dimanche 12 juillet 2009

Silent Movie (la dernière folie de Mel Brooks)




Mel Funn, réalisateur de cinéma un peu trop porté sur la bouteille, prend contact avec le directeur d'un studio pour lui proposer une idée-d'après lui-géniale : tourner un film muet!





On se demande où ce sacré trublion de Mel Brooks va pêcher toutes ces idées!
Après avoir parodié le western, le film d'horreur, le film d'aventure, le péplum, les films de Hitchcok et ceux de SF, il se lance dans un projet complètement absurde : réaliser un film muet, 50 ans après l'apparition du son au cinéma...
Un idée complètement folle qui caractérise bien le bonhomme.


Pas de paroles donc mais des cartons sur lesquels sont écrits les répliques comme dans les années 20, accompagnée par des partitions que l'on croirait d'époque. Fidèle à Mel Brooks, John Morris compose une musique joyeuse et endiablée, véritable hommage aux films de Charlie Chaplin et Buster Keaton.
En revanche, le film bénéficie des effets sonores. Mais pas n'importe lesquels.
Mel a bien fait attention de sonoriser son film à l'ancienne en utilisant les bruitages les plus vieillots et incongrus possibles.
Le décalage entre les images réalistes et les bruits cartonnesques est réellement frappant.


Du côté des acteurs, on retrouve Mel et sa bande dont Dom Deluise, légèrement enrobé, et Marty Feldman et ses célèbres yeux de caméléon.
Mais la grande surprise c'est qu'un grand nombre de stars se sont prétées au jeu.
Dans leur propre rôle, on ne trouve pas moins que James Caan, Burt Reynolds, Liza Minnelli, Paul Newman Anne Bancroft et le Mime Marceau!
Chacun a droit a sa petite « minute de gloire » et on prend un réel plaisir à les voir se moquer d'eux mêmes (Burt-je m'aime!-Reynolds) ou à dévoiler leurs talents cachés (Anne Bancroft qui imite Feldman!, faut le voir pour le croire ).


Adepte de l'humour absurde et du non sens visuel, Mel Brooks n'a pas besoin de son pour rendre son film réjouissant. Les gags visuels sont légions et se suffisent à eux mêmes.
Soyons honnêtes, ces gags ne sont pas tous drôles et certains tomberaient même complètement à plat sans la mise en scène inventive de Mel Brooks.
Néanmoins, on ne peut pas rester insensible face à ce débordement d'imbécilités parfaitement maitrisées. On ne cesse de s'étonner de l'imagination sans limite de cet homme orchestre (Mel Brooks, réalisateur, scénariste et acteur) qui élève le rire au rang d'art.

Les idées, plus ou moins bonnes, fusent sans nous laisser le temps de souffler et certaines scènes confirment à elles seules la réputation de Mel Brooks comme l'un des plus grands comique de notre temps : ce n'est pas tous les jours que l'on a l'occasion de voir Anne Bancroft (Mme Mel Brooks dans la vie) et son mari se lancer dans un numéro de danse effréné ou encore Paul Newman (fan de courses automobiles...) participer à une course poursuite en fauteuil roulant.

Quant au seul mot du film, il sera ironiquement prononcé par le mime Marceau!




Une fois de plus Mel Brooks et sa bande sortent l'artillerie lourde pour nous faire passer un bon moment. Parmi cette avalanche de gags absurdes, seule la moitié retiendra l'attention mais le film contient de vraies pépites dont il serait dommage de passer à côté.
Il fallait vraiment s'appeler Mel Brooks pour oser faire un film muet au XXème siècle ; rien que l'originalité du projet mérite le respect.

Note : **

Le Shérif est en Prison



Afin de s'approprier des terrains à bas prix, deux notables nomment un jeune Noir shérif d'une bourgade des plus racistes...




Après « Les Producteurs » et « Les 12 chaises », l'inénarrable Mel Brooks revient dans le monde de la parodie en prenant pour cible l'âme même du cinéma américain : le western.


Au niveau du casting, on retrouve les habitués de la bande à Mel Brooks : Harvey Corman, Dom deLuise, Madeline Khan (nominée à l'oscar pour son interprétation d'une Marlène Dietrich dépressive), Gene Wilder (qui a déjà joué dans « Les Producteurs » et qui jouera dans « Frankenstein Junior ») et bien sûr Mel Brooks lui même.
Du côté des petits nouveaux, on apprécie de trouver John Hillerman (Higgins dans la série « Magnum » c'est lui!) et Cleavon Little.
C'est autour de ce dernier que tourne toute l'histoire puisqu'il incarne le premier shérif noir de l'histoire!
Et dans un Ouest raciste gouverné par les blancs, ce pauvre shérif va devoir se battre pour s'imposer face à une petite ville de paysans idiots et bornés.
Pour l'aider, il pourra compter sur l'aide du Wacko Kid (Gene Wilder), un cow boy alcoolique mais vif comme l'éclair, et de ses frères de couleurs et...c'est tout.


Avec un personnage principal noir dans ce contexte, on peut s'attendre à de nombreux propros racistes et désobligeants et c'est effectivement le cas : les « Négros » pleuvent dans la bouche des blancs.
Mais Mel Brooks, en grand humoriste, ne le prend pas à la légère.
Il sait employer le mot de façon intelligente pour mieux dénoncer une société xénophobe. Il récupère tous les clichés que les Noirs ont subi au cinéma et les réutilise de façon aussi décalée qu'absurde.
Les politiciens quant à eux sont montrés comme des enfants ignorants (Mel Brooks, hilarant) ou des parvenus qui aiment se donner un air suffisant (Harvey Corman et ses citations sans queue ni tête).
Mais il ne se gène pas non plus pour montrer à quel point la population est stupide quand il met en scène le shérif qui se prend en otage tout seul pour échapper à la foule...
Quant aux indiens, ils parlent avec un accent allemand à couper au couteau.
Bref, comme toujours avec Mel Brooks, chacun en prend pour son grade.



En ce qui concerne l'humour du film, on est dans dans du Mel Brooks pur jus.
C'est à dire qu'on y trouve de tout et surtout du n'importe quoi.
Du plus sophitiqué (gags visuels, jeux de mots recherchés, humour absurde, références à de grands classiques) jusqu'au plus vulgaire (la scène des haricots et les nombreux « noms d'oiseau » et blagues en dessous en de la ceinture qui parsèment le film).
Entre le duel de chansons du début à la « West Side Story », les retournements de clichés, le paquet explosif tiré des cartoons de Tex Avery ou encore la brute qui met un cheval KO d'un coup de poing, il y en a pour tous les goûts. Après on aime ou on n'aime pas.
Il s'autorise même à remettre la fameuse bataille de tartes à la crème au goût du jour...

Bien que les films de Mel Brooks soient avant tout des parodies absurdes et grotesques, il fait preuve d'un véritable sens de la mise en scène.
De l'extérieur, rien ne différencie le film des vrais westerns.
Les cadrages comme la photographie sont particulièrement travaillés, les acteurs sont parfaitement convaincants et le film bénéficie d'un montage soigné (nomination à l'oscar du meilleur montage).
La musique également fait l'attention d'un soin particulier.
Le compositeur attitré de Mel Brooks, John Morris, a une fois de plus créé une série de chansons superbes qui donnent au film un côté comédie musicale assez poussé.
La chanson titre « Blazzing Saddles », hommage aux thèmes célèbres du western comme « Rio Bravo », sera même nominée à l'oscar.

Le film lui même se comporte, dans les grandes lignes, comme un western traditionnel jusqu'au grand final ; pur moment d'extravagance et d'irrationnel qui fait passer le film pour ce qu'il est vraiment : un film...
Le scénario imprévisible et constamment surprenant sera lui aussi nominé à l'oscar.
Il est important de signaler que, comme pour tous les Mel Brooks, la version française est excellente.



« Le shérif est en prison » est une parodie d'exception. Les calambours fusent et chaque scène redouble d'inventivité. Si l'on aime le style du grand Mel Brooks, « le shérif est en prison » est à ne pas manquer.

Note : ***

Frankenstein Junior



Peu fier de son ascendance, le Docteur Frederick Frankenstein accepte pourtant de retourner sur les terres de ses ancêtres. Rattrapé par la folie familiale, il décide de suivre les traces de son aïeul et de créer à son tour une créature à partir de cadavres, avec l'aide de son fidèle serviteur Igor. Malheureusement, chargé de trouver le cerveau d'une génie, ce dernier se trompe et rapporte à Frankenstein un cerveau anormal...




Le maître incontesté de la parodie s'attaque cette fois au mythe de Frankenstein.
Dès les premières images, on sent le pastiche pointer le bout de son nez : un gros plan solennel sur le cercueil du Baron Frankenstein qui s'ouvre brusquement, nous mettant nez à nez avec un corps pourissant...
Le défi est lancé, l'ancien Frankenstein a fait son temps : place aux jeunes!
On s'attend à ce que le film soit une vision burlesque de celui de James Whales, totalement dénaturée par une série de gags absurdes dont Mel a le secret.
Et pourtant, la surprise est de taille...


De tous les films de Mel Brooks, « Frankenstein Junior » est considéré comme sa plus belle réussite en temps que réalisateur.
Pourquoi? Parce qu'au lieu d'aligner des blagues qui ont un lien plus ou moins logique entre elles (comme c'est le cas dans la plupart des films de Mel Brooks), « Frankenstein Junior » bénéficie d'un véritable scénario, original et parfaitement construit (il a même été nominé aux oscars).
Il faut dire aussi que « Frankenstein Junior » est l'un des rares films de Mel Brooks dont le scénario n'est pas de lui. C'est en effet Gene Wilder qui s'est occupé du script et qui a ensuite proposé à Mel Brooks de le mettre en scène.

Pour autant, en tant que réalisateur, Mel Brooks ne se contente pas du minimum syndical. Quel que soit son film, Mel a un vrai talent pour recréer l'ambiance du film dont il s'inspire, de ce fait, « Frankenstein Junior » reste incroyablement fidèle à l'original.
On connait le culot de Mel pour les idées extravagantes (« Silent Movie » : un film muet réalisé 50 ans après l'apparition du son!) et malgré la pression des studios, il parvient à imposer que « Frankenstein Junior » soit tourné en...noir et blanc.
Oser mettre en scène un film en noir et blanc dans les années 70. Respect...


Mais tourner en noir et blanc pour tourner en noir et blanc n'aurait eu que peu d'intérêt si Mel n'avait pas utilisé cette abscence de couleur pour recréer une atmosphère digne des vieux films d'horreur des années 30.
Rien qu'au niveau des cadrages, les références aux films avec Boris Karloff ou Bela Lugosi sont monnaie courante mais on ne peut ignorer ces gros plans qui mettent en valeur des visages particulièrement expressifs, qui s'inspirent élégamment de l'expressionnisme allemand des années 20 (que l'on retrouve dans les films de Murnau et Fritz Lang). Sans oublier la musique (de John Morris) parfois lanscinante, parfois excessive qui participe elle aussi grandement à l'ambiance volontairement « archaïque » du film.
Encore plus fort, le laboratoire du docteur Fronkonstine est précisément celui qu'a utilisé James Whales dans le « Frankenstein » originel : preuve de l'immense respect dont fait preuve Mel Brooks vis à vis de son prédecesseur.


Mais l'esthétique, aussi réussi soit elle, ne fait pas un film.
La plus grande force de « Frankenstein Junior » c'est assurément son casting et la plupart des acteurs sont des habitués des films de Mel Brooks.
Gene Wilder, qui tourne avec lui pour la troisième fois, est toujours aussi remarquable : son jeu à la fois raffiné et extraverti est une vraie bonne surprise.
Madeline Khan, elle aussi égérie des films de Mel Brooks, n'a rien perdu de son incroyable talent. Bien que son temps à l'écran soit limité, elle fait de chacune de ses apparitions un pur moment de plaisir.
Teri Garr, qui interprète la ravissante assistante de Wilder, joue à merveille de la naiveté de son personnage. Le scénariste prend un malin plaisir à lui faire dire des choses salaces, mais grace à son innocence candide, les dialogues prennent un autre sens et évitent au film de sombrer dans la vulgarité ; bien vu!

La plupart des seconds rôles sont également particulièrement « colorés ».
Entre l'inspecteur de police et son bras en bois brut et la gouvernante qui fait peur aux chevaux, le film nous offre de beaux rôles de composition de la part des acteurs. Sans oublier que pour coller à l'ambiance, ils écopent tous d'un horrible accent germanique à couper au couteau...

Mais malgré tout, le film ne serait rien sans la présence exceptionnelle de Marty Feldman et de Peter Boyle. Non pas qu'ils portent le film sur leurs seules épaules mais leur interprétation est absolument formidable, et ce dans des registres complètement opposés.
Marty Feldman a une particularité : ses yeux sortent de ses orbites. Problème génétique de naissance. Il pourrait en être complexé et se cacher, au contraire il se sert de cette spécificité oculaire pour donner vie à ses personnages hors normes.
C'est donc sans surprise qu'il interprète Igor, le serviteur difforme.
Son rôle est particulièrement savoureux : non seulement, c'est un lâche doublé d'un obsédé mais il surgit toujours quand on ne l'attend pas. Et en complicité parfaite avec le réalisateur, il n'hésite jamais à faire des regards fréquents vers la caméra pour créer un lien avec le spectateur.
Un personnage inoubliable!

Quant à Peter Boyle, qui joue le « monstre », il apporte un charme fascinant à son personnage. Il ne cherche jamais à copier les mouvements de Boris Karloff (le monstre originel), au contraire malgré sa corpulence imposante, il donne l'impression de n'être qu'un enfant pur et innocent. Mais qui peut devenir très dangereux si on le provoque...
Muet pendant les ¾ du film, Peter Boyle concentre toute son énergie dans ses expressions faciales et ses grognements plaintifs. Sa performance est bluffante et la scène où il se met à parler est tellement surprenante qu'elle en devient magique.


Mais que serait un Mel Brooks sans ses gags?
Etonnament, c'est là que le film divise.
D'un côté il y a ceux plus habitués au « gag pour le gag » qui marche parfaitement dans « La folle histoire du monde », « Dracula Mort et Heureux de l'Etre » ou encore « La folle histoire de l'espace ».
Ceux là trouveront le film parfois trop sérieux et seront probablement déçus.
De l'autre côté il y a ceux qui adoreront le film pour son humour souvent subtil et ultra-référencé mais qui ne prend jamais le dessus sur un scénario remarquablement bien écrit.
Dans tous les cas certaines scènes sont absolument hilarantes, dont celle de la bougie et surtout celle de l'ermite (interprété par Gene Hackman, méconnaissable!).
Cette dernière est d'ailleurs souvent considérée comme la meilleure du film.
En revanche, certaines manquent d'impact en raison justement de cet humour parfois ultra-référencé que le spectateur ne peut pas toujours comprendre.

Avoir vu « Frankenstein » et « la fiancée de Frankenstein » est un plus indéniable car certaines scènes sont carrément des reprises pures et simples (le gag en plus) des films de James Whales.
Néanmoins, une connaissance rapide des films suffit amplement pour apprécier la majorité des gags : la coiffure de la fiancée, reconnaissable entre mille, une fermeture éclair sur le coup qui remplace les boulons sur les tempes du monstre...
Et comme tous les films de Mel Brooks, la version française est exceptionnelle.


Mel Brooks a encore frappé! Mais cette fois Avec une subtilité que l'on ne lui connaissait pas. Non pas que ses autres films soient de bêtes oeuvres de potache, loin de là, mais du scénario en passant par la mise en scène et le jeu des acteurs, « Frankenstein Junior » est bien plus qu'une simple parodie à petit budget.
A la fois fidèle au roman de Mary Shelley et à l'esthétique des films d'horreur de la belle époque du noir et blanc, le film se veut aussi émouvant que drôle et c'est pour ça qu'il est aussi efficace.

Casting exemplaire, réalisateur talentueux, scénario brillant et décalé, « Frankenstein Junior » est un grand classique de la comédie.
Pas forcément le Mel Brooks le plus drôle mais assurément son chef d'oeuvre en tant que metteur en scène.

Note : ***

La Folle Histoire du Monde




L’histoire du monde racontée par Mel Brooks.
De l’âge de pierre à la Révolution française en passant par la Rome Antique et l’Inquisition.






Ce film est très important pour moi car il s’agit de l'un des tous premiers que j’ai jamais vu.
C’est bien connu, ce sont les films que l’on a connu étant jeune qui nous marquent le plus. Mais parfois en grandissant, ces films perdent de leur valeur et l'on finit par ne plus les apprécier autant qu’avant.
Ce n’est pas le cas de ce film.

Bien avant les "Hot Shot", "Y a-t-il un flic" et autres "Scary Movie", la parodie cinématographique avait un nom : Mel Brooks !
Mel Brooks est assurément l’un des cinéastes les plus drôles qui soient, doté d’une imagination prodigieuse.
Thriller ("High Anxiety"), aventures ("Sacré Robin des bois"), horreur ("Dracula mort et heureux de l’être"), vieux film d’épouvante ("Frankestein Junior"), science fiction ("Spaceballs"), Western ("le Shérif est en prison"), cinéma muet ("Silent Movie") et même comédie musicale ("Les producteurs"), ce grand manitou du pastiche Hollywoodien s’est attaqué à absolument tous les genres.

Dans "la folle histoire du monde", il ne parodie pas les péplums ou les films historiques mais l’Histoire elle-même. De César à Louis XVI, personne n’est épargné !
La plupart des critiques considèrent les comédies de Mel Brooks comme « des pots-pourris, des collages de gags sans ligne directrice de base, sans signification philosophique ou psychologiques ».
Ses films peuvent être en effet résumés en une série de saynètes plus ou moins drôles. Car dans ce domaine, Mel Brooks est capable du meilleur comme du pire…


Il est vrai que pour un novice, son humour pour le moins peu ordinaire peut déstabiliser ou carrément laisser de marbre.
C’est d’ailleurs ce que l’on ressent durant les premières minutes de ce film : Durant un plan séquence qui rappelle le légendaire "2001" de Kubrick (Mel Brooks reprend la même musique : Ainsi parlait Zarathushtra), l’aube de l’humanité se dessine devant nos yeux.
« Et le singe se dressa sur ses pieds et devint l’Homme ». Et la majestueuse musique interrompue, l’«Homme » en question ne trouve rien de mieux à faire que de se masturber bestialement, alors que s’inscrit en bas de l’écran un ironique « Nos ancêtres »…
Difficile d’appréhender le reste du film par cette simple séquence mais une chose est sûre : le cinéaste ne respecte rien !



Le film est clairement divisé en parties distinctes, chacune retraçant une époque particulière de l'Histoire avec une liberté de ton qui pousse au respect.
La première partie (narrée par Orson Welles lui-même !) concerne l’Age de Pierre et la vie au temps des hommes préhistoriques. Durant cette série de sketchs plus ou moins réussis, on découvre un autre aspect du film : l’humour Melbrooksien typique, à savoir les gags à prendre au 36ème degré.
L’une des plus fameuses séquences de cette première partie reste la découverte du feu : un homme préhistorique tape deux silex pour essayer de faire jaillir des étincelles sur un tas de brindilles, mais sans succès. Arrive alors un membre de son clan qui lui tend un bout de bois enflammé ; au lieu d’allumer le tas de brindilles avec, il essaie d’allumer son silex…
Voilà un gag typique de Mel Brooks : saugrenu mais sophistiqué.
Et pour sûr, ce genre d’humour n’a pas que des admirateurs…


Après la partie « Préhistoire », un court intermède présente Moïse avec ses tables de la Foi qui se moque de la religion avec férocité tout en restant bon enfant.
Enfin, le film s’installe réellement dans sa troisième partie : la Rome Antique.
Comme le trio des ZAZ, Mel Brooks est conscient qu’une comédie fonctionne mieux si elle est présentée de manière réaliste et crédible.
Si la Préhistoire et la séquence avec Moïse sont délibérément mises en scène dans des décors carton-pâte où les rochers en polystyrène cachent à peine des paysages peints à la main (de façon travaillée, il faut le reconnaître), Rome est beaucoup plus crédible : les sols luxueux du César Palace (!) sont en marbre taillé et les salles sont ornées de colonnes et de statues du plus bel effet. Les costumes eux-mêmes sont suffisamment étudiés pour coller à l’époque.
Mais attention le film ne penche pas non plus vers l’hyperréalisme. Si les costumes sont crédibles, ils restent tout aussi anachroniques que ce type qui se balade dans les rues, poste radio collé à l’oreille.

Les décors sont donc impressionnants mais n’en sont pas moins conçus pour coller à la folie burlesque du réalisateur : on accède au palais de César par un tapis roulant et les gladiateurs doivent pointer à l’ANPE lorsqu’ils ont fait un mauvais combat dans l’arène…
Rome c’est surtout l’occasion de profiter d’une bande de joyeux drilles qui, par le coup du sort, se retrouvent pourchassés par les légions de César.
On admire alors les dialogues décalés, les situations loufoques et irrévérencieuses (Moïse qui se fait braquer, l’armée romaine qui se met à danser sous l’emprise de la marijuana, la scène avec Jésus…) et on découvre une flopée de personnages aussi attachants que déjantés : un comique professionnel, un faux Juif, une vestale et un agent de presse, qui se retrouvent confrontés à une armée aussi timbrée qu’eux.

Tout comme les décors et les costumes, les acteurs se veulent crédibles.
Ils jouent donc avec un sérieux inébranlable même s’ils n’hésitent pas à en faire un peu trop de temps en temps pour rendre leur personnage encore plus ridicule.
Exagérer une situation qui l’est déjà, ça fait trop.
Si le film avait été joué de façon caricaturale, l’humour aurait fait un bide.
Vu que ce n’est pas le cas, les blagues potaches et les jeux de mots inventifs passent comme une lettre à la poste.
Pour ce film, Mel Brooks retrouve sa bande d’acteurs favoris dont Madeline Khan en impératrice nymphomane et Dom DeLuise, formidable, qui joue un César malpropre et dégoûtant, baignant littéralement dans la richesse et la luxure.
Du côté des nouveaux, il faut saluer le talent de Gregory Hines (Joséphus-j’ai le pif pour le kif) et le sourire aguicheur de Mary Margaret Humes en « vestale et vierge ».



Mais Mel Brooks n’est pas seulement réalisateur il est aussi interprète.
Tel un membre des Monty Pythons, il se permet d’incarner plusieurs rôles dans le film. Pour chacun d’eux, il trouve le ton de voix parfait et les mimiques adéquates, qui en font tous des personnages inoubliables.
Si jusque là l’humour totalement excentrique et surprenant ne vous a pas fait décrocher alors vous êtes prêts pour la suite qui se veut encore plus délirante.
Ce trublion iconoclaste qu’est Mel Brooks ne vise pas la satire pure mais s’autorise tous les débordements, y compris sur la religion.
Si, à ce stade, Jésus et Moïse ont déjà fait les frais de ses pitreries, il va s’attaquer à la Grande Inquisition : le temps où les fanatiques catholiques assassinaient sans pitié tous ceux qui refusaient de se convertir.
En enfilant le large manteau à capuche de Torquemada, le Grand Inquisiteur, Mel Brooks va transformer cette période noire de l’Histoire, faite de tortures abominables et de châtiments corporels, en…comédie musicale!
On découvre alors le talent de Mel Brooks en tant que chanteur et compositeur (il sait tout faire, je vous dis !) et il surprend constamment derrière la caméra.
Ce qui aurait pu n’être qu’un "simple" numéro musical de mauvais goût se révèle être une séquence splendide et spectaculaire où le rythme et la drôlerie des paroles se marie élégamment à une mise en scène somptueuse : Mel Brooks nous bluffe lorsqu’il filme ces nonnes solennelles et austères qui se changent soudain en nageuses professionnelles, découvrant au passage leur sihouhette de rêve. Les couleurs sont éclatantes et la musique de John Morris enrichit chaque cadrage d’une partition savoureuse.


Arrive enfin la dernière partie : la Révolution française.
Une fois de plus, Mel et son équipe font le minimum syndical pour représenter la France de 1789 avec ses rues pavées d’ordures dans lesquelles s’entassent des mendiants en haillons et ses figures aristocratiques qui se pavanent dans les jardins de la cour. Mel Brooks y joue deux rôles dont le roi de France (et son fameux : « Ca vaut le coup d’être le roi ! ») et le « valet de pisse » du palais. La ressemblance entre les deux hommes va faire que le second prendra la place du premier alors que la révolution éclate.
S’enchaînent alors quiproquos de vaudeville et séquences d’un grotesque assumé (le prisonnier et ses oiseaux).
Les gags de cette dernière partie sont fortement portés sur le sexe mais pas que…
En jouant des français, Mel et sa bande se moquent joyeusement de notre accent et on en prend plein la tête pour pas un rond dans la VO.
Ce qui m’amène à saluer, chapeau bas, les traducteurs qui se sont occupés de la version française : ne pouvant se moquer de leur propre accent, ils se sont réellement torturés les méninges pour créer de toute pièce d’excellentes répliques pouvant correspondre aux originales.


Enfin, lorsqu’il est attaqué par les critiques pour ne pas suivre une ligne directrice de base, Mel se venge fièrement en faisant traverser le temps à ces personnages au cours d’un final assurément absurde dont il s’explique par un grandiose : « C’est ça la magie du cinéma ! » Imparable…
Malgré la fin monumentale( !), le film n’est pas encore arrivé à son terme et réserve un lot de bien belles surprises…


Il y aura toujours quelques passages que certains aimeront moins que d’autres mais dans ce grand festival de n’importe quoi, chacun trouvera la scène ou la réplique qui lui fera apprécier ce film déjanté et savoureux.
Mel Brooks en est à la fois le réalisateur, le scénariste, le producteur et l’interprète principal, ce qui en fait un auteur à part entière.
Malgré le ton léger du film, Mel fait les efforts nécessaires, tant au niveau de la mise en scène que de la direction de jeu, pour en faire un divertissement de qualité. Il bénéficie de plus de dialogues brillants et d’un sens du rythme incontestable. La bonne humeur communicative des acteurs fait le reste.

Sûrement pas le meilleur film de Mel Brooks mais un sacré cours d’Histoire, tordu et jubilatoire.
Mel Brooks disait : « Tout gosse, j’ai ressenti que faire rire les autres était un moyen de me faire aimer ».
On peut dire qu’il a réussi : Mel Brooks, on t’aime!

Note : ***