vendredi 14 novembre 2008

Les fils de l'homme



La civilisation est sur le point de s'écrouler. Aucune naissance depuis 18 ans à travers le Monde. L'Angleterre est la dernière civilisation intacte du fait de son insularité et qu'elle s'est totalement coupée du reste de l'Europe qui subit de terribles guerres civiles.


Des affiches peu attrayantes, un scénario qui oscille autant sur le drame psychologique que sur le film d'action futuriste (donc difficile à cerner), des acteurs connus mais sans statut de vrais stars (Clive Owen, Julianne Moore, Michael Caine)...

A cause d'une campagne marketing de mauvaise qualité, le film est passé quasiment innaperçu à sa sortie en salles.

Un tort immense au vu de sa qualité!

Alfonso Cuaron (Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban) réalise un des films les plus impressionnants de l'année 2006.
Nominé aux oscars pour son scénario, son montage et sa photographie, il nous plonge au coeur d'une Angleterre futuriste où la guerre civile fait rage.
Et quand je dis au coeur, je dis qu'on est coincé en plein milieu de la zone de tir!

Cuaron filme caméra à l'épaule comme s'il s'agissait d'un documentaire.
Cette impression de réalité est palpable tout le long du film, on s'y croirait!

Il faut absolument voir le film pour ses plans séquences à couper le souffle!

Les impacts sur les murs se font de plus en plus proche, au loin des soldats s'écroulent.
On baisse la tête sous les balles et on court comme des dératés avant de se jeter à terre et de se planquer derrière un morceau de mur.
Abris provisoire car un tank vient juste de le faire sauter. On continue à zigzaguer entre les balles et on se réfugie dans un immeuble. On monte les escaliers et on traverse un couloir. Dehors les tirs continuent et depuis la rue, certains soldats commencent à tirer à travers le couloir...
et toujours pas le moindre plan de coupe à l'horizon!
Avec un clavier et une souris, j'aurais eu l'impression de jouer à Call of Duty 4!

Certains passages du film sont de véritables tours de forces logistiques!
On est emporté corps et âme et l'on suit les personages dans un état de fébrilité extrême.

Les personnages sont eux aussi très crédibles.
Loin de simples stéréotypes hollywoodiens, ils ont des sentiments, rient, racontent des histoires drôles, pleurent, vivent et meurent....
Car le film est tout sauf manichéen, personne n'est tout noir ou tout blanc et les balles n'emporteront pas que les « méchants »...

En raison de sa violence extrêmement réaliste, le film est à reserver à un public averti.

Surprenant, inventif, crédible, intelligent... les adjectifs manquent.
Si l'on aime le cinéma, il est impossible de passer à côté.

Note : ***

Furyo




Un film sur l'amitié et l'homosexualité sous jacente entre des prisonnierss anglais et les officiers japonais qui les gardent.

Avec un sujet aussi sérieux et délicat, Oshima avait fort à faire pour ne pas tomber dans le pathétisme facile et le mélodrame.

Le film dépeint l'affrontement de deux cultures à travers le face à face de Sakamoto (voix rauque, visage grave) et David Bowie.

Comme dans son autre film The Man who fell on Earth, Bowie captive l'attention à chaque apparition.
Son physique d'une beauté peu commune et son regard pénétrant lui donnent un charisme impressionnant.

Mais ce sont les personnages secondaires qui tirent vraiment leur épingle du jeu.
Le britannique Lawrence et le japonais Hara passent leur temps à disserter sur les conditions dans lesquelles ils vivent. Ennemis par nature, ils deviennent pourtant très proches.

Lawrence est le seul anglais à parler japonais, forcément ça aide dans les relations.
L'acteur Tom Conti fait une prestation remarquable et parle japonais avec aisance.
Face à lui, le pas encore connu Takeshi Kitano s'accapare l'écran avec une facilité déconcertante. On ressent déjà à travers son personnage, l'illuminé burlesque qui fera sa célébrité.
Les prémisces d'un grand acteur!

Le réalisateur Nagisa Oshima est surtout connu pour son film érotique extrêmement controversé L'empire des sens.
Il le sait et en profite pour y glisser un clin d'oeil dans le film (Bowie dit que la femme dont Lawrence rêve a du « la » couper pour crier aussi fort.)^^

Il prouve avec ce film qu'il est un grand réalisateur.
La photographie, comme les cadrages sont vraiment soignés et la musique composée par Ryuichi Sakamoto (qui joue l'officier Yonoi) est magnifique.
Le grand intérêt du film et de voir les anglais parler japonais et vice versa.
L'échange des cultures...

Les sentiments ne se déchaînent pas à l'écran, officiers comme prisonniers se doivent de rester sérieux pour se faire respecter. Il en va de leur vie.
La soumission est d'ailleurs un thème important dans le film.
Jamais, l'action ne prend le pas sur l'histoire.
Sur deux heures, Oshima prend le temps d'installer ses personnages et les relations qui les unissent.

Porté par des acteurs remarquables et adroitement réalisé, Furyo est un film qui déborde d'énergie tout en restant sobre.
Poignant!

Note : ***

Silverado



Emmett a été condamné pour avoir tué un membre du clan des McKendrick qui sème la terreur dans sa région. Une fois libéré, il retourne dans sa ville, Silverado, avec le projet de se venger du clan. En chemin, il fait évader son jeune frère, condamné à mort, et secourt deux hommes, Padden et Mal qui se joignent à lui.


Un western bourré de stars et réalisé par le scénariste de l'Empire contre attaque, ça fleurait bon le navet genre « je mise tout sur les acteurs et le reste on verra ».
Encore une fois, j'ai eu tort...

Lawrence Kasdan rassemble un grand nombre de stars mais qui sont à l'époque de simples petits nouveaux : Kevin Kline n'avait pas encore gagné son oscar pour un poisson nommé wanda,
Kevin Costner n'était pas encore la star de Robin des bois et de Danse avec les loups,
Danny Glover n'avait pas encore fait équipe avec Mel Gibson,
Jeff Goldblum n'avait pas encore fait La Mouche et Jurassik Park...
et je pourrais continuer longtemps.

Le casting est exceptionnel.
Kasdan n'a donc pas misé sur la popularité des acteurs mais sur leur talent!

Le film a été réalisé à une époque où le western était tombé en désuétude depuis longtemps. Mais Kasdan rêvait d'en faire un.

Au lieu de « remaké » un grand classique (c'est la mode aujourd'hui!), il décide d'écrire un scénario original.

Original mais pas nouveau.
On a donc une histoire d'amitié classique, des hors la loi, un shérif véreux, des fusillades en pleine ville, des chevauchées dans des décors splendides, une musique héroique, des éleveurs de bétails, des noirs que l'on méprise, des bagarres dans les saloons des plans larges en veux tu en voilà et bien sûr l'inévitable duel final.


Sans être exceptionnelle, la réalisation n'est pas laissée pour compte.

La photographie rend justice aux décors et aux grands espaces, les plans sont parfois superbes (les 4 héros qui chevauchent bride abattue), le montage n'est jamais trop rapide, on a droit à de belles séquences de fusillade à la fin...
La musique est parfaitement dans le ton avec un thème principal qui déborde d'héroisme.
La première scène est un régal et nous donne de suite le sentiment de participer à une grande aventure!

Les dialogues sont souvent drôles et les acteurs se mettent facilement dans la peau de leur personnage.
Mention spéciale à Costner qui joue les excités de la gachette avec un plaisir évident et Linda Hunt, petite par la taille mais grande par le talent!

Certains personnages secondaires sont sacrifiés (Arquette et Goldblum) au profit de l'histoire et lors des scènes tristes la musique en fait trop (on frôle la caricature pour la scène du bandeau :)
mais ça n'a au final peu d'importance.


Conscient de tout ce qui a été fait, Kasdan reprend les principaux ingrédients du western et les mélange alègrement.
On a parfois l'impression qu'avec autant d'éléments pris en compte, le scénario va nous perdre en route mais par une ligne directrice classique (les gentils s'unissent contre le méchant), Kasdan s'en sort parfaitement.

Sans renouveler le genre, Silverado est quasiment exempt de reproches.
Faire un western sans aucune tête d'affiche au moment où le genre est tombé aux oubliettes, le pari était risqué mais Kasdan a relevé le défi avec brio!

Note : ***

Chicken Run




Les poules se la jouent Grande Evasion!

Nick Park et Peter Lord, responsables des aventures de Wallace et Gromit sont des prodiges de l'animation en pâte à modeler. A l'heure où les images de synthèse et la 3D dominent les écrans, ils nous livrent une petite merveille d'animation à l'ancienne.

Une poule c'est bête et franchement peu gracieux.
Comment parvenir à les rendre attachantes à l'écran?
D'abord leur donner un regard débile fait de deux petites billes collées l'une à l'autre et surtout des dents.

Le jour où les poules auront des dents, elles sauront parler!
Ce jour est arrrivé et ce nouvel appendice facial leur donne des têtes absolument irrésistibles.
Les différentes expressions par lesquelles elles passent sont justes hilarantes :)

A partir de là, il ne reste plus qu'à trouver des doubleurs confirmés pour leur donner vie et le tour est joué.
En VO, les poules ont au choix un accent anglais, américain (Mel Gibson) voire écossais (incompréhensible pour le commun des mortels!^^) et les dialogues jouent beaucoup là dessus.
En français, c'est la crème des acteurs comiques qui se prête au jeu (Valérie Lemercier, Gerard Depardieu, Josiane Balsko, Claude Pieplu...)

L'animation est incroyable.
Dès les premières secondes, on est porté par l'histoire et on ne fait même pas attention qu'il s'agit d'animation image par image. Un travail d'esthète!

La mise en scène est également travaillée à l'extrême et les plans sont dignes d'un vrai film (mise au point sur un personnage, contre plongées, montage brillant, travellings avant ou arrière...).
La pâte à modeler ne limite jamais les effets de caméra.
Les réalisateurs réussissent même à créer de véritables plans séquence comportant des dizaines de personnages en mouvement.

La musique est très réussie. John Powell et Harry Gregson Williams, élevés au grain par Hans Zimmer, composent une bande son héroique à souhait.

Le scénario regorge de rebondissement et nous entraîne de surprises en surprises.
De temps en temps de savoureuses références aux films d'aventure font leur apparition ( La grande évasion évidemment mais aussi Indiana Jones et le temple maudit..)

Les personnages, poulets ou autres, sont tous formidables.
Entre le vieux militaire grincheux, le coq frimeur et beau parleur, l'intrépide poulette rêveuse, le duo de rats démarcheurs ou encore le pauvre fermier simplet battu par sa femme, les créateurs s'en sont donné à coeur joie pour imaginer les héros les plus loufoques de l'animation.
Un vrai bonheur!

Hilarant, d'une inventivité incroyable et maîtrisé de bout en bout, Chicken Run est un sommet de l'animation image par image.
Vous ne regarderez plus un poulailler de la même façon!^^

Note : ***

Ca tourne à Manhattan





Une journée de tournage comme une autre...

"On n'est pas au cinéma" , "arrête de te croire dans un film!"
Oui mais si le film devenait la réalité et la réalité devenait le film?

Le film débute sur des plans en noir et blanc, grain à l'image.
On sent le cinéma amateur à petit budget façon Clerks de Kevin Smith.
On nous présente sommairement le réalisateur, les actrices, le caméraman et le chef opérateur. C'est plutôt bien filmé pour de l'amateur avec belle lumière et profondeur de champ.
Le réalisateur lance quelques conseils sur le tas, et Moteur, Action!

Et là surprise, le film qu'ils tournent est en couleurs alors que la réalité filmée est en noir et blanc...(même moi je m'y perds!).

Passé cette excellente surprise, le réalisateur (le vrai) s'amuse en mettant des micros dans le cadre, en foirant les prises de sons, la netteté de l'image...
Le réalisateur (le faux) de plus en plus exaspéré finit littéralement par piquer une crise en insultant toute son équipe sous pretexte qu'un bip bip intenpestif l'empêche de tourner.

Et boum! Deuxième surprise, le bruit gênant en question n'est autre que son réveil! Il est dans son lit et la réalité est cette fois en couleur.

Plus tard, le film (le faux) mettra en scène une scène de rêve beaucoup moins réaliste ...

Et voilà, le réalisateur passe son temps à nous lancer sur une fausse piste avant de brutalement renverser la donne.

Malgré son aspect minimaliste assumé le film (le vrai) regorge de qualités.
Pour commencer la réalisation est bluffante au sens propre, elle nous fait pénétrer différents univers à travers celui du cinéma.

La mise en abime du film dans le film a été exploitée plusieurs fois au cinéma (Séquences et conséquences, Inland Empire et Muholland Drive et même Boogie Nights avec l'univers du porno.) mais au lieu de simplement présenter les déboires d'une équipe de cinéma ou de plonger dans l'horreur de l'illusion qui s'incruste dans la réalité, le réalisateur (Tom DiCillo) joue sur la technicité de la création cinématographique.

Il s'accapare l'image en jouant sur les stéréotypes visuels.

La scène où le couple se déclare son amour est tournée dans un magnifique noir et blanc épuré des années 50 alors que lorsque une actrice, larmoyante, annonce à sa mère que son père la battait, les couleurs se font plus vives pour ressembler à une série télé pour ménagères en manque d'affection comme on en voit tous les jours.

Mais quand la réalité du tournage prend le pas sur le film (le faux), c' est à exploser de rire!

La vie sentimentale se mêle à la vie professionnelle, ce qui nous donne droit à des situations incongrues comme la séquence ou l'acteur censé joué le tombeur romantique se fait salement insulter par l'actrice qui lui donne la réplique au lieu de réciter son texte, et lui de jouer son rôle comme si de rien n'était.
L'équipe technique est constituée de bras cassés et les petites contrariétés de chacun ne font qu'augmenter la température interne du pauvre metteur en scène.

Le casting est absolument génial.
Les acteurs doivent jouer une équipe de cinéma et donc pour la plupart jouer leur propre rôle à l'écran.
Les vrais acteurs sont aussi bons que leurs avatars sont mauvais.
Chacun est impressionnant de naturel et forme une joyeuse bande des personnages typiques que l'on trouve sur un plateau de cinéma.

J'ai voulu voir le film avant tout parce que j'adore Steve Buscemi.

Habitué aux personnages décalés, un peu en dehors de la réalité (Armageddon, Fargo, The Big Lebowski, Big Fish et tant d'autres), il incarne un réalisateur indépendant qui essaie tant bien que mal de garder le contrôle sur son film.

Sa prestation est juste parfaite. Il passe de la douceur à la folie en quelques secondes.
Mais malgré l' exaspération grandissante de son personnage, il n'essaie jamais d'en faire trop.
Son réalisateur n'est pas une caricature, c'est un être humain compréhensif avec de vraies émotions et de vrais problèmes à résoudre.
Alors après avoir hurlé sa rage à qui voulait l'entendre, il se remet calmement à réfléchir pour trouver une solution.
L'oeil rivé sur ses acteurs, on sent la passion le submerger quand, au bout d'innombrables prises, il réussit enfin à filmer la scène tant désirée.

A la fin de la journée, tous ces tracas et prises de becs s'oublient et s'effacent à travers le regard des personnages lors de la magnifique et émouvante scène de la prise de son silencieuse. Mais demain, tout recommencera...


L'envers des coulisses nous est présenté de manière aussi ingénieuse que réaliste et porté par des acteurs incroyables de simplicité.
Tom Dicillo (scénario et réalisation) réussit une comédie décapante mais juste sur l'univers du cinéma.
Son monde du cinéma est celui des relations humaines.
La personnalité et les sentiments des membres de l'équipe technique transparait sur le plateau.
Le cinéma, c'est aussi la vie de tous les jours...

Un vrai bonheur pour les cinéphiles de tous poils!

Note : ***