dimanche 20 septembre 2009

Un ticket pour deux




Neal, un cadre un tentinet stressé, veut se rendre à Chicago pour passer les fêtes de fin d'année en famille.
Très vite, les choses se compliquent : son taxi pour l'aéroport est volé, l'avion est bondé puis détourné et pour finir il se retrouve accompagné contre son gré, par Del, un énergumène peu banal.





John Hugues c'est le pape de la comédie intelligente pour ados des années 80.
La plupart de ses films (« Sixteen Candles », « La folle journée de Ferris Bueller », « Breakfast Club ») sont devenues de véritables oeuvres cultes au cours des années pour un grand nombre d'afficionados.
Il est également responsable de bon nombre de scénarios de films « pour enfants » dont l'un des plus connus reste « Maman j'ai raté l'avion ». Bref, c'est une pointure dans son domaine.
Aux premiers abords, ses films n'ont rien de vraiment original mais en y regardant de plus près, ils ont sincèrement quelque chose d'unique : un équilibre idéal de burlesque et d'émotion, saupoudré d'un zeste de réflexion.


« Un ticket pour deux » est de cette trempe.
L'histoire du type bien sur lui obligé de supporter un gros lard nuisible et maladroit a déjà été racontée des dizaines de fois.
Et de ce fait, le film fonctionne lui aussi sur le principe éculé mais toujours efficace de deux personnalités antagonistes qui doivent cohabiter malgré eux.

Seulement, la comparaison s'arrête là. Une comédie basique aurait enchaîné les situations loufoques et embarassantes, attendant l'inévitable « quart d'heure émotion » final pour que les personnages se disent enfin leurs quatre vérités et apprennent enfin à accepter leurs différences.
Dans « Un ticket pour deux », on n'échappe pas à la-dite scène, à la différence près qu'elle situe dans la première demi heure du film.
Le règlement de compte résolu quasiment dès le départ, le film prend rapidement une nouvelle tournure et se permet de sortir des sentiers battus.


Pour nos deux huluberlus, l'intérêt ne se résume plus alors à supporter son prochain mais bien à faire face ensemble aux multiples embûches qui vont croiser leur chemin.
Le titre original (« Planes, trains and automobiles ») est ainsi plus explicite car pour rentrer chez eux Neal et Del vont devoir redoubler d'astuce et de patience pour pouvoir profiter des nombreux moyens de transport mis à leur disposition.
Problème ; quoi qu'ils fassent, il faut toujours qu'une tuile leur tombe sur le coin de la tête : quand ce n'est pas l'avion qui est retardé, c'est le train qui tombe en rade ou la voiture qui... mais chut.
Sans oublier que sans argent, difficile d'avoir accès à toutes ces merveilles de technologie et encore plus de garder sa bonne humeur...


Le scénario de Hugues regorge de dialogues truculents (l'inoubliable séquence de la location de voiture!) et de moments absoluments hilarants.
Les mésaventures de Neal et Del surprennent très souvent par leur originalité et leur côté « gros manque de bol » assumé (mention spéciale à la scène de la parka dans la voiture). Mais ce n'est pas pour autant que Hugues oublie la côté humain du voyage.
Neal et Del se détestent mais, bien évidemment, vont apprendre à se connaître et faire fi de leurs différences, car au final ce qu'ils critiquent chez leur compère les renvoie insidieusement à leurs propres défauts...


De même que le script, la réalisation fait preuve d'originalité, notamment dans l'emploi des musiques. C'est d'ailleurs une marque de fabrique de Hugues que d'employer un morceau rythmé et ferme pour suggérer un duel mental entre deux personnages (la scène du taxi ou du lit ).
Mais malgré toutes les qualités du film, il n'aurait pas fait long feu sans deux comédiens de taille pour incarner les deux individus. Heureusement, Steve Martin, tout en cynisme et sourire pincé, et John Candy, chaleureux mais encombrant, s'en sortent agréablement.
Sans faire d'étincelles, ils forment un duo atypique, grotesque mais attachant, chacun jouant au mieux de ses mimiques faciales. Ainsi Steve Martin se mue en véritable pile électrique sur pattes, quant au formidable John Candy, son rire communicatif nous va droit au coeur.
Toujours au niveau du casting, on reconnaitra les vieux habitués de la « John Hugues's production » dont Edie McClurg et Ben Stein. Sans oublier Kevin Bacon qui fait une apparition courte mais amusante.



Pour résumer, si « Un ticket pour deux » n'est pas le meilleur film de John Hugues (
quelques baisses de rythme viennent entacher le tableau) cela ne l'empêche pas de rester une comédie fort distrayante qui offre de belles scènes de comédie pure, des dialogues savoureux et des personnages aussi opposés qu'attachants.

Note : ***

Aux Frontières de l'Aube



Caleb, jeune paysan de l'Arizona, essaie de séduire Mae en l'emmenant faire un tour dans son pick-up. Au fur et à mesure que la nuit s'étire, Mae se fait de plus en plus mystérieuse quand son baiser se transforme en morsure...



Que ce soit dans la littérature fantastique ou le cinéma, le vampire a toujours été la figure la plus représentée. A la différence de ses confrères (la momie, le monstre de Frankenstein...), il a su s'adapter aux différentes époques qu'il traverse pour que sa légende puisse perdurer.
Au cinéma, après la grande époque de la Hammer, le mythe du vampire s'est essouflé en raison d'une overdose d'adaptations. Son image de séducteur décadent enrobé dans sa cape rouge et noire ne fait plus illusion : il est temps d'apporter un peu de sang neuf.
Au cours des années 80, débute alors l'ère du « néo-vampirisme », en opposition au classicisme des années précédentes dont « Aux Frontières de l'Aube » est l'un des fers de lance ; bien avant les « Blade » et autres « Underworld ».

Le vampire est désormais un de nos contemporains. Il ne vit plus reculé dans son ancienne demeure mais se pavane dans les rues lorsque le soir arrive.
Le blouson de cuir et le style punk ont remplacé les costumes élégants de l'époque victorienne. Place à la nouvelle génération!
S'il reste toujours cette bête assoiffée de sang, les moyens d'antan pour se débarasser de lui ont singulièrement changé. Les gousses d'aïl, les crucifix et l'eau bénite ne sont plus d'actualité (sauf dans « Une Nuit en Enfer » de Robert Rodriguez où ils sont intelligemment détournés...).
En revanche, une constante demeure : son incapacité à se déplacer au grand jour.



C'est donc entre tradition et modernité que s'annonce le film de Kathryn Bigelow.
Kathryn Bigelow, un nom qui en rappelle un autre : James Cameron. En effet, mariés pour un temps, ils se sont découverts un intérêt commun pour le cinéma d'action et leurs films possèdent une esthétique assez similaire.
Et plus que « Dracula » et autres « Nosferatu », c'est plutôt à « Terminator » que le film de Bigelow fait penser.
L'ombre de Cameron, omniprésente, plane bel et bien sur le long métrage : même éclairage nocturne aux néons, même ambiance poisseuse et inquiétante, même ésthétisme sombre et prononcé (le directeur de la photo est le même que dans les Terminators de Cameron)...De même, on retrouve chez la réalisatrice la même empreinte visuelle que celle de son futur mari, tant au niveau des cadrages affinés que dans la puissance viscérale des scènes d'action. Sans oublier que les deux films font intervenir l'explosion d'un camion citerne à la fin...



Bigelow accorde un attachement particulier aux scènes d'action. Malgré un budget visiblement limité, elle parvient, grace à un travail habile effectué sur le montage et des effets spéciaux de grande qualité, à nous en mettre plein la vue et nous choquer à la fois. Car chez Bigelow comme chez Cameron, la violence fait mal : gorge tranchée à coup d'éperon, poignard planté dans la bouche et impacts de balle qui laissent des trous béants dans les corps, la puissance visuelle des affrontements préfigure ceux de « Point Break » (autre film de Bigelow).
Quant aux vampires, si c'est le plus souvent une immolation par le feu qui en viendra en bout, la réalisatrice offre quelques séquences qui redoublent d'inventivité comme cette remarquable fusillade où ce ne sont pas les balles qui blessent les vampires mais les rayons de lumière filtrés à travers les trous laissés par les rafales.


Mais en dehors de l'action pure le film possède de nombreux atouts, à commencer par son scénario. Toujours entre tradition et modernité, Bigelow (qui a aussi écrit le script) reprend cette idée du vampirisme comme transmission d'une maladie.
Si à l'époque de Bram Stocker les symptomes dues au morsures du buveur de sang s'apparentaient à la syphilis et autres maladies vénériennes, époque contemporaine oblige c'est à la consommation de drogues dures que « Aux Frontières de l'Aube » fait référence.

Et à l'image de la drogue ou des insectes qui se nourissent de sang (rien d'innocent à ce que la première image du film soit un gros plan sur un moustique), le vampire reste éternellement prisonnier de sa dépendence (qui se traduit à l'écran par les cercles -le vélo- qui ne cessent de tourner) et se nourrit avant tout pour survivre. Or pour se nourrir, il n'a qu'une solution : tuer. Parmi les personnages du film il y a alors ceux qui n'osent pas commettre de meurtre et ceux pour qui c'est devenu le passe temps favori et qui s'y emploient avec délectation.
C'est à ce moment que le film dévoile tout son potentiel : amoureux de Mae, Caleb doit choisir entre rester avec elle (et accessoirement la bande de dingues qui l'accompagne...) et se nourrir à sa façon ou retourner chez lui sachant qu'il ne pourra plus vivre normalement.

Mais plus que le scénario ce sont les personnages eux-mêmes qui méritent le détour.
Chacun bénéficie d'une personnalité unique et crédible, d'une vraie profondeur morale et de dialogues remarquablement bien troussés que l'on doit à Eric Red (« The Hitcher »), co-scénariste du film qui prouve une fois de plus son incroyable talent pour écrire une histoire aussi sombre que les personnages sont charismatiques.

A l'image de « The Hitcher » et « Terminator », « Aux Frontières de l'Aube » possède une ambiance incroyablement prenante. Aux multiples effets de lumière vient s'ajouter une bande son rythmée et atmosphérique qui souligne à la fois le côté frénétique de l'action et la poésie visuelle du film. Mais si « Aux Frontières de l'Aube » est bien un film de vampires, il se permet plusieurs incursions dans des genres différents.
Le film se déroule comme une enquête policière et réserve son lot de courses-poursuites comme tout polar qui se respecte mais il reprend également des éléments du western (le héros qui monte à cheval, les grandes étendues, les révolvers et les éperons de Severen, le règlement de compte dans la ville...), sans oublier les différentes références au monde vampirique. En brassant ainsi les genres, le film ne perd pas de sa personnalité mais au contraire s'en retrouve grandi.

Enfin, on ne pourrait parler du film sans évoquer son excellent casting. Ici aussi l'influence de Cameron est flagrante puisque l'on ne retrouve pas moins de trois des acteurs qu'il a (ou va) employer : Lance Henriksen (« Aliens », « Chasse à l'Homme ») dont le physique particulier lui donne l'occasion d'incarner un méchant remarquable et sadique, Jenette Goldstein et son regard incendiaire (que l'on retrouvera en mère adoptive de John Connor dans « Terminator 2 »), mais surtout Bill Paxton.

Ce dernier est un des grands fidèles de Cameron puisqu'il apparaît dans la quasi-totalité de ses films et c'est lui la révélation incontestable du film de Bigelow.
Fascinant mélange de rock star à la dérive et de pistolero sadique, son personnage ne rate jamais une occasion pour lancer une réplique savoureuse tout en se montrant implacable dans ses agissements. Tout en sarcarsmes et bestialité pure, Paxton fait de Severen le personnage le plus charismatique du film. A ses côtés, l'acteur qui interprète Caleb demeure presque insignifiant...



S'il reprend les principaux caractéristiques du film de vampire, « Aux Frontières de l'Aube » reste ancré dans la modernité et se décline comme un marriage sanglant en polar musclé et western urbain. En dépit de quelques rares défauts (souvent dus à la limitation du budget), le film de Bigelow s'impose comme une excellente révision du mythe du vampire, intelligemment écrit, admirablement interprété par un casting de haut niveau et filmé de main de maître.
Sang pour sang efficace!

Note : ***