jeudi 28 mai 2009

Jusqu'en Enfer


Christine Brown, spécialiste en crédit immobilier, vit à Los Angeles avec son petit ami, le Professeur Clay Dalton. Tout va pour le mieux jusqu'au jour où la mystérieuse Mme Ganush débarque à la banque et la supplie de lui accorder un crédit supplémentaire pour sa maison. Christine hésite entre la compassion et la pression de son patron, Mr Hicks, qui la voudrait plus ferme avant de lui octroyer une promotion. Fatalement, Christine choisit sa carrière, même si sa décision met Mme Ganush à la rue. Pour se venger, la vieille femme jette la malédiction du Lamia sur Christine, transformant sa vie en un véritable cauchemar...





Après avoir fait planer l'homme araignée dans la stratosphère du box office pendant 3 épisodes, Sam Raimi effectue un retour aux sources et replonge avec délice dans l'horreur burlesque, genre qui l'avait fait connaître avec la trilogie des "Evil Dead". Le scénario de "Jusqu' en Enfer" est d'ailleurs assez similaire à celui de la fameuse trilogie puisque dans les deux cas on y parle de sorcellerie, de possessions démoniaques et de malédictions. Rien d'étonnant puisque le-dit scénario a été en réalité écrit juste après "L'Armée des Ténèbres".
Alors "Jusqu' en Enfer", un "Evil Dead 4" potentiel?



Si on devait comparer "Jusqu' en Enfer" à l'un des "Evil Dead" ce serait bien le tout premier : c'est le seul où l'horreur pure se marie avec la comédie, les autres épisodes demeurant largement plus drôles qu'effrayants. En effet, "Jusqu' en Enfer" fait peur. Et faire peur aujourd'hui n'est plus à la portée de n'importe qui, la preuve avec tous ces slashers et remakes horrifiques sans saveur ni originalité que l'on voit deferler sans relâche sur nos écrans...
Mais Sam Raimi n'est pas tombé de la dernière pluie et connait parfaitement les règles du jeu.

Pas besoin de verser des héctolitres de sang pour faire sursauter le spectateur, une porte qui grince suffit amplement. Une porte bien grosse qui grince de plus en plus fort, accompagnée par des hurlements stridents à vous glacer le sang, des fenêtres qui volent en éclat, des sons de l'au delà qui font trembler les murs et sur lesquels se dessinent des ombres menaçantes. Le tout qui survient brusquement après un silence de pierre tombale avant de disparaître aussi sec, là oui ça fait peur !



Honnêtement, la recette n'est pas nouvelle et Raimi ne fait que reprendre ce qui marchait si bien dans les "Evil Dead". Après tout pourquoi montrer un esprit maléfique et limiter l'imagination du public alors qu'une simple caméra en vue subjective et une déferlante d'effets sonores jouent un bien meilleur rôle?
C'est donc un film à l'ancienne que Raimi nous a concocté mais qui dit ancien ne veut pas forcément dire dépassé.
Raimi le sait bien et (se) joue des codes du genre avec délectation, notamment dans le domaine du gothique : héroine apeurée, maison hantée, vieille batisse délabrée, sortilèges, démons et esprits frappeurs (qui pour le coup donnent de sacrées baffes !), cimetière... On ressort les vieilles ficelles sans aucune honte mais c'est pour mieux les mettre au goût du jour car si l'héroine est apeurée elle n'est sûrement pas sans défense et ce n'est pas un manoir délabré qui est la proie d'esprits vengeurs mais une maison de banlieue flambant neuve.

Toujours dans l'idée de continuité entre l'ancien et le nouveau, on ne peut qu'apprécier le générique tout en gravures animées qui nous remémore les vieux "Dracula", quant au jeu des ombres sur les murs, elles renvoient directement au "Nosferatu" de Murnau, un incontournable du gothique.





Ce qui impressionne le plus dans "Jusqu' en Enfer" c'est la qualité de sa réalisation. D'abord un grand bravo aux décorateurs qui ont accompli un travail remarquable tant sur le mobilier que sur les décors en général (dont la superbe salle d'invocation).

La musique de Christopher Young, sans être exceptionnelle, met directement dans l'ambiance grace à une utilisation prononcée d'instruments à cordes, de choeurs inquiétants et de sonorités stridentes.
Tout le contraire de la photographie, chatoyante, et du montage qui créent une impression de "vie de tout les jours" et ne donne que rarement des indices sur ce qui va se passer. C'est d'ailleurs cette voie que va suivre Raimi tout au long du film ne laissant jamais entrevoir quand et comment se manifestera la prochaine attaque. Dans les faits il joue surtout sur les silences prolongés avant de nous plonger dans un vacarme aussi violent que soudain, sans oublier une remarquable mise en scène des effets chocs, qui ne surviennent à l'écran qu'au tout dernier moment.
Sincèrement, ça marche. Si certains réalisateurs emploient cette méthode à tort et à travers sans aucun effet de style, Raimi jouit d'un timing parfait entre les silences et les bruitages et a le chic pour nous prendre au dépourvu et nous faire littéralement bondir de notre siège. Pacemakers déconseillés...

En revanche en matière d'horreur pure, hormis le jeu du "1, 2, 3....BOOOOOOH!" cité ci-dessus, on devra se contenter de quelques maquillages plutôt réussis (rhaa les lentilles de Flor de Maria Chahua!!) et de jets de liquides peu ragoûtants. C'est peu...




Côté humour maintenant. Que ceux qui n'ont pas cru qu'ils allaient éclater (littéralement) de rire en regardant les "Evil Dead" sortent de la salle, ce film n'est pas fait pour eux. Libéré de toute pression commerciale (le film n'a rien d'un blockbuster à la "Spiderman"), Raimi s'en donne à coeur joie dans le trash hilarant qui lui va si bien. "Jusqu' en Enfer" possède donc une facette cartoonesque aussi innatendue que jouissive (la règle en travers de la gorge, l'enclume accrochée à la corde...) qui rappelle les meilleurs moments des aventures loufoques de ce fameux Ash. Même si les scènes poilantes se comptent-hélas-sur les doigts de la main, le film nous fait profiter d'éclats de rires bien sentis.




Les "Evil Dead" c'était aussi un casting de légende et quid de celui (ou celle pour l'occasion) qui a la lourde tache de succeder au génialissime Bruce Campbell? Bah de toute façon, faire mieux que lui relève du miracle...
Pourtant le casting de "Jusqu' en Enfer" recèle bien des surprises. Dans la peau de l'héroine on trouve Alison Lohman, la révélation de "Les Associés" de Ridley Scott, une jeune actrice aussi belle que douée et qui dépense une énergie considérable pour rendre son personnage convaincant.
Son petit ami est joué par Justin Long qui, je persiste à dire, est certainement l'un des meilleurs acteurs de sa génération. Spécialisé dans les seconds couteaux qui détendent l'atmosphère ("Die hard 4", "Admis à tout prix", "Dodgeball"), ses expressions sont souvent très drôles et il est parfait quand il s'agit de balancer des vannes. Bien que très limité, il apporte charisme et crédibilité à un personnage qui n'est là que pour mettre l'héroine en valeur.
Le couple gagnant du mois, donc.

Sans oublier un David Paymer ("Séquences et Conséquences", "Get Shorty"), génialement détestable dans la peau d'un directeur de banque sans scrupules et Lorna Raver qui volerait presque la vedette derrière son maquillage pourrissant et son oeil de verre.



Mais malgré toutes ses qualités, force est d'avouer que le film n'atteint pas les cimes des "Evil Dead". Si durant la première partie, on va de surprise en surprise en enchaînant des scènes jubilatoires, la seconde moitié manque de punch. Le réalisateur assure le spectacle mais on ne peut s'empêcher de se dire qu'il aurait pu aller bien plus loin. Comparé à "Evil Dead 2" par exemple, le film reste bien trop sage. Un peu de folie aurait été salutaire d'autant que Raimi disposait de moyens largement suffisants pour donner libre cours à son imagination débordante. Si certaines scènes sont de véritables joyaux, d'autres ne font que ralentir le rythme du film. Le dîner chez les parents a déjà été vu et archi-vu et se révèle au final sans intérêt pour la suite de l'intrigue, de même que le contexte économique, qui n'est traité qu'en surface.

Quant à la fin, annoncée par le titre, elle survient, abrupte et sans concession, alors que l'on s'attend à ce que le film nous révèle l'apothéose tant attendue mais qui ne viendra jamais. Peut-être qu'un petit épilogue? Mais non, déjà le générique défile et nous de rester sur notre faim...





A une époque où les films d'horreur ne jurent que par la surenchère de gore et de violence gratuite, "Jusqu' en Enfer" apparaît comme une bouchée de fraîcheur. Admirablement filmé et joué par des acteurs talentueux et charismatiques, le film aligne les clichés du genre pour mieux les déformer dans la bonne humeur. On sent que le réalisateur surdoué Sam Raimi a pris un plaisir fou à sortir du carcan des méga-productions hollywoodiennes pour retrouver ses délires d'éternel ado accro aux sensations fortes.
Malheureusement, le film s'embourbe un peu dans sa seconde partie faute d'un rythme en dents de scie et de scènes qui se dispersent où qui s'éternisent.
Pas la révolution tant attendue (la presse en chante les louanges...) mais un bon petit film d'horreur "old school" qui vous fera autant rire que bondir.
Attention l'abus de pop corn est dangereux pour la moquette.


Note : **