vendredi 26 octobre 2012

Ed TV

Que feriez vous si vous et votre famille vous retrouviez soudainement filmé 24/24h et que votre vie plate et monotone était suivie en direct par des millions de spectateurs ? C'est ce qui arrive à Ed (Matthew McConaughey), qui de vulgaire employé dans un magasin de location devient du jour au lendemain la coqueluche de toute l'Amérique - pour le meilleur et pour le pire. Sorti un an après 'The Truman Show', 'Ed TV' s'attaque à son tour à l'univers superficiel et trompeur de la télé-réalité. Mais là où Jim Carrey tentait de percer les mystères de sa vie robotique, Ed est conscient de sa véritable nature d'attraction de foire dès les premiers instants. De ce fait, la majeure différence avec 'The Truman Show' c'est que le film de Peter Weir attirait notre attention sur l'apprentissage, l'autonomie et enfin l'émancipation de Truman face à un destin artificiel, créé de toute pièce. Au contraire, le coté amusant de 'Ed TV' repose sur le fait que l'on suit les élucubrations d'un poseur du dimanche qui passe son temps à vérifier la perfection de son derrière et à taper la causette aux cameramen qui ne le quittent pas des yeux - ou de l'objectif pour être précis. Ed n'évolue pas et ne murit pas. Même s'il prendra la temps de déterrer quelques squelettes du placard familial, il n'en demeure pas moins un simple idiot sympathique jusqu'à la fin du film. Dans l'ensemble le scénario sort rarement des sentiers battus. Quelques idées sortent du lot, notamment le moment où l'on se rend compte que le futur d'Ed et de son entourage dépend directement de l'opinion médiatique. On appréciera également l'intéressante mise en abime qui survient lorsque le sujet sur lequel sont pointées les caméras décide d'aller trainer ses pénates du côté des coulisses, pour nous dévoiler l'envers du décor. Le film se moque ouvertement de l'attrait grotesque de la télé-réalité. Il s'en prend bien sûr aux grands manitous de la finance, qui manipulent à leur guise, comme de vulgaires marionnettes, les stars sans talent qui se pressent à l'écran. Mais il rit aussi au nez du grand public, hypnotisé par la lucarne du petit écran, et dont les péripéties d'Ed monopolisent peu à peu la propre existence. Pourtant, et malgré la présence de Michael Moore au casting (qui joue son propre rôle), le commentaire social est plus affable que satirique. 'Ed TV' est donc moins un pamphlet acerbe de la société de consommation audiovisuelle moderne qu'un portrait gentiment moqueur d'une famille à problème qui règle ses comptes à coups de tabloïds interposés. Bien que les situations frôlent parfois le cliché de la comédie à l'eau de rose comme seuls savent faire les studios Hollywoodiens (l'amoureux éperdu, transi par la flotte, qui crie sous la fenêtre de sa dulcinée), le réalisateur Ron Howard démontre un vrai sens du rythme et du cadrage. En effet, la filmographie du réalisateur compte déjà de grands films d'aventure (tels que le trépidant 'Willow' et le patriotique 'Apollo 13'). Mais Ron Howard est surtout un excellent directeur d'acteur qui a conduit plusieurs comédiens sur les marches des Oscars. Difficile en effet d'oublier les prestations d'un Russel Crowe paranoïaque dans 'Un Homme d'Exception', ou plus récemment les passionnantes joutes verbales de Michael Sheen et Frank Langella dans le magnifique 'Frost/Nixon'. Et, justement, la grande force de 'Ed TV', c'est son casting superbe. Malgré une obsession à exhiber son torse viril toutes les vingt minutes, McConaughey se glisse facilement dans la peau d'Ed, tout en sourire enjôleur et regard ébahi. Il y joue un personnage simplet plutôt attachant. A ses côtés, le toujours impeccable Woody Harrelson, qui joue les Don Juan de bas étage, prouve une fois de plus - après 'Tueurs Nés' et 'Larry Flint' - qu'il n'a pas son pareil pour donner du charme à un personnage d'apparence déplaisant et prétentieux. Dans le même registre, un Rob Reiner bedonnant s'amuse à jouer les patrons méprisants et mégalomanes. Et bien que Dennis Hopper n'y fait qu'une apparition, son charisme seul affirme son statut de légende du cinéma. La gente féminine n'est pas en reste non plus. Alors qu' Elizabeth Hurley, qui joue les croqueuses d'homme ambitieuses, partage une scène à la fois torride et tordante avec l'acteur principal, on ne restera pas non plus de marbre face aux moues coquines et aux yeux pétillants de malice de Jenna Elfman. Seule Ellen DeGeneres fait de l'ombre au tableau en campant une quadra complexée et arriviste particulièrement antipathique. Mais parmi tout ce petit monde, la palme revient à Martin Landau, attaché sur un fauteuil roulant et bien caché derrière les hublots double foyer du beau père d'Ed. Il interprète le double improbable d'un Woody Allen sur roulettes, sarcastique mais philanthrope, et s'accapare les meilleures répliques du film. S'il comptait secouer les consciences en dénonçant l'imbécilité de la culture de masse et le manque de respect pour la dignité humaine des grandes chaines audiovisuelles, Ron Howard n'enfonce pas le clou assez profondément pour faire vraiment mal. Mais s'il souhaitait faire de 'Ed Tv' une comédie romantique, intelligemment menée et bourrée de personnages attachants - avec une critique gentillette en toile de fond - il peut se vanter d'avoir su conquérir le coeur de son public. Moins poétique que 'The Truman Show' et moins allumé que 'American Dreamz', 'Ed TV' a l'avantage d'être porté par un metteur en scène solide et un casting de haut niveau. Un bon divertissement familial sans prétention. Note : **