lundi 1 juin 2009

Panic Room


Afin de commencer une nouvelle vie, Meg Altman achète une immense et splendide maison située dans un quartier huppé à l'ouest de New York. Son ancien propriétaire y a fait construire au dernier étage une pièce de sûreté dans laquelle on peut se réfugier en cas de menace extérieure et rester enfermé de nombreux jours grâce aux provisions qu'elle contient.
Cependant, Meg n'aurait jamais pensé s'en servir dès le premier soir. En effet, trois cambrioleurs ont pénétré dans la maison avec la ferme intention de dérober une somme de quatorze millions de dollars cachée par l'ancien maître des lieux. Tout porte à croire que ce butin est dissimulé dans la pièce de sûreté, là où se sont réfugiées Meg et Sarah.







En tant que réalisateur, David Fincher a deux personnalités.
Dans la première, il remplit des films glauques de scènes horriblement gores (« Fight Club », « Alien 3 », « Seven) et dans la seconde, il fait des thrillers angoissants dans un style beaucoup plus sobre (« Zodiac », « The Game »).


« Panic Room » fait sans conteste partie de la seconde catégorie.
Les plans sont léchés et la caméra se déplace librement à travers les moindres interstices de la maison, ce qui nous vaut un des plus beaux plan séquence de l'histoire du cinéma.
Les mouvements de la caméra permettent au réalisateur une liberté totale et s'il multiplie les gros plans extrêmes et les angles biscornus, il ne cède jamais à l'esbrouffe visuelle.


Vu que les héroines vont rester enfermées plus de la moitié du film dans leur cage à lapin blindée, Fincher ne pouvait pas choisir de meilleur point de vue que celui de la claustrophobie.
La maison est bourrée d'escaliers étroits et de recoins sombres et Fincher use et abuse des caméras de surveillance intégrées de la maison pour nous donner l'impression que l'on est réellement dans le film.

Si visuellement, le film est impeccable, on ne peut qu' applaudir l'ambiance sonore.
Le son est un aspect important du scénario. Dans ce genre de situation, le moindre bruit de pas est un arrêt de mort assuré, et les voleurs se doivent de rester le plus silencieux possible pour ne pas alerter le voisinage (même si en fait ils hurlent souvent...).
Si chaque bruit a son importance, c'est justement l'absence de son qui est le plus inquiétant (la scène sans effets sonores est d'ailleurs magnifique!) et Fincher joue habilement sur l'utilisation des caméras de surveillance « muettes » et des hauts parleurs.

Du côté de la musique, Howard Shore reprend les thèmes de prédilection de sa période Cronenberg et fait vibrer les cordes de façon particulièrement stressante.



Vu le contexte, on pourrait croire que le film suit un rythme lent pour installer une ambiance pesante, mais non. Si on frôle parfois la panique (encore une fois, la séquence sans bruitages), le montage est rythmé, les dialogues sont soignés et regorgent de références, les scènes s'enchaînent sans temps mort et sans que l'on s'en rende compte on a déjà passé 1h30 de pellicule!


Rien à dire donc du côté de la réalisation, mais c'est bien le scénario qui surprend le plus.
Le scénariste David Koepp est un habitué du fantastique et plus particulièrement des blockbusters (il a signé les scénarios de nombreux Spielberg dont « Jurassic Park »).
Ici ni fantastique, ni blockbuster mais un script remarquablement bien troussé.
Aux premiers abords, l'histoire semble très conventionnelle mais rapidement le scénario prend des tournures inattendues et nous prend constamment par surprise.

Non seulement les trois cambrioleurs ne sont pas de simples stéréotypes mais ils possèdent une personnalité recherchée qui sort des sentiers battus.
De leur côté, la mère et la fille, prisonnières dans leur propre maison, vont se révèler pleines de ressources.
Ce qui s'apparentait à un « simple » cambriolage va se transformer en véritable combat des esprits et chaque camp va devoir redoubler d'intelligence pour s'en sortir.
Malin, Koepp muliplie les surprises et ira même jusqu' à inverser les rôles...



Mais que serait le film sans ses interprètes?
Si Jodie Foster est toujours aussi excellente, on prend un vrai plaisir à admirer les prestations de Jared Leto ("Requiem for a Dream", "Lord of War") et Forest Whitaker ("Le dernier roi d'Ecosse"). Quand à Dwight Yoakam, s'il demeure caché un certain temps sous sa cagoule, il a la tête du parfait psychopathe.



On peut reprocher une fin typiquement Hollywoodienne où les personnages deviennent brusquement des murs de brique capable d'encaisser les coups : le méchant se prend un coup de masse dans la tête suffisamment puissant pour lui éclater le crâne comme un melon trop mûr avant de s'écraser un étage plus bas...ce qui ne l'empêche pas de remonter (sur les genoux, mais quand même..) et de faire son rôle de méchant.
Sans oublier que la cavalerie arrivera, comme toujours, juste quand on n'a plus besoin d'eux.



Malgré une fin un peu décevante, le film réussit à nous tenir en haleine durant deux heures entières. La mise en scène inspirée de Fincher, le scénario surprenant et les performances remarquables des acteurs suffisent pour faire de « Panic Room » un thriller passionnant.
Une fois que les cambrioleurs pénètrent dans la maison, on ne quitte plus l'écran des yeux!

Note : ***

Gangs of New York



1863, les Etats Unis sont au bord de la guerre de Sécession. A New York, la corruption a gagné à peu près tous les dirigeants politiques. L'un des quartiers les plus pauvres de la ville, Five Points, est la proie de la guerre des gangs. C'est en ces temps de chaos que Amsterdam Vallon, un jeune immigrant irlando-américain revient à Five Points. Son but : se venger de William Cutting alias Bill le Boucher, le puissant chef de gang qui s'oppose farouchement aux immigrants et qui a tué son père.





Superproduction hollywoodienne de renom, "Gangs of New York" avait fait parler de lui bien avant sa sortie. Le tournage qui s'étalait et qui n'en finissait pas et le montage maintes fois changé n'étaient rien face au sujet lui même : la guerre civile entre les natifs et les immigrants au coeur d'une Amérique en pleine crise identitaire et sociale. Sujet extrêmement controversé, cela va sans dire.



Nous sommes dans une époque où le racisme bat son plein. Noirs comme étrangers sont vus comme la peste par ceux qui considèrent que le pays leur appartient. Plus habitué à tourner dans un New York contemporain, Martin Scorsese doit recréer entièrement plusieurs quartiers du New York des années 1860.
Le budget colossal dont il dispose lui permet une reconstitution historique impressionnante de l'époque. Pas besoin d'avoir un livre d'histoire sous la main pour comprendre comment était la vie en ce temps là.

Dans les rues, on ne compte même plus les mendiants et les voleurs. Quant aux bistrots, ce sont des bouges crasseux où tout le monde s'entasse pèle mêle pour se rincer le gosier, prendre du bon temps avec les filles de joie ou parier sur un combat de coq. C'est le repaire de tous les poivrots, les soiffards et les miséreux de la ville. Par leur aspect malpropre et dégoûtant ils rappellent fortement le "Heavens Gate" de Michael Cimino.

A l'opposé, Scorsese filme des quartiers chics où le luxe transparait littéralement à travers le mobilier. Les personnes fortunées essentiellement issues de l'aristocratie y vivent aisément, à l'abri de la foule et du besoin. Ce sont elles qui contrôlent les quartiers plus défavorisés, dont Five Points, mais le seul contact qu'ils en ont c'est une petite promenade ,sous la protection de la police, dans les rues mal famées.

Ce sont donc les deux extrêmes que le réalisateur dévoile.



Pour adapter sa fresque historique, Scorsese nécessitait un casting d'exception.
Cette fois ni Robert de Niro, ni Harvey Keitel (ses acteurs fétiches) ne seront de la partie.
Le héros du film sera interprété par l'étoile montante Leonardo Di Caprio. Autant on peut lui reprocher de n'être qu'un acteur à midinettes ("Romeo + Juliette", "Titanic") autant il faut reconnaitre son talent lorsqu'il est bien dirigé.

2002 aura été une année faste pour Di Caprio : il aura tourné à la fois sous la houlette de Scorsese ET de Spielberg, ce qui, il faut bien l'avouer, n'est pas donné à n'importe qui.
Bref on oublie ces précédentes prestations pour se retrouver face à un très bon acteur. Inférieure à son rôle dans "Attrappe moi si tu peux", sa performance en temps qu'Amsterdam reste néanmoins parfaitement crédible. Il sait donner du charisme au personnage et ses sourcils constamment froncés en font un personnage mystérieux et arrogant qui suscite l'attention.
De plus sa voix off nous permet d'en savoir largement plus que ce que son comportement ne laisse transparaitre.

On peut trouver de mauvais goût qu'un américain de pure souche (il est né à Hollywood) joue le rôle d'un Irlandais mais ce n'est pas la première fois au cinéma que ce procédé intervient.
En revanche on apprécie la présence de Brendan Gleeson et Liam Neeson qui eux pour le coup sont de vrais acteurs irlandais.

La seule fille du groupe, Cameron Diaz, a une chevelure de feu et un tempérament de même. Si son histoire d'amour avec Amsterdam semble superflue, l'actrice nous rappelle qu'elle était autrefois une bonne actrice avant de se complaire dans les niaiseries pour ados attardés ("Allumeuses", "Charlie's Angels 2"...).


Mais c'est tout l'ensemble du casting qui s'efface en présence de Bill le Boucher, joué avec superbe par Daniel Day Lewis.
Day Lewis c'est un acteur, un vrai. Le genre de type qui symbolise à lui seul la bravoure et l'héroisme ("Le dernier des Mohicans") mais qui sait aussi interpréter des rôles beaucoup plus intimistes (oscar du meilleur acteur pour "My Left Foot" et "There Will be Blood").

Grace à lui, Le Boucher n'est pas le simple méchant du film qui tente d'imposer la peur sur Five Points, c'est à la fois un psychopathe menaçant, un homme d'honneur et une personne meurtrie qui doit vivre avec le poids du passé. L'acteur compose un personnage aux facettes multiples, terriblement humain, et lui apporte tout son charme et sa force de caractère pour en faire LE personnage du film que personne n'oubliera. Sa performance exceptionnelle lui vaudra une nomination aux oscars.



La réalisation elle même est particulièrement réussie.
La caméra de Scorsese se ballade librement dans les rues au cours de longs plans séquence à la logistique impressionnante et chaque plan est porteur d'une idée de cinéma, intelligente et efficace. Difficile d'oublier le début où l'on suit un groupe armé dans une espèce de grotte obscure, à peine éclairée par quelques torches, avant de découvrir brusquement les rues désertes de Five Points où la neige étincelante nous aveuglerait presque.

Dans sa représentation de l'époque Scorsese n'hésite pas à aller parfois vers le burlesque lorsqu'il met en scène deux équipes de pompiers qui se battent comme des chiffonniers au lieu d'éteindre l'incendie qui fait rage en arrière plan.
Mais pour parfaire une vision plus authentique, il s'offre même le luxe de filmer des scènes de théâtre chinois et d'intercaler de vraies images d'archives au cours des séquences les plus marquantes pour l'histoire des Etats Unis.
Quant au plan final il est aussi lourd de sens que réussi esthétiquement.


La photographie se veut réaliste et met en valeur des décors remarquables. Elle ajoute également une atmosphère lugubre et funèbre qui colle idéalement à l'histoire sombre et aux personnages torturés.
La musique mérite aussi qu'on s'y attarde vu l'importance qu'elle joue dans le film.
Howard Shore c'est le compositeur mondialement connu pour la musique du "Seigneur des Anneaux" (3 films, 3 oscars pour meilleure musique!).
Moins réussie que les précédentes, la musique de "Gangs of New York" n'en reste pas moins remarquablement travaillée avec des morceaux superbes très "Hobbitiens".
L'utilisation récurrente des flutes et des tambours se marie à merveille avec des sonorités celtiques toutes droit sorties de "Braveheart".


Si elles sont loin d'être le coeur du film, les séquences de batailles restent saisissantes. On connaissait l'aptitude de Scorsese à montrer le côté réaliste de la violence mais il ne l'avait jamais fait à si grande échelle. La scène du début rassemblant des dizaines de figurants est d'une cruauté rare.
Piochant du côté de "Gladiator" pour les ralentis saccadés et chez "Braveheart" pour la brutalité des coups portés, la scène en devient presque viscérale.
Elle est comme ce duel à main nue entre Amsterdam et un homme du Boucher : désordonnée et vraisemblable.

La violence crue du film est amplifiée quand le Boucher compare le corps humain à celui d'un cochon : il explique la composition et le placement des organes et montre quel coup peut tuer, quel coup non. Il en donne carrément des frissons...

Ici les membres des gangs sont des "streetfighters" au sens propre, à savoir des combattants de la rue. Pas de chorégraphies martiales stylisées, pas de coup mortel encaissé sans broncher sous pretexte qu'on est le héros.
Les armes employées sont essentiellement des armes blanches (haches, couteaux, poignards, masses...) et chaque impact et visible à l'écran.
Le montage reprend l'idée des films précedemment cités ("Gladiator" et "Braveheart" entre autres) à savoir une accumulation rapide et brutale d'images gores et choquantes qui défilent jusqu'à l'écoeurement.


Le chaos des affrontements est palpable et soulève presque le coeur. Les lames taillent et s'enfoncent profondément dans la chair, on s'égorge et on s'éventre avec férocité et à la fin, les corps ouverts et démembrés recouvrent un sol maculé de sang.
C'est d'autant plus dommage vu la qualité de la première séquence que la fin soit aussi vite expédiée. Bien que spectaculaire (les canons des bateaux tirent sur la ville), le rapide duel dans le brouillard décoit quelque peu par son manque d'ambition. J'aurais souhaité un combat plus impressionnant, d'autant que pendant plus de 2h le film nous garde continuellement sous tension pour nous préparer au dénouement.


Hormis quelques facilités scénaristiques (l'inévitable rivalité entre les deux amis pour la fille) et une fin qui ne tient pas ses promesses, "Gangs of New York" reste indéniablement un grand film.
Lauréat de 10 nominations aux oscars ( dont meilleure photo, meilleur montage, meilleurs décors, meilleurs costumes, meilleur scénario, meilleur son, meilleur réalisateur, meilleur film et surtout meilleur second rôle pour Daniel Day Lewis), il impose définitivement Martin Scorsese comme l'un des plus grands cinéastes de notre temps...si l'on oublie son pâle remake de "Infernal Affairs".



Note : ***

Baby Blood



Yanka s'ennuie ferme jusqu'à ce qu'un événement étrange vienne bouleverser son existence : un être bizarre prend forme dans son ventre, une drôle de bestiole qui parle, qui a faim et soif...de sang frais!





« Baby Blood » est un film fantastique gore... français! C'est suffisament rare pour être signalé. Pour autant, est-ce à cause de sa nationalité gauloise qu'il est aussi mauvais?


Récompensé au festival d'Avoriaz 1990 par le prix spécial du jury, le film possède des qualités indéniables.
Avant tout, on peut saluer les responsables des effets spéciaux pour nous offrir des scènes de tripaille sanglantes et extrêmement violentes qui raviront les amateurs. Ces effets spéciaux garantissent un nombre impressionnant de séquences choc assez perturbantes qui culminent avec celle de la «  peau de bébé », au sens littéral du terme.

Ensuite, on peut apprécier l'originalité du scénario et les nombreuses mises en abîme grace aux nombreux parallèles entre la naissance, l'enfantement et la création universelle. Je n'en dis pas plus...
Un thème passionnant mais plus ou moins bien mis en valeur selon les cas.



Mais ces quelques avantages ne suffisent pas à faire pencher « Baby Blood » du bon côté de la balance. Comme on dit : « sur le papier ça sonne bien, pourtant ».
Car dans les faits, la mise en scène molassone et l'amateurisme des acteurs le font malheureusement couler à pic.
Le réalisateur, Alain Robak, a du mal à trouver le ton juste et se contente le plus souvent d'aligner les scènes gores mais gratuites. Pour autant, il sait fait preuve d'inventivité, avec notamment des angles de caméra inattendus, mais le rythme du film est définitivement trop mou pour captiver réellement.



L'histoire aurait été idéale pour un court métrage mais elle demeure bien trop simpliste pour une durée d'une heure trente.
Les idées délirantes du scénario restent à l'état d'ébauches et sont le plus souvent sous-exploitées tandis que certaines scènes dispensables traînent en longueur.
Ainsi dans le film les hommes sont tous de véritables obsédés notoires unidimensionnels dont on se fiche totalement du sort (atroce) qui leur est réservé.
Quant au prologue dans le cirque, il se révèle bien trop long comparé à son manque d'utilité par la suite.

Même les scènes « drôles » sont ratées à cause d'un timing approximatif dans les répliques et de la pauvreté du jeu des acteurs.
Seule idée vraiment intéressante : le bébé qui parle en voix off (doublé par Robak lui même), sujet à des réflexions plutôt amusantes.



Mais le véritable problème de « Baby Blood », c'est le personnage principal. On sent que l'actrice met le paquet pour rendre son personnage crédible et ne recule devant rien pour nous le faire savoir. La nudité ne la dérange pas, pas plus que d'être recouverte de sang des pieds à la tête.
Malgré tout, elle ne réussit qu'à rendre son personnage antipathique et exaspère très rapidement à force de surjouer...



« Baby Blood » est un film culte pour beaucoup.
Culte parce qu'il a réussi à faire parler de lui au festival d'Avoriaz en étant considéré par Wes Craven(!) comme « le meilleur film du festival », ce qui lui a valu un coup de pub légendaire.
Culte parce qu'il est l'un des rares à présenter une femme (le personnage comme l'actrice) qui entreprend des meurtres aussi choquants.
Culte parce qu'en qualité de précurseur, c'est l'un des premiers films français aussi gore et qu'il a ouvert la voie à de nombreux fidèles dont Ian Kounen (« Doberman ») ou encore Matthieu Kassovitz (« Les rivières pourpres »).

Malheureusement, il n'en reste pas moins terriblement mal joué, ce qui gache la plus grande partie de son intérêt. On voit que le réalisateur s'est beaucoup amusé mais le plaisir n'est pas partagé. Et ce ne sont pas les apparitions en guest-star de Lafesse et Alain Chabat, géniales mais bien trop courtes, qui me feront changer d'avis.

Note : *