qu'un divertissant thriller d'espionnage, « Marathon Man » est un sacré pavé dans la mare du politiquement correct et lorque les noms Auschwitz et « Der Weisse Engel » se font entendre, les vieux demons du passé ressurgissent alors avec haine et fracas. Une mise en abîme inhabituelle pour un film de ce genre mais qui réflète idéalement la noirceur du scénario.

Si « Marathon Man » est aussi réussi c'est également parce qu'il emprunte aux meilleurs. Le scénario du film est de William Goldman, d'après son propre roman. Ceux qui connaissent un peu son oeuvre savent à quel point les qualités de son écriture reposent sur une intrigue bien ficelée (il est également auteur de « Les Hommes du Président » sorti la même année) et des personnages charismatiques, souvent inoubliables (« Princess Bride » et "Butch Cassidy et le Kid", c'est lui). « Marathon Man » réunit les deux avec un brio qui frôle parfois la perfection. En totale adéquation avec Levy, le spectateur est malmené par des personnages à l'identité douteuse tout au long du film sans savoir de quoi il retourne, et à mesure que l'intrigue s'éclaircit, les retournements de situation ne cessent d'accentuer le suspense.

Par ailleurs, chaque rôle est parfaitement écrit et interprété par de talentueux comédiens. Babe Levy est joué avec conviction et naiveté par un Dustin Hoffman impeccable. Acteur phare des années 70, Hoffman est surtout un véritable caméléon et au cours de son imposante carrière, il a su démontrer à plusieurs reprises l'étendue de son jeu d'acteur. Dans « Marathon Man », il campe un jeune étudiant particulièrement crédible (il a pourtant déjà la quarantaine au moment du tournage) et livre une interprétation parfois désarmante de naturel. On est d'autant plus ébloui par sa performance quand l'innocence de son personnage se mue en une rage implacable et vengeresse; là encore « Chiens de Paille » nous revient immédiatement à l'esprit.

A ses côtés pullulent des seconds rôles savoureux. Si Hoffman demeure l'un des fers de lance du cinéma dans les années 70, que dire de Roy Scheider qui enchaîne les succès au box office de l'époque. Quand sa carrière explose avec « Les Dents de la Mer » de Spielberg en 1975, il a déjà conquis le public et la critique dans « French Connection ». Il interprète ici le frère cadet de Babe mais son double-jeu et son charisme mystérieux rendent son personnage bien plus fascinant qu'il n'y paraît. Mais si Scheider crêve l'écran (la scène du dîner, brillante et audacieuse), que peut-il faire face à l'immense Lawrence Olivier?

Souvent cité comme le plus grand acteur du siècle dernier (plus d'une dizaine de nominations aux Oscars!), Olivier est une légende vivante dont les compositions Shakespeariennes théâtrales résonnent encore dans la mémoire de beaucoup. En trois mots énigmatiques (« Is it safe? »), il parvient à nous convaincre du caractère implacable et cruel de son personnage. D'un coup, ce qui aurait pu n'être qu'une « simple » scène de torture devient instantanément une séquence culte de grand cinéma. Encore plus impressionant, il parvient à faire de ce dentiste adepte de la terreur psychologique, non pas un bourreau sanguinaire et stéréotypé, mais un vieux medecin faiblissant qui prend plaisir à faire son travail. Le personnage échappe alors à toute approche manichéenne du méchant sadique classique du cinéma de genre et gagne de ce fait en humanité. Le résultat est aussi dérangeant par la cruauté du personnage que jouissif par l'interprétation de l'acteur. Malgré une présence à l'écran assez réduite, Olivier campe sans conteste l'un des meilleurs méchants du cinéma et sa composition lui vaudra une nomination aux Oscars comme meilleur second rôle.



Si le film n'est pas exempt de défauts - notamment une fin un peu trop conventionelle - « Marathon Man » surprend encore par la qualité de son interprétation et l'efficacité parfois insoutenable de certaines situations. En d'autres mains, le film aurait finit en tant que série B sans éclat, mais il demeure encore aujourd'hui un modèle de film d'espionnage, intense et immoral.

Note: ***

vendredi 9 avril 2010

Le Choc des Titans



Né d'un dieu mais élevé comme un homme, Persée ne peut sauver sa famille des griffes de Hadès, dieu vengeur du monde des Enfers. N'ayant plus rien à perdre, il se porte volontaire pour conduire une mission dangereuse et porter un coup fatal à Hadès avant que celui-ci ne s'empare du pouvoir de Zeus et fasse régner l'enfer sur terre. A la tête d'une troupe de guerriers courageux, Persée entreprend un périlleux voyage dans les profondeurs des mondes interdits.



Attendu comme l’un des gros succès de cette période pré-estivale, ce "Choc des Titans" nouvelle génération se présente comme l’archétype même du projet de film passionnant qui, une fois à l’écran, aboutit à un blockbuster, bêta, brouillon et sans saveur.

Pourtant avec Louis Leterrier (réalisateur de films d’action honorables tels que L’incroyable Hulk ou Danny The Dog) derrière la caméra et Sam Worthington (la révélation de Terminator : Renaissance et d’Avatar) devant, ce remake musclé d’un classique des années 80 partait sous des augures plutôt favorables.
Malheureusement, le film cumule les mauvaises idées et des fautes de goût difficilement pardonnables.

Le Choc des Titans original, bien qu’ayant aujourd’hui accédé au rang de film culte, n’était pas non plus une perle de mise en scène : la réalisation de Desmond Davis avait souvent un arrière goût de téléfilm à gros budget et Persée était joué par un bellâtre inexpressif.
En revanche, le film bénéficiait d’un univers visuel aussi captivant qu’attachant, avec une jolie pelletée de créatures mythologiques et faisait la part belles aux trahisons internes qui sévissaient au sein même de l’Olympe.
Mais ce qui donnait au film tout son charme c’était le talent incomparable du légendaire animateur Ray Harryhausen. Considéré comme le pape de l’animation image par image, Harryhausen aura inspiré la carrière de cinéastes reconnus tels que Peter Jackson, James Cameron ou encore George Lucas...c’est dire la popularité du bonhomme.

C’est qu’à l’inverse de nombreux animateurs de l’époque, Harryhausen ne se contentait pas « seulement » de donner du mouvement à ses créatures, mais il leur insufflait la vie. Grâce à sa maîtrise incomparable de l’image par image, il parvenait à retranscrire ce souffle de vitalité qui élevait ses créatures au rang de personnages à part entière, et non plus à de simples monstres de plasticine aux mouvements maladroits.
Le Choc des Titans fut le film testament de Ray Harryausen, et à défaut d’être son œuvre la plus prestigieuse, il comporte des scènes devenues mythiques, tel l’antre de Méduse.

Dans la version de Leterrier, toutes les créatures, sans exception, sont animées à l’aide d’images de synthèse dernier cri. Non seulement, elles ne sont pas aussi visuellement réussies que celles de l’original (un comble, vu la technique) mais leur interaction avec les acteurs est quasi inexistante, ce qui les ramène à un vulgaire tas de pixels sans âme.

Et l’âme, c’est certainement ce dont le film manque le plus.
Primo, les monstres du film n’ont plus une once de personnalité (avoir donné à Méduse un visage humain n'en fait pas moins un beau ratage numérique) mais côté casting le bilan n’est pas si réjouissant non plus. Alors que Saw Worthington confirme tout le bien que l’on dit de lui, le Persée qu’il incarne manque cruellement de profondeur pour que l’on s’attache réellement à sa destinée.
En revanche, les seconds rôles rivalisent de fadeur et leurs personnages se révèlent plus insipides les uns que les autres. Ainsi les compagnons d’armes de Persée ne font guère plus que de la figuration et les divinités elles mêmes n’ont de divin que leur nom. Dans la peau de Zeus, Liam Neeson ne parvient jamais à faire oublier le jeu autoritaire et patriarcal de Lawrence Olivier et seul Ralph Fiennes parvient à tirer son épingle du jeu en campant un Hadès inattendu, en pleine déchéance physique.


De même, si Leterrier démontre une volonté farouche à se référer à l'oeuvre originale (le petit clin d’oeil à la chouette mécanique...), il en dénature l’histoire et occulte les relations primordiales entre les personnages (Calibos ne fait que passer...).
Pire, s’il rajoute des personnages plus ou moins indispensables (les djinns du désert, les harpies), il fait disparaître par là même certains monstres qui, eux auraient pu bénéficier d’une cure de jouvence numérique, comme le « cerbère » bicéphale et le vautour géant; pour ceux à qui ça parle.
Sans oublier les séquences « la mythologie grecque pour les nuls » où l’origine des créatures et savamment explicitée, ce qui reste absolument sans conséquence par la suite.


En ce qui concerne Louis Leterrier, ce dernier est plus connu pour sa maîtrise visuelle, lors de scènes d’action spectaculaires, que pour sa faculté à créer des moments plus intimistes. Là encore, il s’attaque aux scènes dites « émotionnelles » avec la subtilité d’un char d’assaut et écrase littéralement le scénario jusqu’à le réduire à un vulgaire prétexte pour amener l’action sur le tapis.
On pourrait lui pardonner si encore il parvenait à se rattraper sur la baston qui, ne nous le cachons pas, reste le principal argument de vente du film. Malheureusement, le résultat est là aussi plus que mitigé.
D’un côté, on sent l’envie du réalisateur à se dépasser pour nous livrer des affrontements titanesques (si j’ose dire) et il faut avouer que l’aspect homérique de certaines séquences donne un sacré coup de fouet à l’ensemble.
Mais, d’un autre côté, le film souffre d’un montage épileptique (pourtant absent des précédentes productions de Leterrier...) particulièrement pénible qui élimine d’emblée l’intensité de la violence et rend les affrontements aussi brouillons que ceux de "Transformers" (une référence en la matière...).
Au passage, la scène des scorpions est visuellement très proche de celle filmée par Michael Bay, allez comprendre...

Mais les dégâts sont loin d’être finis. En dépit de l’infini potentiel qu’offrait le thème de la mythologie grecque, l'esthétique du film est particulièrement convenue,pour ne pas dire superficielle.
Leterrier brasse les références en veux tu en voilà aux récents succès commerciaux et artistiques mais ne parvient jamais à les digérer totalement.
On y décompte entre autres, des squelettes marins à la "Pirates des Caraïbes", des sorcières aveugles sorties tout droit du "Labyrinthe de Pan", une Méduse dont la mâchoire s’allonge à la manière des vampires de "Van Helsing", ou encore des armures rutilantes empruntées à l’"Excalibur" de Boorman. Quant au Kraken, le monstre « ultime » du film, il a la tête des extraterrestres du jeu vidéo "Gears of War".
Elle est belle la mythologie grecque...

Enfin, là où la musique du film original soulignait l’aspect héroïque et merveilleux de l’aventure, la nouvelle mouture réussit l’exploit de se faire oublier instantanément. Alors que des dizaines de compositeurs talentueux auraient pu apporter à l’ensemble le semblant d’âme qui lui manque, le film écope de la musique brouillonne et volontairement assourdissante de Ramin Djawadi, qui tente de donner un souffle épique aux images de Leterrier. En vain.

Il est étonnant de voir que malgré tous ses défauts et un budget bien moins conséquent (de 15 millions pour le premier à 70 pour la seconde version), le Choc des Titans original demeure bien supérieur à ce navet tout en muscle et en testostérone mais bien creux en terme de matière grise.
Depuis le temps, on sait que l’informatique est un merveilleux outil visuel mais il peut aussi devenir une malédiction entre de mauvaises mains.
De ce fait, les monstres en images de synthèse "new generation" paraissent bien fades face au charme élémentaire des créatures animées images par image du grand Ray Harryhausen. Sans l'émotion, la technique n’est rien.



Le Choc des Titans n’est pas un ratage complet mais clairement une grosse déception. Alourdi par une esthétique –trop- jeu vidéo, des dialogues grotesques et incohérents, des erreurs de casting dramatiques, une musique insipide et des images de synthèse envahissantes, le film n’est sauvé que par de rares idées de mise en scène, quand l'action prend le dessus, et le charisme de Saw Worthington qui se taille une fois de plus la part du lion...à grands coups de glaive vengeur.

Note : *