vendredi 9 avril 2010

Le Choc des Titans



Né d'un dieu mais élevé comme un homme, Persée ne peut sauver sa famille des griffes de Hadès, dieu vengeur du monde des Enfers. N'ayant plus rien à perdre, il se porte volontaire pour conduire une mission dangereuse et porter un coup fatal à Hadès avant que celui-ci ne s'empare du pouvoir de Zeus et fasse régner l'enfer sur terre. A la tête d'une troupe de guerriers courageux, Persée entreprend un périlleux voyage dans les profondeurs des mondes interdits.



Attendu comme l’un des gros succès de cette période pré-estivale, ce "Choc des Titans" nouvelle génération se présente comme l’archétype même du projet de film passionnant qui, une fois à l’écran, aboutit à un blockbuster, bêta, brouillon et sans saveur.

Pourtant avec Louis Leterrier (réalisateur de films d’action honorables tels que L’incroyable Hulk ou Danny The Dog) derrière la caméra et Sam Worthington (la révélation de Terminator : Renaissance et d’Avatar) devant, ce remake musclé d’un classique des années 80 partait sous des augures plutôt favorables.
Malheureusement, le film cumule les mauvaises idées et des fautes de goût difficilement pardonnables.

Le Choc des Titans original, bien qu’ayant aujourd’hui accédé au rang de film culte, n’était pas non plus une perle de mise en scène : la réalisation de Desmond Davis avait souvent un arrière goût de téléfilm à gros budget et Persée était joué par un bellâtre inexpressif.
En revanche, le film bénéficiait d’un univers visuel aussi captivant qu’attachant, avec une jolie pelletée de créatures mythologiques et faisait la part belles aux trahisons internes qui sévissaient au sein même de l’Olympe.
Mais ce qui donnait au film tout son charme c’était le talent incomparable du légendaire animateur Ray Harryhausen. Considéré comme le pape de l’animation image par image, Harryhausen aura inspiré la carrière de cinéastes reconnus tels que Peter Jackson, James Cameron ou encore George Lucas...c’est dire la popularité du bonhomme.

C’est qu’à l’inverse de nombreux animateurs de l’époque, Harryhausen ne se contentait pas « seulement » de donner du mouvement à ses créatures, mais il leur insufflait la vie. Grâce à sa maîtrise incomparable de l’image par image, il parvenait à retranscrire ce souffle de vitalité qui élevait ses créatures au rang de personnages à part entière, et non plus à de simples monstres de plasticine aux mouvements maladroits.
Le Choc des Titans fut le film testament de Ray Harryausen, et à défaut d’être son œuvre la plus prestigieuse, il comporte des scènes devenues mythiques, tel l’antre de Méduse.

Dans la version de Leterrier, toutes les créatures, sans exception, sont animées à l’aide d’images de synthèse dernier cri. Non seulement, elles ne sont pas aussi visuellement réussies que celles de l’original (un comble, vu la technique) mais leur interaction avec les acteurs est quasi inexistante, ce qui les ramène à un vulgaire tas de pixels sans âme.

Et l’âme, c’est certainement ce dont le film manque le plus.
Primo, les monstres du film n’ont plus une once de personnalité (avoir donné à Méduse un visage humain n'en fait pas moins un beau ratage numérique) mais côté casting le bilan n’est pas si réjouissant non plus. Alors que Saw Worthington confirme tout le bien que l’on dit de lui, le Persée qu’il incarne manque cruellement de profondeur pour que l’on s’attache réellement à sa destinée.
En revanche, les seconds rôles rivalisent de fadeur et leurs personnages se révèlent plus insipides les uns que les autres. Ainsi les compagnons d’armes de Persée ne font guère plus que de la figuration et les divinités elles mêmes n’ont de divin que leur nom. Dans la peau de Zeus, Liam Neeson ne parvient jamais à faire oublier le jeu autoritaire et patriarcal de Lawrence Olivier et seul Ralph Fiennes parvient à tirer son épingle du jeu en campant un Hadès inattendu, en pleine déchéance physique.


De même, si Leterrier démontre une volonté farouche à se référer à l'oeuvre originale (le petit clin d’oeil à la chouette mécanique...), il en dénature l’histoire et occulte les relations primordiales entre les personnages (Calibos ne fait que passer...).
Pire, s’il rajoute des personnages plus ou moins indispensables (les djinns du désert, les harpies), il fait disparaître par là même certains monstres qui, eux auraient pu bénéficier d’une cure de jouvence numérique, comme le « cerbère » bicéphale et le vautour géant; pour ceux à qui ça parle.
Sans oublier les séquences « la mythologie grecque pour les nuls » où l’origine des créatures et savamment explicitée, ce qui reste absolument sans conséquence par la suite.


En ce qui concerne Louis Leterrier, ce dernier est plus connu pour sa maîtrise visuelle, lors de scènes d’action spectaculaires, que pour sa faculté à créer des moments plus intimistes. Là encore, il s’attaque aux scènes dites « émotionnelles » avec la subtilité d’un char d’assaut et écrase littéralement le scénario jusqu’à le réduire à un vulgaire prétexte pour amener l’action sur le tapis.
On pourrait lui pardonner si encore il parvenait à se rattraper sur la baston qui, ne nous le cachons pas, reste le principal argument de vente du film. Malheureusement, le résultat est là aussi plus que mitigé.
D’un côté, on sent l’envie du réalisateur à se dépasser pour nous livrer des affrontements titanesques (si j’ose dire) et il faut avouer que l’aspect homérique de certaines séquences donne un sacré coup de fouet à l’ensemble.
Mais, d’un autre côté, le film souffre d’un montage épileptique (pourtant absent des précédentes productions de Leterrier...) particulièrement pénible qui élimine d’emblée l’intensité de la violence et rend les affrontements aussi brouillons que ceux de "Transformers" (une référence en la matière...).
Au passage, la scène des scorpions est visuellement très proche de celle filmée par Michael Bay, allez comprendre...

Mais les dégâts sont loin d’être finis. En dépit de l’infini potentiel qu’offrait le thème de la mythologie grecque, l'esthétique du film est particulièrement convenue,pour ne pas dire superficielle.
Leterrier brasse les références en veux tu en voilà aux récents succès commerciaux et artistiques mais ne parvient jamais à les digérer totalement.
On y décompte entre autres, des squelettes marins à la "Pirates des Caraïbes", des sorcières aveugles sorties tout droit du "Labyrinthe de Pan", une Méduse dont la mâchoire s’allonge à la manière des vampires de "Van Helsing", ou encore des armures rutilantes empruntées à l’"Excalibur" de Boorman. Quant au Kraken, le monstre « ultime » du film, il a la tête des extraterrestres du jeu vidéo "Gears of War".
Elle est belle la mythologie grecque...

Enfin, là où la musique du film original soulignait l’aspect héroïque et merveilleux de l’aventure, la nouvelle mouture réussit l’exploit de se faire oublier instantanément. Alors que des dizaines de compositeurs talentueux auraient pu apporter à l’ensemble le semblant d’âme qui lui manque, le film écope de la musique brouillonne et volontairement assourdissante de Ramin Djawadi, qui tente de donner un souffle épique aux images de Leterrier. En vain.

Il est étonnant de voir que malgré tous ses défauts et un budget bien moins conséquent (de 15 millions pour le premier à 70 pour la seconde version), le Choc des Titans original demeure bien supérieur à ce navet tout en muscle et en testostérone mais bien creux en terme de matière grise.
Depuis le temps, on sait que l’informatique est un merveilleux outil visuel mais il peut aussi devenir une malédiction entre de mauvaises mains.
De ce fait, les monstres en images de synthèse "new generation" paraissent bien fades face au charme élémentaire des créatures animées images par image du grand Ray Harryhausen. Sans l'émotion, la technique n’est rien.



Le Choc des Titans n’est pas un ratage complet mais clairement une grosse déception. Alourdi par une esthétique –trop- jeu vidéo, des dialogues grotesques et incohérents, des erreurs de casting dramatiques, une musique insipide et des images de synthèse envahissantes, le film n’est sauvé que par de rares idées de mise en scène, quand l'action prend le dessus, et le charisme de Saw Worthington qui se taille une fois de plus la part du lion...à grands coups de glaive vengeur.

Note : *