dimanche 12 juillet 2009

La Folle Histoire du Monde




L’histoire du monde racontée par Mel Brooks.
De l’âge de pierre à la Révolution française en passant par la Rome Antique et l’Inquisition.






Ce film est très important pour moi car il s’agit de l'un des tous premiers que j’ai jamais vu.
C’est bien connu, ce sont les films que l’on a connu étant jeune qui nous marquent le plus. Mais parfois en grandissant, ces films perdent de leur valeur et l'on finit par ne plus les apprécier autant qu’avant.
Ce n’est pas le cas de ce film.

Bien avant les "Hot Shot", "Y a-t-il un flic" et autres "Scary Movie", la parodie cinématographique avait un nom : Mel Brooks !
Mel Brooks est assurément l’un des cinéastes les plus drôles qui soient, doté d’une imagination prodigieuse.
Thriller ("High Anxiety"), aventures ("Sacré Robin des bois"), horreur ("Dracula mort et heureux de l’être"), vieux film d’épouvante ("Frankestein Junior"), science fiction ("Spaceballs"), Western ("le Shérif est en prison"), cinéma muet ("Silent Movie") et même comédie musicale ("Les producteurs"), ce grand manitou du pastiche Hollywoodien s’est attaqué à absolument tous les genres.

Dans "la folle histoire du monde", il ne parodie pas les péplums ou les films historiques mais l’Histoire elle-même. De César à Louis XVI, personne n’est épargné !
La plupart des critiques considèrent les comédies de Mel Brooks comme « des pots-pourris, des collages de gags sans ligne directrice de base, sans signification philosophique ou psychologiques ».
Ses films peuvent être en effet résumés en une série de saynètes plus ou moins drôles. Car dans ce domaine, Mel Brooks est capable du meilleur comme du pire…


Il est vrai que pour un novice, son humour pour le moins peu ordinaire peut déstabiliser ou carrément laisser de marbre.
C’est d’ailleurs ce que l’on ressent durant les premières minutes de ce film : Durant un plan séquence qui rappelle le légendaire "2001" de Kubrick (Mel Brooks reprend la même musique : Ainsi parlait Zarathushtra), l’aube de l’humanité se dessine devant nos yeux.
« Et le singe se dressa sur ses pieds et devint l’Homme ». Et la majestueuse musique interrompue, l’«Homme » en question ne trouve rien de mieux à faire que de se masturber bestialement, alors que s’inscrit en bas de l’écran un ironique « Nos ancêtres »…
Difficile d’appréhender le reste du film par cette simple séquence mais une chose est sûre : le cinéaste ne respecte rien !



Le film est clairement divisé en parties distinctes, chacune retraçant une époque particulière de l'Histoire avec une liberté de ton qui pousse au respect.
La première partie (narrée par Orson Welles lui-même !) concerne l’Age de Pierre et la vie au temps des hommes préhistoriques. Durant cette série de sketchs plus ou moins réussis, on découvre un autre aspect du film : l’humour Melbrooksien typique, à savoir les gags à prendre au 36ème degré.
L’une des plus fameuses séquences de cette première partie reste la découverte du feu : un homme préhistorique tape deux silex pour essayer de faire jaillir des étincelles sur un tas de brindilles, mais sans succès. Arrive alors un membre de son clan qui lui tend un bout de bois enflammé ; au lieu d’allumer le tas de brindilles avec, il essaie d’allumer son silex…
Voilà un gag typique de Mel Brooks : saugrenu mais sophistiqué.
Et pour sûr, ce genre d’humour n’a pas que des admirateurs…


Après la partie « Préhistoire », un court intermède présente Moïse avec ses tables de la Foi qui se moque de la religion avec férocité tout en restant bon enfant.
Enfin, le film s’installe réellement dans sa troisième partie : la Rome Antique.
Comme le trio des ZAZ, Mel Brooks est conscient qu’une comédie fonctionne mieux si elle est présentée de manière réaliste et crédible.
Si la Préhistoire et la séquence avec Moïse sont délibérément mises en scène dans des décors carton-pâte où les rochers en polystyrène cachent à peine des paysages peints à la main (de façon travaillée, il faut le reconnaître), Rome est beaucoup plus crédible : les sols luxueux du César Palace (!) sont en marbre taillé et les salles sont ornées de colonnes et de statues du plus bel effet. Les costumes eux-mêmes sont suffisamment étudiés pour coller à l’époque.
Mais attention le film ne penche pas non plus vers l’hyperréalisme. Si les costumes sont crédibles, ils restent tout aussi anachroniques que ce type qui se balade dans les rues, poste radio collé à l’oreille.

Les décors sont donc impressionnants mais n’en sont pas moins conçus pour coller à la folie burlesque du réalisateur : on accède au palais de César par un tapis roulant et les gladiateurs doivent pointer à l’ANPE lorsqu’ils ont fait un mauvais combat dans l’arène…
Rome c’est surtout l’occasion de profiter d’une bande de joyeux drilles qui, par le coup du sort, se retrouvent pourchassés par les légions de César.
On admire alors les dialogues décalés, les situations loufoques et irrévérencieuses (Moïse qui se fait braquer, l’armée romaine qui se met à danser sous l’emprise de la marijuana, la scène avec Jésus…) et on découvre une flopée de personnages aussi attachants que déjantés : un comique professionnel, un faux Juif, une vestale et un agent de presse, qui se retrouvent confrontés à une armée aussi timbrée qu’eux.

Tout comme les décors et les costumes, les acteurs se veulent crédibles.
Ils jouent donc avec un sérieux inébranlable même s’ils n’hésitent pas à en faire un peu trop de temps en temps pour rendre leur personnage encore plus ridicule.
Exagérer une situation qui l’est déjà, ça fait trop.
Si le film avait été joué de façon caricaturale, l’humour aurait fait un bide.
Vu que ce n’est pas le cas, les blagues potaches et les jeux de mots inventifs passent comme une lettre à la poste.
Pour ce film, Mel Brooks retrouve sa bande d’acteurs favoris dont Madeline Khan en impératrice nymphomane et Dom DeLuise, formidable, qui joue un César malpropre et dégoûtant, baignant littéralement dans la richesse et la luxure.
Du côté des nouveaux, il faut saluer le talent de Gregory Hines (Joséphus-j’ai le pif pour le kif) et le sourire aguicheur de Mary Margaret Humes en « vestale et vierge ».



Mais Mel Brooks n’est pas seulement réalisateur il est aussi interprète.
Tel un membre des Monty Pythons, il se permet d’incarner plusieurs rôles dans le film. Pour chacun d’eux, il trouve le ton de voix parfait et les mimiques adéquates, qui en font tous des personnages inoubliables.
Si jusque là l’humour totalement excentrique et surprenant ne vous a pas fait décrocher alors vous êtes prêts pour la suite qui se veut encore plus délirante.
Ce trublion iconoclaste qu’est Mel Brooks ne vise pas la satire pure mais s’autorise tous les débordements, y compris sur la religion.
Si, à ce stade, Jésus et Moïse ont déjà fait les frais de ses pitreries, il va s’attaquer à la Grande Inquisition : le temps où les fanatiques catholiques assassinaient sans pitié tous ceux qui refusaient de se convertir.
En enfilant le large manteau à capuche de Torquemada, le Grand Inquisiteur, Mel Brooks va transformer cette période noire de l’Histoire, faite de tortures abominables et de châtiments corporels, en…comédie musicale!
On découvre alors le talent de Mel Brooks en tant que chanteur et compositeur (il sait tout faire, je vous dis !) et il surprend constamment derrière la caméra.
Ce qui aurait pu n’être qu’un "simple" numéro musical de mauvais goût se révèle être une séquence splendide et spectaculaire où le rythme et la drôlerie des paroles se marie élégamment à une mise en scène somptueuse : Mel Brooks nous bluffe lorsqu’il filme ces nonnes solennelles et austères qui se changent soudain en nageuses professionnelles, découvrant au passage leur sihouhette de rêve. Les couleurs sont éclatantes et la musique de John Morris enrichit chaque cadrage d’une partition savoureuse.


Arrive enfin la dernière partie : la Révolution française.
Une fois de plus, Mel et son équipe font le minimum syndical pour représenter la France de 1789 avec ses rues pavées d’ordures dans lesquelles s’entassent des mendiants en haillons et ses figures aristocratiques qui se pavanent dans les jardins de la cour. Mel Brooks y joue deux rôles dont le roi de France (et son fameux : « Ca vaut le coup d’être le roi ! ») et le « valet de pisse » du palais. La ressemblance entre les deux hommes va faire que le second prendra la place du premier alors que la révolution éclate.
S’enchaînent alors quiproquos de vaudeville et séquences d’un grotesque assumé (le prisonnier et ses oiseaux).
Les gags de cette dernière partie sont fortement portés sur le sexe mais pas que…
En jouant des français, Mel et sa bande se moquent joyeusement de notre accent et on en prend plein la tête pour pas un rond dans la VO.
Ce qui m’amène à saluer, chapeau bas, les traducteurs qui se sont occupés de la version française : ne pouvant se moquer de leur propre accent, ils se sont réellement torturés les méninges pour créer de toute pièce d’excellentes répliques pouvant correspondre aux originales.


Enfin, lorsqu’il est attaqué par les critiques pour ne pas suivre une ligne directrice de base, Mel se venge fièrement en faisant traverser le temps à ces personnages au cours d’un final assurément absurde dont il s’explique par un grandiose : « C’est ça la magie du cinéma ! » Imparable…
Malgré la fin monumentale( !), le film n’est pas encore arrivé à son terme et réserve un lot de bien belles surprises…


Il y aura toujours quelques passages que certains aimeront moins que d’autres mais dans ce grand festival de n’importe quoi, chacun trouvera la scène ou la réplique qui lui fera apprécier ce film déjanté et savoureux.
Mel Brooks en est à la fois le réalisateur, le scénariste, le producteur et l’interprète principal, ce qui en fait un auteur à part entière.
Malgré le ton léger du film, Mel fait les efforts nécessaires, tant au niveau de la mise en scène que de la direction de jeu, pour en faire un divertissement de qualité. Il bénéficie de plus de dialogues brillants et d’un sens du rythme incontestable. La bonne humeur communicative des acteurs fait le reste.

Sûrement pas le meilleur film de Mel Brooks mais un sacré cours d’Histoire, tordu et jubilatoire.
Mel Brooks disait : « Tout gosse, j’ai ressenti que faire rire les autres était un moyen de me faire aimer ».
On peut dire qu’il a réussi : Mel Brooks, on t’aime!

Note : ***

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