mercredi 7 novembre 2012

Skyfall

50 ans! Et oui, ça fait déjà un demi-siècle que le légendaire espion aux services de sa Majesté dessoude du vilain terroriste et courtise les femmes les plus voluptueuses des quatre coins du globe. Mais loin de montrer son arthrite et ses cheveux blancs, James Bond aura autant changé de pays que de visage durant sa carrière. C’est l’avantage d’être un héros de fiction : si vous faites une bourde et que votre public cherche à vous lyncher vous pourrez toujours faire profil bas pendant quelques temps et avoir recours à la chirurgie esthétique avant de retourner pour de nouvelles aventures et faire table rase du passé. Après tout, ça a bien marché pour Bruce Wayne. Du coup, après le lamentable (pour ne pas dire auto-parodique) 'The World is not Enough', avec Pierce Brosnan, Bond est devenu le suave mais violent Daniel Craig. 'Casino Royale', sa première interprétation, aura été un succès public et critique à la fois et marque le renouveau de la saga - Blond, James Blond. Hélas, la suite 'Quantum of Solace' n’est qu’un amoncellement de combats au montage épileptique, de situations rocambolesque et de personnages falots. Rapidement, Bond repart se cacher. Quatre ans plus tard, il revient dans 'Skyfall' et Craig est toujours d’actualité. Il a profité de sa retraite pour se forger un corps de lanceur de javelot olympique (c’est qu’il vous arracherait un oeil avec ses pectoraux, le bestiau), mais il a surtout pris le temps de rassembler une équipe de talent pour remettre sa popularité d’aplomb. La plupart des récents cinéastes qui se sont attaqués à Bond sont des spécialistes des films d’action. On citera spécialement Martin Campbell qui, avant de dresser un portrait plus mature du personnage dans 'Casino Royale', avait déjà dirigé Brosnan dans 'Goldeneye'. En revanche, Marc Foster, responsable du poussif 'Quantum of Solace' est bien plus à l’aise dans les drames intimistes ('A l’ombre de la haine', 'Neverland'). Qu’attendre donc lorsque Sam Mendes, le créateur des drames familiaux 'American Beauty' et 'Away We Go', se retrouve derrière la caméra? On ne put pas dire que les oeuvres de Mendes soit particulièrement riche en fusillades et explosions en tout genre. Et il peut même se vanter d’avoir dans sa filmographie l’un des seuls films de guerre où presque aucun coup de feu n’est tiré – 'Jarhead'. Et quand, il met en scène des exécutions à l’arme à feu – 'Les sentiers de la Perdition' – c’est en sourdine, à la légèreté poétique. De ce fait, Mendes peine parfois à insuffler sa propre personnalité aux scènes d'action de 'Skyfall' et doit emprunter à ses prédécesseurs pour ne pas faire pâle figure. Si le film démarre en trombe avec une course poursuite infernale alternant quatre roues, deux roues et chemin de fer, le film navigue en territoire connu. La scène d’introduction à moto sur les toits a des relents de Jason Bourne et l’infiltration dans un immeuble high tech, où Bond s’agrippe à un ascenseur pour atteindre le sommet, ressemble fort aux exploits physiques d'un certain Tom Cruise. Enfin, on notera un combat à mains nues dans l’antre d’un dragon de Komodo qui rappellera les grands moments des anciens Bond où les sbires étaient jetés sans remords en pâture aux requins, tigres et autres joyeusetés animales. La scène est un clin d’oeil habile à la série mais, en 2012, le côté anachronique est un peu trop flagrant. Les idées originales abondent (surtout le final, version ‘Home Alone’ sous octane) mais Mendes est trop occupé à trouver le parfait cadrage et la meilleure lumière pour donner suffisamment de férocité aux affrontements. En revanche, la photographie est magnifique. Que ce soit les villes abandonnées brûlées par le soleil, les néons translucides de Shanghai ou encore les majestueuses landes brumeuses du coeur de l’Ecosse, Mendes a parfaitement su exploiter l’oeil aguerri de Roger Deakins (nominé aux Oscars pour 'No Country for Old Men' et 'The Shawshank Redemption'). Les reflets sont éblouissants et le mariage constant entre zones d’ombres et couleurs vives est un régal pour la rétine. Le tour du monde de Bond a moins l’allure d’une série de cartes postales que d’un reportage pour National Geographic. Par contre, les scènes d’action pêchent par leur manque de crédibilité. Le côté spectaculaire et réaliste est accentué par l'aspect convaincant des combats et la quasi-absence d’images de synthèse – la poursuite du début demeurera insurpassée durant le reste du film. Mais il est difficile de croire que Bond puisse survivre à un chute de plusieurs centaines de mètres après avoir pris une balle ou encore qu’il ressorte d’un lac gelé comme on sort de chez le coiffeur (on est loin du Jackie Chan frigorifié de 'Contre Attaque', qui justement s'amusait à parodier les cascades Bondiennes). Si Bond est bien entendu connu pour se sortir in extremis de situations périlleuses d’apparence inextricables, l’intérêt de 'Casino Royale' était précisément de le montrer vulnérable et de le faire souffrir comme un simple humain. Ici, il joue les Terminator en smoking. Increvable et monolithique. Malgré un périple semé d'embûches, on ne s’inquiète jamais pour lui. Et quand il est porté disparu après un coup ‘fatal’, c’est juste pour se faire dorer la pilule sous les cocotiers aux bras d’une indigène. Au passage, on notera que si le film est étonnament long, la retraite de Bond est expédiée en dix minutes, montre en main et générique compris. D’autant que Mendes accorde plus d’importance au générique lui même (un superbe enchevêtrement baroque et surréaliste de pluies de sang funestes et de silhouettes schizophréniques) qu’à la séquence du repos du guerrier. De même que pour l'action pure, la mise en scène et le scénario brassent éternellement le chaud et le froid. 'Skyfall' est truffé de références habiles, empreintes de nostalgie, aux précédents épisodes de la série mais elles sont parfois mises en avant de manière un peu trop outrancière (le célèbre thème de John Barry retentit soudain pour aucune autre raison que de souligner l’apparition du véhicule fétiche de James). L’intrigue, basée sur le terrorisme invisible et le piratage des systèmes de sécurité nationaux instaure rapidement un climat instable de paranoïa mais l’action elle même est si invraisemblable (le wagon arraché à la grue devant les yeux blasés des passagers) que l’on s’attache rarement au sort des protagonistes. Il est difficile de pas être admiratif devant l’audace et les efforts apportés au scénario. Certaines conversations à elles seules fascinent plus que toutes les explosions du film réunies. Mais les dialogues s’embourbent généralement dans un humour vaudeville grand public qui relâche la tension. Et passée l’introduction mouvementée, il faudra attendre l’apparition du grand méchant (soit une heure de film) pour que 'Skyfall' dévoile enfin ses vrais enjeux dramatiques et émotionnels. Et l’on s’aperçoit que, tout comme dans ‘The Dark Knight', le film débute réellement là où d’autres se terminent – à l’arrestation du criminel. Après une première partie qui traine la patte, 'Skyfall' multiplie les bonnes surprises et les rebondissements jusqu’à l’affrontement final dans un lieu mythique que l’on gardera secret. Si Mendes n’est pas le plus doué pour la pétarade et que sa mise en scène ne bénéficie pas toujours du panache adéquat, il est en revanche un excellent directeur d’acteur et sait pousser ses comédiens pour donner le meilleur d’eux mêmes. Craig ne dispose pas d’un registre d’émotion particulièrement étendu mais reste convaincant dans le flegme 'so british' (jusqu'à remonter ses boutons de manchette après avoir été catapulté dans un train). Il a définitivement la carrure du personnage, même s’il a connu des jours meilleurs dans 'Casino Royale'. Les James Bond girls sont jolies mais font parfois figuration, Ben Wishaw joue le hacker à lunettes au jargon incompréhensible avec aplomb, Albert Finney manque de charisme sous sa grosse barbe hirsute et le grand Ralph Fiennes tient un rôle qui aurait pu être joué par n’importe qui. Heureusement, ils sont vite éclipsés par Maggie Smith. Haute comme trois pommes, elle n’a pas son pareil pour camper une femme autoritaire et irascible, dominée par ses hautes responsabilités. Mais l’actrice saura aussi révéler un personnage complexe, qui masque son manque de confiance en soi par un caractère dur et intraitable. La relation, à la fois maternelle et hiérarchique, qu’elle entretient avec Bond est au coeur de l’intrigue. Ils se respectent et se haïssent pour le plus grand plaisir du spectateur. On s’amusera d’ailleurs de noter que l’humour pince-sans-rire de M est un écho direct au père d’Indy dans 'La Dernière Croisade', joué par Sean Connery – le seul et unique James Bond pour de nombreux aficionados. Mais que serait un James Bond sans un méchant digne de ce nom ? Plus que les cascades, le panorama, les scènes torrides sous la douche, et le poitrail huileux de Daniel Craig, attendez vous surtout à entendre parler de la performance de Javier Bardem. 'Skyfall' est long et l’histoire prend un temps considérable à se mettre en place. La première heure de film est prévisible, rame, et les personnages secondaires sont passés à la trappe. Mais une fois que Bardem survient, il électrise la pellicule. En dépit d’un temps à l’écran assez limité, l’acteur bouffe l’écran de sa simple présence, à grands coups de regards pénétrants et de tirades assassines. Et bien entendu, il s’accapare les meilleures répliques du film, qu’il ressort avec une délectation vicieuse (Sam Mendes est bien le créateur de 'American Beauty'…). A mi-chemin entre les excentricités masochistes de ‘Perdita Durango’, le sourire froid et meurtrier de ‘No Country for Old Men’ et une pointe d’auto-suffisance, le manipulateur efféminé de Bardem est délicieusement divertissant et entre directement au panthéon des meilleurs méchants de la saga. Après 4 années d’absence, James Bond revient sous la houlette d’un réalisateur inattendu, au service d’un scénario encore plus surprenant et devra faire face à l’un des plus grands comédiens du nouveau millénaire. Malheureusement, il va aussi devoir lutter contre une mise en scène parfois poussiéreuse, des dialogues risibles et une première heure de film au rythme en dents de scie. 'Skyfall' n’atteint certes pas le niveau d’excellence de 'Casino Royale' mais il nous fait vite oublier la déception de 'Quantum of Solace'. Et rien que pour ça, il mérite le coup d'oeil. Note : ** / ****

vendredi 26 octobre 2012

Ed TV

Que feriez vous si vous et votre famille vous retrouviez soudainement filmé 24/24h et que votre vie plate et monotone était suivie en direct par des millions de spectateurs ? C'est ce qui arrive à Ed (Matthew McConaughey), qui de vulgaire employé dans un magasin de location devient du jour au lendemain la coqueluche de toute l'Amérique - pour le meilleur et pour le pire. Sorti un an après 'The Truman Show', 'Ed TV' s'attaque à son tour à l'univers superficiel et trompeur de la télé-réalité. Mais là où Jim Carrey tentait de percer les mystères de sa vie robotique, Ed est conscient de sa véritable nature d'attraction de foire dès les premiers instants. De ce fait, la majeure différence avec 'The Truman Show' c'est que le film de Peter Weir attirait notre attention sur l'apprentissage, l'autonomie et enfin l'émancipation de Truman face à un destin artificiel, créé de toute pièce. Au contraire, le coté amusant de 'Ed TV' repose sur le fait que l'on suit les élucubrations d'un poseur du dimanche qui passe son temps à vérifier la perfection de son derrière et à taper la causette aux cameramen qui ne le quittent pas des yeux - ou de l'objectif pour être précis. Ed n'évolue pas et ne murit pas. Même s'il prendra la temps de déterrer quelques squelettes du placard familial, il n'en demeure pas moins un simple idiot sympathique jusqu'à la fin du film. Dans l'ensemble le scénario sort rarement des sentiers battus. Quelques idées sortent du lot, notamment le moment où l'on se rend compte que le futur d'Ed et de son entourage dépend directement de l'opinion médiatique. On appréciera également l'intéressante mise en abime qui survient lorsque le sujet sur lequel sont pointées les caméras décide d'aller trainer ses pénates du côté des coulisses, pour nous dévoiler l'envers du décor. Le film se moque ouvertement de l'attrait grotesque de la télé-réalité. Il s'en prend bien sûr aux grands manitous de la finance, qui manipulent à leur guise, comme de vulgaires marionnettes, les stars sans talent qui se pressent à l'écran. Mais il rit aussi au nez du grand public, hypnotisé par la lucarne du petit écran, et dont les péripéties d'Ed monopolisent peu à peu la propre existence. Pourtant, et malgré la présence de Michael Moore au casting (qui joue son propre rôle), le commentaire social est plus affable que satirique. 'Ed TV' est donc moins un pamphlet acerbe de la société de consommation audiovisuelle moderne qu'un portrait gentiment moqueur d'une famille à problème qui règle ses comptes à coups de tabloïds interposés. Bien que les situations frôlent parfois le cliché de la comédie à l'eau de rose comme seuls savent faire les studios Hollywoodiens (l'amoureux éperdu, transi par la flotte, qui crie sous la fenêtre de sa dulcinée), le réalisateur Ron Howard démontre un vrai sens du rythme et du cadrage. En effet, la filmographie du réalisateur compte déjà de grands films d'aventure (tels que le trépidant 'Willow' et le patriotique 'Apollo 13'). Mais Ron Howard est surtout un excellent directeur d'acteur qui a conduit plusieurs comédiens sur les marches des Oscars. Difficile en effet d'oublier les prestations d'un Russel Crowe paranoïaque dans 'Un Homme d'Exception', ou plus récemment les passionnantes joutes verbales de Michael Sheen et Frank Langella dans le magnifique 'Frost/Nixon'. Et, justement, la grande force de 'Ed TV', c'est son casting superbe. Malgré une obsession à exhiber son torse viril toutes les vingt minutes, McConaughey se glisse facilement dans la peau d'Ed, tout en sourire enjôleur et regard ébahi. Il y joue un personnage simplet plutôt attachant. A ses côtés, le toujours impeccable Woody Harrelson, qui joue les Don Juan de bas étage, prouve une fois de plus - après 'Tueurs Nés' et 'Larry Flint' - qu'il n'a pas son pareil pour donner du charme à un personnage d'apparence déplaisant et prétentieux. Dans le même registre, un Rob Reiner bedonnant s'amuse à jouer les patrons méprisants et mégalomanes. Et bien que Dennis Hopper n'y fait qu'une apparition, son charisme seul affirme son statut de légende du cinéma. La gente féminine n'est pas en reste non plus. Alors qu' Elizabeth Hurley, qui joue les croqueuses d'homme ambitieuses, partage une scène à la fois torride et tordante avec l'acteur principal, on ne restera pas non plus de marbre face aux moues coquines et aux yeux pétillants de malice de Jenna Elfman. Seule Ellen DeGeneres fait de l'ombre au tableau en campant une quadra complexée et arriviste particulièrement antipathique. Mais parmi tout ce petit monde, la palme revient à Martin Landau, attaché sur un fauteuil roulant et bien caché derrière les hublots double foyer du beau père d'Ed. Il interprète le double improbable d'un Woody Allen sur roulettes, sarcastique mais philanthrope, et s'accapare les meilleures répliques du film. S'il comptait secouer les consciences en dénonçant l'imbécilité de la culture de masse et le manque de respect pour la dignité humaine des grandes chaines audiovisuelles, Ron Howard n'enfonce pas le clou assez profondément pour faire vraiment mal. Mais s'il souhaitait faire de 'Ed Tv' une comédie romantique, intelligemment menée et bourrée de personnages attachants - avec une critique gentillette en toile de fond - il peut se vanter d'avoir su conquérir le coeur de son public. Moins poétique que 'The Truman Show' et moins allumé que 'American Dreamz', 'Ed TV' a l'avantage d'être porté par un metteur en scène solide et un casting de haut niveau. Un bon divertissement familial sans prétention. Note : **

mercredi 24 octobre 2012

Solomon Kane

Dans le monde de l’Heroic Fantasy le nom de Robert E. Howard est aussi légendaire que les personnages auxquels il a donné vie. Sa creation la plus célèbre est bien entendu ‘Conan le Barbare’, popularisé sur grand écran par les pectoraux saillants et le regard bovin de Schwarzie. Conan est depuis toujours le parfait archetype du sauvage viril et musclé qui multiplie victoires au combat et conquetes féminines. Mais l’univers de Howard ne se limite pas aux lutteurs en peau de bête et aux damoiselles dévêtues. Les histoires originelles de l’auteur se déroulent dans un univers sombre et brutal et met en scène des héros au passé torturé, en quete de redemption, de gloire ou simplement de survie. Il ne faut pas oublier que (du moins dans le film) Conan, avant de devenir la machine de guerre ultime que nous connaissons tous, a vu ses parents se faire assassiner sous ses yeux avant d’etre embarqué de force en esclavage. Et malgré son désir de s’en éloigner, son passé finit toujours par le rattraper. Niveau popularité, Solomon Kane serait le petit frère de Conan - moins de barbaque que le frérot mais un passé tout aussi douloureux qu’il tente de fuir tant bien que mal. Rejeté par son père et haï par son ainé, Kane vend son ame au diable pour se forger une vie de pirate sanguinaire. Mais piller et génocider allègrement à un prix. Et lorsque Lucifer vient réclamer son dû, Kane decide de rompre le contrat et se terrer dans un monastère pour y couler une existence sereine et pacifique, loin du fracas de des guerres et de l’acier. Mais s'il ressort à la violence une fois de plus, ils sera damné pour l'éternité. Bien évidemment, pour les besoins de l’histoire, Kane retrouvera vite son ardeur au combat mais ce sera toujours par la nécessité de sauver son prochain plus que par simple gout du sang que Kane ressortira le glaive. Le héros se retrouve donc souvent en plein dilemme entre secourir la veuve et l'orphelin ou jouer les Gandhi Victoriens - à son propre péril. Ce qui surprend dans le film - surtout comparé à un Conan invincible et débauché - c’est la vulnérabilité et la pureté du personage de Kane. Epéiste hors pair, il n’en reste pas moins un simple mortel (il sera entre autres rossé par des bandits de grand chemin, lacéré lors d’un combat fratricide, et passera même par la case crucifixion…). De même, si le scenario s’articule autour du classique sauvetage d’une jeune fille en détresse, la difference d’âge flagrante entre Kane et la demoiselle nous permettent d’échapper à l’éternel baiser langoureux sur lequel s’achèvent bon nombre de pellicules. On voit donc que le film met en scène un personnage étonnament complexe et charismatique pour ce genre de production. De plus, loin du second degré quasi-inhérent aux series B et à la Fantasy au cinéma, les créateurs de ‘Solomon Kane’ dévoilent l’histoire avec un sérieux inébranlable - et particulièrement rafraîchissant. Suivant le modèle du ‘Seigneur des Anneaux’ ou de ‘Game of Thrones’, et en dépit des nombreux éléments fantastiques, les personnages évoluent dans un monde à la fois convaincant et tragique. Conscients que l’humour bon enfant et les clins d’oeil ironiques ne sont pas le genre de la maison, les acteurs prennent leur rôle avec gravité. La performance de James Purefoy est d’ailleurs un modèle à suivre. Si son coté moine taciturne nous rappelle l’homme sans nom des films de Sergio Leone, il démontre à la fois une hargne et une sensibilité digne d’un Viggo Mortensen de la grande époque. A ses côtés, des acteurs de renom tels que Pete Postlethwaite et Max Von Sydow ont accepté de jouer les seconds couteaux avec la grandeur et la prestance qui les caractérise. Ainsi Max Von Sydow parvient à imposer sa présence alors qu’il n’apparait que dans deux courtes scenes. Malgré un petit budget apparent, on sent que ‘Solomon Kane’ est une oeuvre de passionnés. En plus de fignoler l’histoire et les personnages, le réalisateur/scénariste Michael J. Basset s’est entouré d’une équipe artistique talentueuse pour donner vie à l’univers rude et menaçant du film. Et techniquement, ‘Solomon Kane’ bénéficie de touches visuelles et sonores dignes d’intérêt. Si les décors font parfois un peu carton pâte, un soin particulier a été apporté à l’architecture et l’environnement. Entre les crânes plantés sur les piques dans la cour du château, les chapelles gothiques à moitié ravagées par le temps, les souterrains ténébreux emplis de goules carnivores, les tombes celtiques surplombant une falaise aux vagues majestueuses, ou encore les cimetières enneigés. Le réalisateur a puisé dans les meilleures illustrations d’ Heroic Fantasy pour peindre de parfaits tableaux d’ambiance. Les moins cérébraux pourront reprocher au film une introduction longuette et un léger manque d’action mais chaque affrontement bénéficie d’une chorégraphie originale, avec des coups portés à la fois gracieux et violents. Et grace à un montage précis, les échauffourées échappent à l’aspect brouillon généralement associé aux productions Hollywoodiennes modernes. Solomon Kane est une fine lame et on aurait aimé avoir davantages d’occasions de profiter de son art. En raison d’une atmosphere moins enjouée et plus pessimiste, il était evident que le compositeur Klaus Badelt ne pouvait nous offrir des envolées héroiques et entrainantes dignes de ses compositions de ‘Pirates des Caraibes’. Mais la musique a le mérite d’accompagner agréablement l’action, à coup de choeurs féminins et de percussions assourdissantes. Dommage que le thème principal, lui, soit complètement pompé sur celui de ‘Batman Begins'. Et en parlant d’influence, impossible de passer outre à quel point le film doit son esthétique au ‘Van Helsing’ de Sommers. A commencer par le costume. Même couvre-chef à boucle, même coiffure de chanteur de heavy, même long manteau d’ébène et mêmes pétoires et attirail d’époque. Si Hugh Jackman jouait un personage bien plus charmeur et malicieux, les références sont indéniables. On pourrait néanmoins expliquer que les costumes de ‘Van Helsing’ sont en fait directement tirés de la description de Solomon Kane dans les histoires écrites par Howard. C'est le dragon qui se mord la queue. Alors que les costumes jouent à l’oeuf et la poule, les ressemblances entre les deux films ne s’arrêtent pas là. ‘Solomon Kane’ recycle non seulement le village enneigé transylvanien de ‘Van Helsing’ mais la fin du film est directement calquée sur son ainé - le héros se recueille pieusement au bord d’une falaise avant d’enfourcher son fidèle destrier et de chevaucher héroiquement vers l’horizon… Toutes ces coïncidences sont certainement liées au fait que le designer Patrick Tatopoulos a posé sa patte artistique sur les deux films. Mais ces nombreuses réminiscences empêchent malheureusement ‘Solomon Kane' de se forger une identité propre. Moins épique que la trilogie de Peter Jackson, moins poétique que ‘Conan le Barbare’ (le film de Milius) et moins moqueur que ‘Van Helsing’, Solomon Kane peine parfois à trouver son identité. Le réalisateur démontre un profond respect pour l’oeuvre originale mais manque parfois de moyens pour s’exprimer. En revanche, le casting de qualité, la mise en scène soignée, le scénario sinistre, les combats violents et crédibles en feraient déjà une parfaite série B popcorn divertissante. Mais c’est la prestation à fleur de peau de James Purefoy qui permet au film de s’élever bien au dessus du lot. ‘Solomon Kane’ est surtout une longue introduction au personnage de Kane. Et si ce film ne s’avère etre que le premier volet d’une longue saga, on attend la suite avec impatience. Note : **

vendredi 12 octobre 2012

The Expendables 2

Même en laissant ses neurones au vestiaire et en diminuant ses attentes au minimum, 'The Expendables 2' accompli l'exploit d'être une véritable déception. Pourtant, son succès aurait du être gagné d'avance. On met les plus gros bestiaux du cinéma d'action Hollywoodiens dans un camion, on les lâche dans une arène bourrée de cascadeurs qui ne demandent qu'à jouer les cibles mouvantes. On laisse tourner la caméra et le tour est joué. Pas besoin de trouver un scénario décent. Tout le monde s'en fiche. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Et pourquoi donner au public ce qu'il veut une fois qu'il a déjà payé son ticket ? Du coup, après une introduction musclée et explosive, qui nous colle confortablement au fond du siège, sourire béat aux lèvres, on reçoit un gros coup de pied dans la gueule - ou un coup de couteau dans le dos : les acteurs se mettent à parler… Et pendant ce qui sembler être une éternité, ils ne cesseront de débiter les plus gros clichés du genre avec un désintérêt total pour le reste du film. Donner un peu de personnalité à un tank partait d'une bonne intention, mais faites parler le tank, et vous verrez que comme disait Sartre, les bonnes intentions, l'Enfer en est pavé. Et tant qu'on y est, il disait aussi que l'Enfer c'est les autres. En l'occurrence pour Stallone et les murs de brique qui lui servent de partenaires, l'enfer c'est les misérables larves chargées du scénario et des dialogues. Non seulement, les stars n'ont pas l'ombre d'une réplique culte à se mettre sous la dent mais ils se contentent d'ironiser sur leurs célèbres phrases d'antan (Schwarzie qui lance un 'I'm Back ' magistral - effectivement, du jamais vu…). Et quand, Chuck Norris, légende vivante de l'écran - et du net - fait une apparition remarquée (avec nuage de poussière dissimulatrice et musique Moriconnienne à la clé), c'est juste pour réciter ses lignes et repartir aussitôt dans son nuage de fumée. Mais le choc le plus violent c'est cette pathétique tentative d'auto-dérision puérile qui font de chaque moment de calme un supplice sans nom. On a Rambo, Terminator et John McClane dans le même plan pour la première - et certainement la dernière - fois de l'histoire du cinéma et, parmi toutes les idées les plus dingues qui ont germé dans le crâne des scénaristes pour en faire un moment mythique à se repasser en boucle jusqu'à la fin des temps, on doit subir l'affront de les voir se moquer gentiment des amourettes entre l'un deux et la fille du film. On s'attendait à un bras de fer viril à en faire trembler la terre et on imagine presque les rires enregistrés d'une sitcom poussiéreuse. Et ne parlons pas de là scène où Dolph Lundgren essaie d'attirer l'attention de la demoiselle du groupe, où on risque d'avoir des mots. Le scénariste Richard Wenk était déjà responsable du ronflant '16 Blocks', avec Bruce Willis dans un rôle interprété mille fois, mais cette fois il multiplie les efforts pour que absolument chaque scène tombe à plat comme un vieux figurant fatigué. Le film est à la fois trop violent pour un jeune public et trop stupide pour une audience plus mature. Du coup il ne s'adresse qu'aux nostalgiques de la belle époque. Mais eux aussi seront atterrés de voir leurs idoles d'antan réduits à se moquer d'eux même avec une absence totale de second degré et d'émotion. Je ne serais pas surpris qu'un chasseur de prime soit actuellement à la recherche de Wenk. On ne rigole pas avec le coeur des fans. Cependant, si les dialogues sont d'une platitude écoeurante, l'action reste le nerf de la guerre et la seule raison pour laquelle le film est censé exister. Et on pourrait encore pardonner au réalisateur ses écarts de conduite, s'il suffisait de disposer du bouton avance rapide pour profiter pleinement de ce que le film a à offrir de mieux. West, pourtant auteur de films d'action décérébrés mais regardables ('Tomb Raider', 'Les Ailes de l'Enfer') nous démontre un art du suspense et du rythme dignes d'un documentaire sur le tricot. Il aurait du être comme un poisson dans l'eau tant le synopsis du film ressemble justement à celui des 'Ailes de l'Enfer'. Hélas si chaque plan regorge de testostérone et de muscles saillants et huileux, le film fait l'éloge du montage épileptique et des giclées de sang en image de synthèse. Hormis Statham qui virevolte dans sa tenue de moine rédempteur et le charismatique Jet Li, malheureusement expédié en quelques coups de poêle à frire, les scènes d'action souffrent d'un cruel manque de punch. Et comme souvent avec les films d'action post Jason Bourne, on passe généralement son temps à essayer de comprendre ce qui se déroule à l'écran. Le réalisateur suit en effet à la lettre le petit guide : "Comment faire le plus mauvais film quand on dispose d'un gros budget". Michael Bay, si souvent critiqué, sait au moins rendre une explosion spectaculaire. C'est la moindre des choses qu'on lui demande. Ici, West n'arrive même pas à ce strict minimum. Il ne filme absolument rien correctement, une honte. Enfin, aussi désastreux que les dialogues et la mise en scène, le jeu des acteurs donne envie d'arrêter le film pour se repasser les classiques de leur jeunesse pour se rappeler qu'il fut un temps où ils savaient être crédibles. Stallone marmonne, Statham fait du Statham, Lundgren grogne, Schwarzie is back (au cas où on n'avait pas compris la première fois), Willis est chauve et le reste fait de la figuration. Même le seul élément féminin du film ne parvient pas à créer une quelconque cohésion ou rivalité entre tous ces mastodontes. Le film baigne dans un esprit de camaraderie bon enfant mais sombre dans une ambiance arthritique et malsaine de maison de retraite, où l'on y parle adultère et Harley Davidson entre deux séances de torture. Glauque. Seul Van Damme parvient à tirer son épingle du lot, dans le rôle d'un méchant pervers et masochiste adepte des lames rutilantes et des lunettes de soleil. Avec son sourire carnassier et son allure de psychopathe, il bouffe littéralement l'écran de sa présence tel un Heath Ledger de série Z. On sent qu'il est ravi d'être là et de casser son image de héros défenseur de la veuve et de l'orphelin. Mais francophone d'origine, il se bat plus contre son accent que contre les autres protagonistes. Un casting en béton armé de super héros inarrêtables dans la peau de grandes gueules sans foi ni loi - The Avengers rencontre la Horde Sauvage. The Expendables 2 avait tout pour lui. Au final, il n'est rien. Des scènes d'action bruyantes filmées sans imagination, des dialogues niais et interminables, des personnages stéréotypés sans charisme, une musique tonitruante et sans âme. Il n'est ni le film d'action du millénaire (West n'as pas fait un film correct depuis 'Les Ailes de l'Enfer'), ni le grand retour de Sly et Arnie ('Arrete où ma mère va tirer' et la 'Course au Jouet' ont des scènes plus mémorables), ni une parodie du genre (les répliques sont plus proches de 'Batman Forever' que de 'Hot Shots'). Enfin - le plus douloureux et difficile à accepter - le nombre de stars à l'écran, qui auront incarné tant de personnages inoubliables, sont tournés en ridicule par des dialogues d'une pauvreté affligeante où l'émotion brille par son absence. N'est pas 'Inglorious Basterds' qui veut. Surtout, ce qui est impardonnable, c'est qu'il s'agit d'une suite - The Expendables DEUX. Simon West avait donc l'avantage du recul pour remédier aux défauts du premier film. Mais fidèle à lui même, il ne fait que s'enfoncer davantage dans la médiocrité sans nom. Jet Li prend le large avant que le navire coule. Willis et Schwarzie font de la pub pour les Smart mini. Van Damme, seul, rend certaines scènes respectables. Comme dirait Eli Wallach : 'Quand on tire, on raconte pas sa vie !' Note : *

mercredi 12 septembre 2012

Les Yeux sans Visage
Chirurgien de renom, le Dr. Genessier souhaite remodeler le visage de sa fille Christiane, rendue méconnaissable suite à un accident de voiture, mais pour cela il doit effectuer des greffes de peau qu'il aura prélevée sur des jeunes filles. A l'heure où le cinéma d'Horreur ne jure plus que par le Grand Guignolesque des 'Saw' et autres 'Hostel', il est parfois bon de se remémorer qu'il fut un temps où les cinéastes ne confondaient pas encore terreur extreme et simple dégout. Que ce doux frisson qui nous parcourt l'échine et nous cramponne à notre fauteuil est rarement lié au nombre de litres de sang versés à l'écran. Et surtout que manque de moyens n'est pas synonyme de manque d'idées. 'Les Yeux sans Visage' est un petit bijou d'esthétisme. De part la sauvagerie et l'atrocité du sujet, on aurait pu s'attendre à une débauche de gros plans grossiers et une ambiance putride et suintante, mais le film impressionne au contraire par la finesse et le classicisme de la mise en scène. La caméra, généralement fixe et en retrait, et le montage minimaliste ciselé au scalpel capturent avec attention chaque détail et chaque parcelle de dialogue mais sans jamais se faire trop présents. Si cet aspect quasi-documentaire rend les conversations naturelles (et parfois un peu théâtrales), il révèle tout son potentiel lors de la grande scène de chirurgie faciale. Etirant la séquence jusqu'à l'insoutenable, sans jamais détourner la caméra au moment fatidique, le réalisateur français Georges Franju crée une sensation viscérale de voyeurisme qui demeure bien après le générique. Il est difficile d'imaginer quel impact a eu la scène lors de la sortie du film en 1959 mais plus d'un demi siècle après elle n'a rien perdu de son efficacité. John Woo y rendra d'ailleurs hommage dans 'Volte/Face' quelques 30 ans plus tard. Le film est également une reprise élégante et habile du cinéma Gothique d'antan. On y retrouve en effet, les archétypes du genre, à commencer par le chirurgien méphistophélique, (Pierre Brasseur, machiavélique et imposant) aidé de sa fidèle assistante (Alida Valli, sourire meurtrier et accent à couper au couteau) qui pourchasse et capture de jeunes ingénues effarouchées pour ses expériences malsaines. On voit bien vite planer l'ombre des savants fous d'autrefois (Dr Moreau, Dr Mabuse, …) et autres comtes pervers et démoniaques. D'autant plus que les expériences du docteur ont servi à créer un monstre (référence évidente à Frankenstein et ses confrères) et que l'action se déroule principalement en huis clos dans un manoir éloigné de tout signe de civilisation. La scène où le docteur poursuit infatigablement la jeune fille dans les escaliers sur plusieurs étages est d'ailleurs un classique du genre. Sans oublier que visuellement, l'image est d'une beauté rare. Empruntant à la fois aux peintres surréalistes (la Mort au visage d'ange) et aux cinéma Expressionniste des années 20 (Edith Scob, ou 'les yeux les plus expressifs des Sixties' !), 'Les Yeux sans Visage' marie le macabre et le sublime avec un panache sans égal. Moins médiatisé que son contemporain britannique Hitchcock, Franju partage avec le Maitre, un goût prononcé pour un noir et blanc blafard, une mise en scène faussement dépouillée et un talent inné pour faire sursauter le public. Cependant, si Hitchcock maniait l'horreur à double tranchant, avec un plaisir certain pour l'ironie et le second degré, Franju n'offrira jamais au spectateur l'occasion de pousser un soupir de soulagement. Si les dialogues portent parfois à sourire, ce sera plus par leur aspect désuet que par une vraie volonté de distraire. Malgré le coté rocambolesque des situations, les personnages sont incroyablement vrais et humains - et non pas de vulgaires stéréotypes au service d'un gore à outrance - et le film conservera son réalisme glacial jusqu'à la dernière image. Et si le scénario en lui même n'est en soi pas révolutionnaire, Franju se délecte à nous le dévoiler au compte goutte et joue avec les non-dits pour nous laisser deviner ce qu'il ne nous montre pas. Et à ce petit jeu, il nous tient constamment à l'affut. La scène d'introduction est par ailleurs un modèle de narration muette. Bien moins connu du grand public que 'Psychose' et autres 'What Happened to Baby Jane ?', 'Les Yeux sans Visage' et la réponse gauloise au cinéma d'horreur anglo-américain psychologique des années 60. Encore aujourd'hui le film reste fascinant par son traitement sans concession d'un scénario diaboliquement pervers qui en d'autres mains aurait rapidement pu tourner à la série Z. La réalisation classique et le noir et blanc épuré accentuent le réalisme des effets spéciaux et nous plongent rapidement dans une terreur sans nom. Grace à une mise en scène minimaliste mais raffinée, Franju prend le temps de soigner chaque plan sans pour autant étouffer ses personnages, et son audace à toujours repousser les limites de la censure laisse pantois. Longtemps attaqué par la censure et aujourd'hui reconnu à sa juste valeur, 'Les Yeux sans Visage' est à classer parmi les plus grands titres du cinéma d'Horreur. Si sa réputation ne s'est faite qu'au fil des ans, son influence grandissante n'a cessé d'inspirer les plus grands cinéastes génération après génération. Si récemment Pedro Almodovar nous proposait un remake éloigné au script encore plus tordu ('The Skin I Live In'), on pourra également reconnaître les mythiques masques inanimés des tueurs de 'Halloween' et de 'Scream' comme des lointains cousins du masque d'argile emblématique du film. Note : ****

vendredi 22 juin 2012

Prometheus

Carapace reptilienne faite d'acier et d'ossements, queue fourchue squelettique fouettant l'air, membres émaciés et griffus, crâne dénué de vision, doubles rangées de dents acérés comme des poignards et mâchoire interne rétractile et baveuse. Avec ses caractéristiques physiques uniques, l'Alien fait partie des icônes inoubliables de la science-fiction. Mais si sa renommée demeure, c'est plus pour son design légendaire que pour les innombrables films qui l'ont engendré. Alors que le film original de Ridley Scott et la digne suite de James Cameron continuent de marquer les esprits pour leur qualité indéniable, les volets suivants de ce qui se vaut aujourd'hui comme une Quadrilogie ne cesseront de décevoir le public et les critiques. En effet même si Alien 3 et Alien : Résurrection instaurent tous deux une ambiance poisseuse et glauque du plus bel effet, ils demeurent bien en deçà de leurs prédécesseurs. Et le coup fatal sera porté par les déplorables cross-over Aliens VS Predators, qui dans un élan d'auto-satisfaction commerciale (rendre les films accessibles aux plus jeunes en édulcorant la violence) parviendront à détruire deux des plus grandes licences du cinéma. Pourtant, les fans de la première heure demeurent et restent fidèles aux premiers films, espérant en vain une suite digne de ce nom. Mais quand les plus grands réalisateurs contemporains – Fincher et Jeunet – et les moins grands – W.S. et les Frères Strause - ne parviennent pas à renouveler la série. Peut être serait il plus sage de laisser la bête reposer en paix une bonne fois pour toute en hibernation cryogénique. Cependant, quand Ridley Scott annonce qu'il va reprendre le flambeau, l'intérêt est de taille mais les enjeux aussi. Car si le père fondateur de la saga est bien entendu le mieux placé pour développer un univers qu'il a lui même créé, s'il échoue dans sa tache, personne n'y parviendra. En revanche, si le réalisateur décide bien de reprendre l'univers d'Alien, il clame haut et fort que la créature lui même n'apparaitra pas. La déclaration fait l'effet d'une supernova, la curiosité et l'attente du film sont à leur paroxysme, d'autant que Scott ne laisse filtrer les informations sur le scénario qu'au compte goutte. On y apprend que le film sera écrit par Damon Lindloef, le créateur de Lost, pour qui mysticisme rime avec pessimisme, qu'il sera un préquel de la saga et qu'il y serait question de l'origine de l'humanité. Rien que ça. Avec un réalisateur solide, un scénariste brillant et spécialisé dans les rebondissements dramatiques, une histoire alléchante et innovante, Prometheus est rapidement devenu l'un des films les plus attendus de ces dix dernières années. Et si le célèbre xénomorphe brille par son absence, le film lui même s'annonçait comme un monstre en puissance, prêt à écharper vif ses concurrents du box office. Autant dire qu'avec des attentes aussi élevées, plus haute sera la chute. En 30 ans de carrière, Ridley Scott a bien changé. A la base réalisateur de publicités pour le petit écran, la patte du cinéaste est avant tout visuelle. Entre les couloirs étroits et enfumés d'Alien, les toits de Blade Runner, baignés par la pluie et les néons, ou encore les déserts brulants de Gladiator et Black Hawk Down, dévastés par un soleil de feu, ses meilleurs films ont tous une forte identité visuelle. Mais pour exister, le réalisateur a besoin d'espace et d'une histoire riche en mouvements. Au contraire, quand il s'essaie à des thèmes plus intimistes, comme les tribulations viticoles d'un homme d'affaire dans le Sud de la France (Une belle Année), l'histoire qu'il raconte possède autant de subtilité qu'un char d'assaut sur un périphérique. La vue y est certes impressionnante mais on fait principalement du sur-place et la liberté d'action est plutôt restreinte. Étonnamment, Prometheus regorge d'environnements grandioses et de couloirs ténébreux, propices à une grande richesse visuelle, mais l'histoire elle même aurait nécessité un doigté plus important. Et c'est là que le réalisateur se mélange les pinceaux. A ne jamais savoir s'il doit se restreindre dans les moments les plus intimes ou se lâcher complètement pour nous en mettre plein la vue, il fait dans la demi mesure et s'englue dans une identité totalement neutre et dénuée de sens artistique. Et de ce fait, aussi terrifiantes que soient les situations, l'horreur nous échappe complètement. Quand le Alien original nous cloue au siège par ses moments de terreur brusques en nous noyant dans une atmosphère étouffante et claustrophobique, Prometheus nous ennuie avec des descriptions interminables de lieux souterrains, entrecoupées de rares scènes choc, involontairement grotesques et de mauvais goût. D'une part la platitude de la mise en scène ne parvient jamais à mettre en valeur la magnitude des décors (au design primaire mais intéressant), de l'autre il tente de nous réveiller brutalement avec des moments d'une rare violence mais qui, au lieu de la patte de rhinocéros du cinéaste, auraient bénéficié d'une tension plus soutenue à la manière d'un John Carpenter. Il est d'ailleurs à noter que les deux meilleures scènes du film (l'attaque des infectés brulés au lance flamme et la séquence finale où l'héroïne se retrouve dans le vaisseau dévasté, à moité aveuglée par les câbles électriques qui grésillent autour d'elle) sont des références faciles à l'univers angoissant de Carpenter (The Thing et le jeu vidéo Dead Space, dont les monstres sont une référence directe). Enfin, s'il ne serait pas honnête de reprocher au réalisateur l'absence de l'Alien, elle se fait cruellement sentir car les monstres du film sont loin de bénéficier d'une touche artistique aussi approfondie. La patte de H.R. Giger est définitivement de l'histoire ancienne et toutes les tentacules en images de synthèse du monde ne sauraient faire oublier un design réussi. Plus important encore, la rareté de leurs apparitions est d'autant plus marquante que ces créatures ne représentent pas une réelle menace pour les protagonistes, car dénuées de but concret. Les héros se contentent généralement de fuir sans savoir exactement ce qu'il se passe. De même si le scénario cherche réellement à être intelligent, il prend trop de temps à attirer les premiers rebondissements pour nous tenir captivés et s'embourbe rapidement dans un fourre-tout artistique où la moitié de l'histoire demeure inexplorée et sans résolution. De plus si le film développe effectivement un lien intéressant avec la saga originelle, les connections se font aléatoires et de manière paresseuse. Là où la plupart des références sont des indices essentiels pour comprendre l'origine mythologique de la série, les autres sont de simple clins d'oeil pour les fans, sans véritable intérêt scénaristique. Il est également dommage que pour un film qui traite du sujet crucial de la naissance de notre espèce, autant de questions demeurent sans réponse et que les scénaristes se contentent de nous ressortir les grosses ficelles du blockbuster américain bas de plafond lorsqu'ils se retrouvent dans une impasse. Lindloef nous apporte la boîte de Pandore dans un écrin d'argent, prend tous les soins du monde à l'ouvrir délicatement et donne ensuite un grand coup de pied dedans pour en déverser le contenu. Et ce n'est pas le casting qui sauvera le film. Malgré la présence de nombreuses têtes d'affiche, les personnages n'ont aucun charisme, alignent des dialogues emplis de clichés, et les acteurs qui les incarnent sont totalement en roue libre. Michael Fassbender fait un androïde au gestes mesurés et au regard inquiétant mais le potentiel de son personnage est bien en deçà de ses compétences d'acteur, Charlize Théron joue une femme indépendante et autoritaire sans pour autant parvenir à lui donner un peu d'humanité (à l'inverse de ses rôles dans Monster ou Snow White and the Huntsman) et meme Guy Pearce sous une tonne de maquillage n'arrive pas à faire mieux que du Guy Pearce sous une tonne de maquillage. Malgré leurs capacités, les acteurs ne parviennent jamais à s'effacer derrière leur personnage ce qui nous empêchent de s'attacher à eux. Du coup, les protagonistes tombent comme des mouches sans pour autant nous faire verser la moindre larme. Leur sacrifice nous laisse de marbre. L'ambiance du film en est vite réduite à peau de chagrin. Et bien que Noomi Rapace a subjugué les foules dans la peau de la punkette hackeuse de la trilogie The Girl With the Dragon Tattoo, prouvant qu'elle sait jouer les femmes fortes et volontaires, elle ne pourra jamais faire oublier la performance de Sigourney Weaver, qui reste au même titre que la créature, l'égérie de la saga. Si Prometheus cherche à révolutionner l'origine de l'humanité, il ne révolutionne certainement pas le genre de la SF. Filmé dans un style outrancier alors qu'il aurait mérité plus de finesse, écrit de manière pompeuse à défaut d'intelligente, joué sans vraie conviction par des acteurs de renom, Prometheus manque à la fois d'intérêt, d'ambiance et de rythme. Le film soulèvent de multiples interrogations mais se contente de les laisser trainer jusqu'à une fin ouverte d'une platitude affligeante. En voulant créer une origine à la saga qu'il a lui même débuté, Ridley Scott rejoint son confrère George Lucas dans le club des « c'était mieux avant ». Espérons qu'il ne décide pas d'en faire une trilogie. Note : *

lundi 4 juin 2012

Snow White and the Huntsman

Dis maman, tu me racontes une histoire? Ce qu'il y a de bien avec les contes pour enfants, c'est leur portée universelle. C'est le fait que chacun puisse se laisse guider par son imagination fertile pour visualiser et mettre en scène une histoire racontée selon son propre ressenti. Il est d'autant plus intéressant que notre perception de ces mythes et légendes de nos enfances se distord avec le temps. L'âge aidant, les contes de fées perdent peu à peu leur innocence et on se rend compte alors que le pays merveilleux de Lewis Carrol tient moins des rêves apportés par le marchand de sable que des trips au LSD, et que des auteurs tels que les Frères Grimm nous entrainent dans un univers bien plus noir et glauque que Disney le laisse entendre. Prenez Blanche Neige par exemple. En dehors d'une jouvencelle naïve et mièvre, allergique à la pectine qui chante avec les oiseaux et d'une demi douzaine de petits barbus asexués, pour qui crever de sueur en martelant des murs avec une pioche de l'aube au coucher du soleil est aussi plaisant que d'aller à la pêche, on y parle quand même d'une vieille mégère suffisamment jalouse pour demander qu'on lui rapporte le cœur de sa rivale tout chaud sur un plateau. Aujourd'hui, on la mettrait dans la cellule voisine d'un type qui déguste le foie de ses congénères avec un excellent chianti. En d'autres termes, si l'on occulte la version dessin animé de notre enfance, le potentiel horrifique du conte de Blanche Neige nous saute tout de suite au visage. Et les cinéastes n'ont pas attendu la mode actuelle des héros « dark » et gothiques pour s'approprier l'histoire de la pauvre cruche et de la pomme empoisonnée et en tirer une version plus adulte. Certains se souviendront peut-être du film «Snow White, a tale of terror » avec une Sigourney Weaver machiavélique dans le rôle de la reine cannibale. Si le film reste décevant à bien des égards, il offrait une atmosphère sordide et poisseuse qui contrastait assurément avec la version commerciale que tout le monde connait. On pourrait également citer une autre version pour adultes, mais passons... Côté Hollywood, on assiste actuellement à un manque flagrant de nouveauté au niveau des sorties. Plutôt que de risquer quelques billets verts dans des histoires inédites, les gros producteurs se jettent sur toutes les adaptations possibles pour les porter sur grand écran avant leurs concurrents. Comic books, séries de romans à succès, jeux vidéo, remakes et suites interminables s'enchainent sans répit depuis déjà quelques années car il est toujours plus aisé d'attirer un grand public qui baigne déjà dans un récit qu'il connait que de lui demander de sauter le pas vers l'inconnu. Après le carton au box office de la version d'« Alice au pays des Merveilles » de Tim Burton, apprêtez vous donc à voir débarquer des contes de fée next gen comme s'il en pleuvait. Comble du ridicule, ce n'est pas une mais deux adaptations de Blanche Neige qui prennent d'assaut les écrans, et ce le même mois. Ce qui montre bien à quel point le 7ème art commence vraiment à tourner en rond. Cependant, si les deux films mettent bien en scène les mêmes personnages, leur réalisateur respectif démontre une approche qui leur est propre et qui ne saurait être plus opposée. Quand le « Mirror, Mirror » de Tarsem s'englue dans l'humour bon enfant et les couleurs pastels et se destine à un public enfantin, « Snow white and the Huntsman » propose une relecture du conte bien plus violente et ancrée dans une ambiance d'héroic fantasy à la Seigneur des Anneaux. Avec son parti pris plus réaliste, « Snow white and the Huntsman » aurait pu donner naissance à une œuvre tragique et sanglante à la maturité assumée. Mais le film étant avant tout un produit de consommation calibré pour adolescents (qui se rueront en masse pour voir la nouvelle aventure de l'héroine de Twilight), les dialogues sont loin de briller par leur intérêt. Cependant, on pourra noter une absence d'humour assez inhabituelle pour le genre. Si le film se force parfois à nous faire esquisser un sourire, il demeure empreint d'une tension et d'un sérieux assez rafraichissants. Mais malgré tout l'histoire elle même demeure au final assez conventionnelle. Les grandes lignes sont respectées et laissent peu de place à la surprise : fuite de Blanche Neige dans la foret, découverte des nains, pomme, baiser mortuaire (bande de nécrophiles!) et restauration de la paix dans le royaume. Tout comme la pomme, rien de bien nouveau donc à se mettre sous la dent. C'est d'ailleurs là le point faible du film. A connaître la fin de l'histoire avant même que le film ne démarre, on n'accorde que peu d'attention aux menaces potentielles qu'affronte l'héroïne car on la sait sans danger. Et à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. D'autant que si les personnages sont nombreux, leur développement personnel laisse parfois à désirer. Si la reine à droit à un flash back touchant dévoilant l'origine tragique de ses pouvoirs maléfiques, les nains auraient sans doute mérité plus que quelques gros plans et une poignée de lignes de dialogues chacun pour permettre de mieux les différencier. Néanmoins, en dehors de certains passages poussifs, la narration se déroule sans à coup et l'on se prend rapidement à suivre les péripéties de nos héros. Surtout que le casting, lui, est de qualité. Si Kristen Stewart peine à nous faire ressentir ses émotions, elle démontre une certaine assurance qui lui donne du charme. Chris Hemsworth, bourru mais charismatique, confirme tout le bien que l'on pense de lui depuis « Thor » et ne se contente pas de simplement troquer son marteau contre une hache. Si l'on ressent fortement le manque de présence des nains, c'est qu'ils sont tous joués par des acteurs de renom (Bob Hoskins, Ray Winstone, Toby Jones, Nick Frost...) et on apprécie vraiment leur compagnie. Mais on retiendra surtout la performance à la fois sauvage et glaciale de Charlize Théron. Sa reine démoniaque et sadique, obsédée par son désir de beauté éternelle tient autant de la belle mère impérieuse de Disney que de la comptesse Bathory. Une vraie sorcière de cauchemar. Pourtant l'actrice réussit à saisir parfaitement les nuances du personnage et parvient même à nous faire éprouver de l'empathie pour cette femme rendue folle (le fameux miroir au mur n'est qu'un fragment de son esprit dérangé) par sa poursuite éperdue vers une jeunesse qui ne cesse de l'abandonner. Mais plus que pour l'histoire elle même, c'est par son aspect purement visuel que le film impressionne réellement. On pourrait reprocher au réalisateur d'accumuler des références évidentes aux plus grands titres de la Fantasy moderne. C'est bien simple on commence avec une charge héroïque dans le brouillard (« Gladiator »), on continue avec une poursuite en foret entre Blanche Neige sur son cheval blanc et des cavaliers noirs («  La Communauté de l'Anneau ») qui se termine quand le cheval s'enfonce dans les marécages (« L'histoire sans Fin »), on découvre ensuite le monde caché des êtres de la foret - dont un cerf majestueux (« Princesse Mononoké ») et on finit en chevauchant à bride abattue sur la plage sous les volées de flèches et d'artillerie lourde (« Robin Hood »). Sans oublier des armures étincelantes pour les héros empruntées à « Excalibur » et les costumes d'ébène de l'armée de la reine sortis tout droit de « Willow ». Mais si « Snow white and the Huntsman » ne ressemble pas à un patchwork sans âme qui se contente de compiler les meilleurs moments d'autres films, c'est parce que le cinéaste s'est entouré d'une équipe artistique remarquable qui gratifie le film d'un design exceptionnel. Le réalisateur parvient à créer un monde à la fois lumineux et empli de ténèbres, réaliste et féérique où l'on y croise les créatures les plus enchanteresses et les plus terrifiantes. Sans oublier de nous plonger au coeur de batailles saisissantes. En effet, le mot action n'est généralement pas le mot qui nous vient à l'esprit lorsque l'on pense à l'histoire de Blanche Neige, mais ici elle est partie intégrante du scénario. Les affrontements subissent malheureusement le phénomène de la caméra parkinsonienne, mais le film offre de sacrés moments de bravoure. Et si le sang coule peu (jeune public oblige), les combats n'en restent pas moins brutaux et spectaculaires. Quant à la musique, à défaut de bénéficier d'une approche artistique aussi originale que le travail visuel, elle accompagne efficacement l'action et les moments les plus intimistes. « Snow white and the Huntsman » est une agréable surprise. Porté par un casting de haute volée et une approche plus dramatique que d'accoutumée, le film brille surtout par une direction artistique inquiétante et envoutante. En dépit de quelques défauts flagrants, il possède un souffle épique indéniable et, pour une relecture modernisée du genre, pourrait bien s'avérer comme la plus fascinante adaptation du célèbre conte des Frères Grimm. Et surtout, personne ne chante. Note : ***

vendredi 18 mai 2012

The Raid

The Raid
Membre d'une unité de policiers d'élite, Rama débarque au pied d'un immeuble délabré. Sa mission : capturer le baron de la drogue dans son QG. « Aargh! », « Ough! », « Ow!», « Gnnn! » ; ambiance sonore classique d'un film d'action. Fait étrange, cette fois ce ne sont pas les acteurs du films qui poussent des grognements de douleur, mais les spectateurs de la salle de cinéma. C'est que dans le film les combats font mal. Très mal. Assez mal pour que, assis confortablement dans les fauteuils de la salle obscure, on puisse ressentir la douleur des comédiens à travers nos propres muscles et os. « The Raid », le film qui vous apprend l'empathie. Vers le début du nouveau millénaire, et après le succès colossal de Matrix et de ses chorégraphies câblées d'inspiration clairement liée au cinéma asiatique, les artistes de l'Orient, bercés dans les arts martiaux depuis leur naissance, ont alors connu un essor et une renommée qui étaient alors réservés à une élite américaine. Jackie Chan et Jet Li, associant avec une maitrise rare leurs connaissances martiales et des acrobaties rendues possibles par la technique moderne, ont alors déboulé sur le marché occidental. Mais sans mettre en faute leurs talents respectifs, les deux stars n'ont que rarement su offrir des films d'action digne de leur valeur. Et si Jet Li est passé maitre dans les affrontements en saut à l'élastique sur fond d'écran vert, Jackie Chan s'est singularisé dans la comédie burlesque où les coups portés relèvent plus du film muet à la Charlie Chaplin que du combat de rue à la Bruce Lee. Difficile donc de s'identifier à de telles personnes, qui évoluent dans un univers qui leur est propre et bien loin de notre quotidien. En 2003, le monde du film d'action se tourne brusquement vers la Thaïlande et « Ong Bak », qui font de Tony Jaa la nouvelle star incontestée de la castagne sur grand écran. Cette fois fini les câbles, les grosses explosions en images de synthèse et les écrans verts. En mettant en valeur de manière spectaculaire un art martial traditionnel local et en n'utilisant jamais de doublure, Tony Jaa nous offre des affrontements fracassants et brutaux où les os craquent et les muscles se déchirent pour de vrai (le générique final dénombre plus de cascadeurs que d'acteurs). Un ultra-réalisme saisissant qui met un grand coup de pied retourné dans la fourmilière. Cependant en raison de son anglais limité, Tony Jaa ne fait pas carrière aux USA comme ses prédécesseurs. Et son succès s'arrête là. Mais l'idée est lancée : le salut viendra de l'Est. C'est ce qu'a du se dire le réalisateur britannique Gareth Evans quand il a rencontré Iko Uwais en Indonésie. Et après « The Raid » nul doute que l'acteur va faire parler de lui. Presque 10 ans après Tony Jaa, Evans a finalement trouvé la relève. Non content de faire preuve d'une panoplie d'attaques à faire pâlir un personnage de jeu vidéo, Uwais s'avère aussi à l'aise que pour le combat à mains nues, à l'arme blanche ou à feu. Et surtout il déploie une ingéniosité surprenante quand, entouré d'adversaires, il n'hésite pas à utiliser mobilier et accessoires divers pour se débarrasser de ses agresseurs. Il transforme rapidement chaque pièce de l'immeuble en véritable arène de combat, où non seulement tous les coups sont permis mais sont encouragés. Bien loin de la vulgaire chair à canon anonyme qui ne fait généralement que ralentir la progression du héros avant le bad guy final, chaque ennemi est une menace sans appel qu'il faut éradiquer sans perdre un instant. Les combats sont donc expéditifs sans pour autant être brefs. Non seulement les combattants démontrent une férocité fulgurante, mais les coups portés sont d'un réalisme choquant à vous faire déchirer les accoudoirs en serrant les poings. Mais c'est l'effet de surprise qui l'emporte et réjouit le plus. Du coup, décrire les combats du film reviendrait à en gâcher la valeur. La baston est donc le gros point fort du film. Mais l'esthétique n'est pas en reste. Alors que la plupart des sorties récentes se ressemblent et se rassemblent, privilégiant des combats filmés avec une caméra parkinsonienne et un montage frénétique sans âme, on appréciera d'autant plus le choix du réalisateur de sublimer l'action par des plans séquence de qualité et une bande son au synthe rythmée et imposante. Il ne laisse ainsi échapper aucun détail, aussi sadique et douloureux soit-il, et les affrontements dévoilent une énergie communicatrice qui vous tient aux tripes jusqu'à la fin du générique. Une pure injection d'adrénaline. Toujours en matière d'esthétique, on saluera également les influences du réalisateur. Couleurs blafardes ou glacées, environnements restreints et exigus, contre plongées anguleuses, ombres inquiétantes et ambiance sonore étouffante, Evans renoue avec élégance avec le cinéma de John Carpenter, figure phare du cinéma fantastique des années 70, avec un plaisir non dissimulé. A plusieurs reprises, le film dénote d'ailleurs de fortes ressemblances avec l'univers visuel de « Nid de Guêpes » du français Florent Emilio Siri, remake avoué de « Assaut » de ledit Carpenter. C'est justement ce qui frappe le plus dans le film. A des années lumières du cinéma d'action factice Hollywoodien moderne et de l'exubérance graphique des productions asiatiques, le film se déroule dans une atmosphère à la fois froide et sobre, qui tient davantage d'une esthétique européenne (Evans est Gallois), dont Carpenter - bien qu'Américain - se revendiquait d'utiliser. Et lorsque l'action survient, l'impact en est d'autant plus redoutable que les scènes se déroulent dans un environnement crédible et palpable. Nombreux et variés, les combats ont néanmoins la bonne idée de ne pas s'éterniser – à une exception près. Et lors des moments plus calmes, on profite alors d'un jeu d'acteur plus que crédible pour le genre. Et si les dialogues surprennent moins que l'action, ils ont le mérite de faire avancer une intrigue assez riche en rebondissement et de développer les personnages, bien moins stéréotypés que ce genre de production offre généralement. Si vous êtes lassés des films d'action Hollywoodiens sans saveur et des combats câblés matrixiens, ne passez surtout pas à coté de ce pur concentré de violence à la fois réaliste et décomplexée. En offrant des sensations et des sueurs froides à vous faire remonter votre déjeuner, « The Raid » entre directement au panthéon des plus grands films d'action, tous continents confondus. Note : ****