mardi 2 juillet 2013

Ultime Decision

Une dangereuse organisation terroriste a pris en otage les passagers d'un Boeing 747. Pour David Grant, des services de renseignements, cette action n'est qu'un leurre cachant le vrai but des terroristes: faire exploser l'avion au-dessus de Washington pour répandre un gaz mortel. Assisté par un commando d'élite, Grant va tenter d'intercepter le 747 en vol avant que l'irréparable ne se produise... « Ultime Decision » fait partie de ces innombrables films d'action américains tournés au cours des nineties où un héros courageux et musclé déjoue les pièges de méchants terroristes (du Moyen Orient bien sûr) qui décident de lancer une attaque sur le sol du brave Oncle Sam. Parmi les meilleurs, on trouve évidemment la série des Die Hard (« Piège de Cristal » demeure encore aujourd'hui inégalé en la matière). Et parmi les moins enthousiasmants, on citera les frasques invraisemblables de Steven Seagal. Deux extrêmes que l'on ne saurait rapprocher. Excepté que « Ultime Decision » est réalisé par Stuart Baird, le monteur de « 58 minutes pour vivre - Die Hard 2 » mais qu'un certain Seagal apparaît aussi au générique. Sans grand étonnement, on s'attend donc à ce que l'homme le moins expressif du cinéma d'action fronce les sourcils très fort avant de donner des coups de tatane et de couteau à huitre à tous les barbus enturbannés qu'il croise, dans la plus pure tradition du nanar à la testostérone qui se respecte. Quelle surprise donc qu'après une demi heure introductive, M. Monolithe se fasse éjecter du cadre au propre comme au figuré. En ce court laps de temps, qui comprend pour lui une scène d'action et demi et un paragraphe de dialogue (où il fronce très fort les sourcils, notez bien), l'acteur réussit quand même l'exploit de jouer avec la pire conviction possible. Alors, cachet trop gourmand, divergences artistiques, ou simplement éclair de lucidité de la part du réalisateur, quelque soit la vraie raison, le verdict est sans appel: exit Nanarman, place aux comédiens qui en veulent et qui se donnent la peine d'exister devant la caméra. Après le départ aussi rapide de celui qui s'annonçait bien comme l'acteur principal, on se met vite à réévaluer le potentiel du film. Autant faire un brin de briefing tout de suite: si vous cherchez à mettre la main sur un film d'action bourrin et décomplexé, vous allez roupiller sévère. Avec son linguo technico-militaire, les démonstrations techniques des officiers qui prennent soin d'évaluer leur environnement avant d'agir, et des personnages civils qui échappent aux stéréotypes hollywoodiens de base, le film pourrait être une parfaite adaptation d'un roman de Tom Clancy. En ce sens, il faut comprendre que le script passe un temps considérable à nous décrire les décisions prises par chaque membre du commando et leurs conséquences directes avec le déroulement des opérations. L'action en elle-même est réduite au minimum syndical et il faut attendre les vingt dernières minutes pour que les GI Joe sortent enfin leurs pétoires. « Ultime Decision » nous fait bien comprendre que dans la vraie vie, la matière grise prime sur la masse musculaire. Pour éviter que le public se mette à ronfler à la fin de la première bobine, « Ultime Decision » bénéficie de deux avantages indéniables. D'abord le casting est excellent. Le premier rôle est tenu par Kurt Russel pour qui je ne cache encore une fois pas mon admiration. Avec une aisance qui frôle l'insolence, il parvient à la fois à donner charisme et crédibilité à ce personnage de Monsieur-tout-le-monde embarqué dans une situation qui le dépasse. Mais à la différence d'un surhomme au charme ravageur à la John McClane, David Grant est un binoclard qui brille surtout par sa vulnérabilité. Peu entrainé au maniement des armes et à l'expérience sur le terrain, Grant est un homme qui agit peu mais qui prend les décisions pour les autres. C'est donc en guidant son équipe de soldats surentraînés qu'il va pouvoir prouver le meilleur de lui même. Russel est accompagné par des seconds couteaux solides dont John Leguizamo, soldat sarcastique mais compétent, Oliver Platt et Joe Morton (leurs tentatives pour désamorcer la bombe rappellent le duo Riggs/Murtaugh de « l'Arme Fatale ».) ou encore Halle Berry, hôtesse de l'air courageuse et débrouillarde. Chacun passe suffisamment de temps devant la caméra pour donner une performance mémorable et on s'attache rapidement à eux grâce à la qualité des dialogues et de leurs interactions. Les méchants sont également bien interprétés et surtout, ils sont bien plus que de stupides cibles mouvantes. Les acteurs sont donc irréprochables et le scénario tient la route. Le scénario est tellement efficace qu'on pourrait presque considérer « Rock » de Michael Bay, sorti la même année, comme un véritable plagiat. Rock n'est pas seulement le vestige d'une ère où Michael Bay savait encore tenir une caméra, c'est surtout un incontournable du cinéma d'action – ne serait ce que pour la bande son. Mais en prenant un peu de recul, on s'aperçoit à quel point les deux scripts sont similaires: des terroristes prennent des otages et menacent les Etats Unis avec du gaz toxique. Pour les arrêter, un groupe de militaires hardcore et un gars qui n'a jamais tenu autre chose qu'un pistolet pour laver les vitres infiltrent leur repaire pour tenter de désamorcer les bombes contenant le gaz. Et pour leur mettre toujours plus la pression, ils doivent sauver les otages avant que les jets de l'armée n'arrivent pour réduire tout ce petit monde en cendres. Sinon, c'est pas drôle. La grande différence tient au niveau de la réalisation, qui est le second atout du film. Quand son tour viendra, Michael Bay, bien connu pour son style visuel intimiste, fera rimer fusillades pyrotechniques avec montage frénétique (hystérique?). Au contraire, « Ultime Decision » n'est clairement pas un gros budget et hormis l'inévitable explosion finale, le film met en scène des personnages bavards qui transpirent beaucoup. Le rythme est progressif, l'action est aussi concise que brutale et la majorité du scénario se déroule dans des huis clos sombres et bas de plafond (les couloirs ou la soute de l'avion). Baird a appris les ficelles du suspense grâce à son travail de monteur sur de précédents films d'action sur-vitaminés et prend son temps pour instaurer un climat claustrophobique et une tension des plus excitantes. Les nombreux rebondissements sont ingénieux et vous laisseront aussi pantelants que les protagonistes. Moins impressionnant que « 58 minutes pour vivre » dont il reprend le style visuel et moins explosif que « Rock », avec qui il partage son scénario, « Ultime Decision » reste un thriller viscéral et haletant mené de main de maitre par des acteurs impliqués et charismatiques. La mise en scène de Stuart Baird est sans surprise mais sans faille. Aussi bavard qu'un épisode de « The West Wing » (une référence en matière de répliques ciselées et de tensions géopolitiques) et tout aussi passionnant. Avec un peu d'action à la fin quand même, parce que faudrait pas déconner non plus. NOTE : **