dimanche 12 juillet 2009

Frankenstein Junior



Peu fier de son ascendance, le Docteur Frederick Frankenstein accepte pourtant de retourner sur les terres de ses ancêtres. Rattrapé par la folie familiale, il décide de suivre les traces de son aïeul et de créer à son tour une créature à partir de cadavres, avec l'aide de son fidèle serviteur Igor. Malheureusement, chargé de trouver le cerveau d'une génie, ce dernier se trompe et rapporte à Frankenstein un cerveau anormal...




Le maître incontesté de la parodie s'attaque cette fois au mythe de Frankenstein.
Dès les premières images, on sent le pastiche pointer le bout de son nez : un gros plan solennel sur le cercueil du Baron Frankenstein qui s'ouvre brusquement, nous mettant nez à nez avec un corps pourissant...
Le défi est lancé, l'ancien Frankenstein a fait son temps : place aux jeunes!
On s'attend à ce que le film soit une vision burlesque de celui de James Whales, totalement dénaturée par une série de gags absurdes dont Mel a le secret.
Et pourtant, la surprise est de taille...


De tous les films de Mel Brooks, « Frankenstein Junior » est considéré comme sa plus belle réussite en temps que réalisateur.
Pourquoi? Parce qu'au lieu d'aligner des blagues qui ont un lien plus ou moins logique entre elles (comme c'est le cas dans la plupart des films de Mel Brooks), « Frankenstein Junior » bénéficie d'un véritable scénario, original et parfaitement construit (il a même été nominé aux oscars).
Il faut dire aussi que « Frankenstein Junior » est l'un des rares films de Mel Brooks dont le scénario n'est pas de lui. C'est en effet Gene Wilder qui s'est occupé du script et qui a ensuite proposé à Mel Brooks de le mettre en scène.

Pour autant, en tant que réalisateur, Mel Brooks ne se contente pas du minimum syndical. Quel que soit son film, Mel a un vrai talent pour recréer l'ambiance du film dont il s'inspire, de ce fait, « Frankenstein Junior » reste incroyablement fidèle à l'original.
On connait le culot de Mel pour les idées extravagantes (« Silent Movie » : un film muet réalisé 50 ans après l'apparition du son!) et malgré la pression des studios, il parvient à imposer que « Frankenstein Junior » soit tourné en...noir et blanc.
Oser mettre en scène un film en noir et blanc dans les années 70. Respect...


Mais tourner en noir et blanc pour tourner en noir et blanc n'aurait eu que peu d'intérêt si Mel n'avait pas utilisé cette abscence de couleur pour recréer une atmosphère digne des vieux films d'horreur des années 30.
Rien qu'au niveau des cadrages, les références aux films avec Boris Karloff ou Bela Lugosi sont monnaie courante mais on ne peut ignorer ces gros plans qui mettent en valeur des visages particulièrement expressifs, qui s'inspirent élégamment de l'expressionnisme allemand des années 20 (que l'on retrouve dans les films de Murnau et Fritz Lang). Sans oublier la musique (de John Morris) parfois lanscinante, parfois excessive qui participe elle aussi grandement à l'ambiance volontairement « archaïque » du film.
Encore plus fort, le laboratoire du docteur Fronkonstine est précisément celui qu'a utilisé James Whales dans le « Frankenstein » originel : preuve de l'immense respect dont fait preuve Mel Brooks vis à vis de son prédecesseur.


Mais l'esthétique, aussi réussi soit elle, ne fait pas un film.
La plus grande force de « Frankenstein Junior » c'est assurément son casting et la plupart des acteurs sont des habitués des films de Mel Brooks.
Gene Wilder, qui tourne avec lui pour la troisième fois, est toujours aussi remarquable : son jeu à la fois raffiné et extraverti est une vraie bonne surprise.
Madeline Khan, elle aussi égérie des films de Mel Brooks, n'a rien perdu de son incroyable talent. Bien que son temps à l'écran soit limité, elle fait de chacune de ses apparitions un pur moment de plaisir.
Teri Garr, qui interprète la ravissante assistante de Wilder, joue à merveille de la naiveté de son personnage. Le scénariste prend un malin plaisir à lui faire dire des choses salaces, mais grace à son innocence candide, les dialogues prennent un autre sens et évitent au film de sombrer dans la vulgarité ; bien vu!

La plupart des seconds rôles sont également particulièrement « colorés ».
Entre l'inspecteur de police et son bras en bois brut et la gouvernante qui fait peur aux chevaux, le film nous offre de beaux rôles de composition de la part des acteurs. Sans oublier que pour coller à l'ambiance, ils écopent tous d'un horrible accent germanique à couper au couteau...

Mais malgré tout, le film ne serait rien sans la présence exceptionnelle de Marty Feldman et de Peter Boyle. Non pas qu'ils portent le film sur leurs seules épaules mais leur interprétation est absolument formidable, et ce dans des registres complètement opposés.
Marty Feldman a une particularité : ses yeux sortent de ses orbites. Problème génétique de naissance. Il pourrait en être complexé et se cacher, au contraire il se sert de cette spécificité oculaire pour donner vie à ses personnages hors normes.
C'est donc sans surprise qu'il interprète Igor, le serviteur difforme.
Son rôle est particulièrement savoureux : non seulement, c'est un lâche doublé d'un obsédé mais il surgit toujours quand on ne l'attend pas. Et en complicité parfaite avec le réalisateur, il n'hésite jamais à faire des regards fréquents vers la caméra pour créer un lien avec le spectateur.
Un personnage inoubliable!

Quant à Peter Boyle, qui joue le « monstre », il apporte un charme fascinant à son personnage. Il ne cherche jamais à copier les mouvements de Boris Karloff (le monstre originel), au contraire malgré sa corpulence imposante, il donne l'impression de n'être qu'un enfant pur et innocent. Mais qui peut devenir très dangereux si on le provoque...
Muet pendant les ¾ du film, Peter Boyle concentre toute son énergie dans ses expressions faciales et ses grognements plaintifs. Sa performance est bluffante et la scène où il se met à parler est tellement surprenante qu'elle en devient magique.


Mais que serait un Mel Brooks sans ses gags?
Etonnament, c'est là que le film divise.
D'un côté il y a ceux plus habitués au « gag pour le gag » qui marche parfaitement dans « La folle histoire du monde », « Dracula Mort et Heureux de l'Etre » ou encore « La folle histoire de l'espace ».
Ceux là trouveront le film parfois trop sérieux et seront probablement déçus.
De l'autre côté il y a ceux qui adoreront le film pour son humour souvent subtil et ultra-référencé mais qui ne prend jamais le dessus sur un scénario remarquablement bien écrit.
Dans tous les cas certaines scènes sont absolument hilarantes, dont celle de la bougie et surtout celle de l'ermite (interprété par Gene Hackman, méconnaissable!).
Cette dernière est d'ailleurs souvent considérée comme la meilleure du film.
En revanche, certaines manquent d'impact en raison justement de cet humour parfois ultra-référencé que le spectateur ne peut pas toujours comprendre.

Avoir vu « Frankenstein » et « la fiancée de Frankenstein » est un plus indéniable car certaines scènes sont carrément des reprises pures et simples (le gag en plus) des films de James Whales.
Néanmoins, une connaissance rapide des films suffit amplement pour apprécier la majorité des gags : la coiffure de la fiancée, reconnaissable entre mille, une fermeture éclair sur le coup qui remplace les boulons sur les tempes du monstre...
Et comme tous les films de Mel Brooks, la version française est exceptionnelle.


Mel Brooks a encore frappé! Mais cette fois Avec une subtilité que l'on ne lui connaissait pas. Non pas que ses autres films soient de bêtes oeuvres de potache, loin de là, mais du scénario en passant par la mise en scène et le jeu des acteurs, « Frankenstein Junior » est bien plus qu'une simple parodie à petit budget.
A la fois fidèle au roman de Mary Shelley et à l'esthétique des films d'horreur de la belle époque du noir et blanc, le film se veut aussi émouvant que drôle et c'est pour ça qu'il est aussi efficace.

Casting exemplaire, réalisateur talentueux, scénario brillant et décalé, « Frankenstein Junior » est un grand classique de la comédie.
Pas forcément le Mel Brooks le plus drôle mais assurément son chef d'oeuvre en tant que metteur en scène.

Note : ***

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