samedi 27 juin 2009

Massacre à la Tronçonneuse



Jeunes et insouciants, cinq amis traversent le Texas à bord d'un minibus. Ils s'aperçoivent bien vite qu'ils sont entrés dans un territoire étrange et malsain, à l'image du personnage qu'ils ont pris en stop, un être vicieux en proie à des obsessions morbides...



On dit que le film est si terrifiant qu'on n'oublie jamais la première fois qu'on voit « Massacre à la Tronçonneuse »...
Néanmoins, la réputation sulfureuse du film vient plus de son interdiction dans de nombreux pays pour sa violence extrême que pour ses réelles qualités cinématographiques.
En le voyant, on comprend aisément qu'il n'a pas usurpé son titre de "film le plus terrifiant de tous les temps" mais fait-il encore le poids face aux standards d'aujourd'hui?



En 74 (date de sortie du film), le film a du être un électrochoc pour de nombreux spectateurs.
Il faut dire qu'à l'époque, on n'avait jamais rien vu de semblable.
On peut considérer les années 70 comme un renouveau dans le cinéma d'horreur.
Deux ans avant « Massacre à la Tronçonneuse », Wes Craven vient de finir « La dernière maison sur la gauche » dont on dit que « Massacre à la Tronçonneuse » s'est beaucoup inspiré.
De même que le film de Wes Craven, on a longtemps considéré « Massacre à la Tronçonneuse » comme un pamphlet contre la famille américaine de l'époque et sa perversité latente (le masque, symbole des désirs refoulés que l'on cache derrière une autre apparence ?).
En tout cas, il est vrai qu'entre les deux films les ressemblances sont parfois flagrantes : même grain à l'image, même famille de psychopathes, mêmes meurtres sanglants mais filmés de manière réaliste, même ambiance malsaine et même escalade dans la violence sans concession.


En parlant de violence, « Massacre à la Tronçonneuse » soulève un point interessant : Jusqu'où peut-on aller sur un écran?
Du point de vue philosophique, comme « Chiens de Paille » de Peckinpah (Franklin qui joue constamment avec son couteau mais qui n'arrive pas à comprendre comment on peut s'entailler la main avec fait écho à la scène où Dustin Hoffman part chasser), mais surtout du point de vue visuel.
« Massacre à la Tronçonneuse » est pour beaucoup synonyme de « hectolitres de sang » alors que dans les faits, le sang brille justement par son absence.
Il y en a bien un peu par ci par là mais les gens sont dans le tort lorsqu'ils imaginent le film.

« Imaginent » parce que, de par sa réputation d'abord, le titre ne donne pas forcément envie de le voir alors la majorité se « fait le film » sans même l'avoir vu, ensuite parce que la plupart de ceux qui ont réellement vu le film ont cru(!) voir tout ce sang.
Pourquoi? Tout simplement grace à la mise en scène incroyablement suggestive de Tobe Hooper qui en montre peu mais nous fait croire beaucoup. Grace à son sens fulgurant du montage, il nous plonge en plein coeur de l'horreur tout en évitant de nous montrer le moindre membre tranché.
D'une pierre deux coups : il fait s'affoler notre imagination, qui réinvente les scènes, et évite de se ridiculiser en employant des effets spéciaux bas de gamme (dus à un budget serré) qui auraient donné dans le grand gignol.


Parce que la vraie force du film c'est que non seulement il ne sombre pas dans la surenchère de tripailles et de gore à tout va mais, en évitant le second degré inhérent à ce genre de production, il n'offre que de très rares moments de détente, nous tenant constamment sous pression.

Avant tout, un prologue nous informe que le film est basée sur des faits réels...canular du réalisateur qui lui permet de placer le spectateur dans un contexte horrifique dès le départ. Pour accentuer le côté véridique de la chose, les premières images du film sont des photographies dont le flash aveuglant laisse à peine entrevoir des os broyés et des morceaux de chair pourrissants.
Le procédé est absolument brillant et sera repris plus tard dans des dizaines de bandes annonces (dont celles du remake, de Marcus Nispel...)

Visuellement, Tobe Hooper, encore jeune étudiant, profite au maximum de son budget rachitique pour créer une atmosphère qui dégoûte et qui écoeure.
Le grain de l'image d'abord, la lumière étouffante ensuite, créent une ambiance particulièrement malsaine.
La bande son elle même n'offre aucun réconfort : entre deux ronrons de tronçonneuse, grésillements et bruits de perceuse se succèdent pour le plus grand malheur de nos tympans...
Mais le réalisateur sait aussi jouer des silences pour nous tenir en haleine : le plan de la porte ouverte est un monument d'appréhension..
Rarement ambiance sonore aura été aussi prenante!
Et si on associe avant tout le film à Leatherface, les personnages secondaires sont réellements effroyables.


La scène de l'auto-stoppeur est à la fois flippante (l'acteur est parfait!) et écoeurante. Quant à celle du dîner elle reste l'une des plus mémorables du film.
Filmée de façon quasi documentaire, elle nous place en qualité de voyeur et nous oblige à regarder le meurtre de cette jeune fille sans défense (l'actrice a du avoir une extinction de voix pendant plusieurs jours en criant autant, la pauvre...).
Un réalisme saisissant!

Le film pousse le bouchon particulièrement loin dans le sadisme et la perversité.
Un personnage est suspendu à un crocher de boucher, l'autre se fait découper bien proprement avant d'être servi à dîner...
L'héroine s'en prend vraiment plein la tête : coups de balai, coups sur la tête, défenestrations, sauts, course à travers les bois...rien ne lui sera épargné.
Mais là où « Massacre à la Tronçonneuse » surprend réellement, c'est par son abscence de morale bien pensante. En général, les films d'horreur se focalisent sur des ados en proie à la promiscuité comme victimes potentielles. Ici tout le monde se retrouve logé à la même enseigne, même les handicapés...


Mais surtout « Massacre à la Tronçonneuse » ne met pas en scène de méchants escargots qui font du surplace quand il s'agit de découper les gens en rondelle.
On s'imagine facilement Leatherface en émule balourd de Frankenstein, s'avançant lentement vers l'héroine en fendant l'air de mouvements ridicules avec son engin de mort juste pour montrer que c'est lui le plus fort (et aussi pour que l'héroine en question puisse trouver un échappatoire miracle au dernier moment...).
C'est donc autant plus impressionnant de le voir courir (et il est rapide le bougre!) quand il poursuit la fille dans les bois. C'est vrai qu'il s'arrête souvent pour élaguer les branches mais la scène reste terriblement efficace : on y croit!


Malgré tout la fin reste trop classique (deus ex machina...) et la « danse » de Leatherface fait autant sourire qu'elle répugne. Le voir exécuter cette série de mouvements « artistiques » sur fond de coucher de soleil a vraiment quelque chose de fascinant.
Avec du recul, certaines scènes prêtent à sourire : la plupart des « gentils » sont transparents et Hooper abuse parfois des gros plans extrêmes.
La fin est décevante pour certains et le film, dans l'ensemble, suit un rythme plutôt lent. Bien que court (1h23), on s'ennuie un peu.
Mais ça c'est parce que le film a déjà plus de 30 ans et qu'en tant que spectateurs « modernes » on est plus habitués à des mises en scène rapides et des effets gore à gogo.

Malgré ses qualités, le film aura du mal à convaincre les adeptes des « Saw » et autres « Hostel » qui fleurissent sur les écrans comme des petits pains (euh, ça fait bizarre comme expression...) : je le répète, il n'y a quasiment pas de gore dans le film.
Mais « Massacre à la Tronçonneuse » c'est avant tout un symbole.
Le symbole de toute une génération traumatisée par des scènes jamais vues auparavant, mais aussi une pierre blanche dans l'histoire du film d'horreur.
On ne peut nier l'influence qu'à eu le film sur la grande série de slashers qui sévira durant les années 80/90.

Le masque de Leatherface est à lui seul une icône du cinéma et a engendré un grand nombre de rejetons dont celui de « Scream », « Halloween », « Jason » et j'en passe.
D'ailleurs, tout comme Leatherface (qui ne pousse que quelques cris), Mike Meyers et Jason sont des tueurs muets. Et c'est leur abscence d'expression qui les rend si terrifiants,... si inhumains.
C'est bien le masque du tueur qui lui donne sa personnalité.
Détail amusant pour finir: Leatherface a un masque différent selon qui il interprète : le voir habillé en grand-mère n'est pas banal...




Le chef d'oeuvre ultime de Tobe Hooper reste un monument du film d'horreur.
Malgré quelques passages marqués par le temps, le film réserve de sacrés moments de frayeur.
Son ambiance suffocante et la performance immortalisée de Gunnar Hansen en Leatherface suffisent pour faire de « Massacre à la tronçonneuse » une expérience traumatisante. S'il laissera peut être de marbre le public d'aujourd'hui, il bat à plate couture la plupart des films récents du genre, le sur-estimé « Eden Lake » en tête.
Reste à voir ce que vaut le remake...

note : ***

The Fog



En Californie, le port d'Antonio Bay fête son centenaire. La légende raconte que les marins d'un navire naufragé un siècle auparavant reviendront se venger par une nuit de brouillard. Or cette nuit là, une brume maléfique commence à semer la terreur et la mort sur son passage...




Attention de ne pas confondre « The Fog » de John Carpenter avec « The Mist » de Frank Darabont.



Pour beaucoup, John Carpenter est une véritable icône du cinéma fantastique même si la plupart le connaissent surtout pour son premier grand succès : « Halloween », l'un des films d'horreur les plus rentables de l'histoire.
« The Fog » c'est le quatrième film de Carpenter. Il est certainement moins connu que ses prédecesseurs mais n'en reste pas moins tout aussi réussi.


Malgré le carton colossal au box office de « Halloween », Carpenter ne désire pas pour autant continuer dans la lancée des slasher movies et il s'avère que « The Fog » n'est autre qu'un simple film de fantômes à l'ancienne.
Malheureusement sorti à une période où le viscéral « Scanners » de Cronenberg trône sur les écrans, « The Fog » est boudé par un public alors amateur de gore et de violence graphique.
Il est vrai que « The Fog » n'est pas gore pour un sou et malgré des séquences d'une rare violence, les égorgements et autres lacérations de l'abdomen à l'aide d'objets contondants ne feront jamais verser la moindre petite goutte de sang à l'écran...

Un terrible manque de réalisme? Au contraire.
Partisan de l'adage « on a plus peur de ce que l'on ne voit pas car on l'imagine », Carpenter est passé maître dans l'art de suggérer les choses. Ainsi au lieu de tout miser sur la tripaille et l'hémoglobine à tout va comme ses confrères, il soigne sa mise en scène et parvient à créer une atmosphère lugubre, incroyablement angoissante.
Le potentiel de base n'était pourtant pas réjouissant et entre de mauvaises mains le film aurait facilement pu s'achever par un désastre.
En effet ; "Comment effrayer les spectateurs en filmant des comédiens en costume continuellement plongés dans un voile de fumée?"


Mais Carpenter n'est pas n'importe qui et sait parfaitement que dans ce genre de film c'est l'ambiance elle même qui prédomine et chez lui, elle se fait à la fois de manière visuelle et sonore.
Dès les premières secondes, le ton est donné : le film débute par une citation d' Edgar Allan Poe avant de laisser la place à un vieux loup de mer qui raconte une histoire d'horreur autour d'un feu de camp. Tout est mis en oeuvre pour plonger directement le spectateur au coeur du film.
Alors que d'autres metteurs en scène y seraient allés à grand renfort d'effets spéciaux, Carpenter parvient uniquement à l'aide des effets sonores et de la lumière à nous faire croire que le brouillard est vivant. Plus impressionnant encore, il nous fait prendre conscience qu'il représente une menace réelle.
Se basant sur les écrits de Lovecraft, il transforme sa simple brume en incarnation du Mal. Un mal sans visage, ni forme. Une force éthérée et indomptable.
Le brouillard lui même est littéralement traversé par une lueur phosphorescente qui lui donne un aspect à la fois effrayant et surnaturel, quant aux fantômes, ils demeurent éternellement dans l'obscurité...
Le tout est sublimé par des cadrages superbes et les éclairages grandioses de Dean Cundey, l'un des plus grands directeurs de la photographie de son temps.


Toujours dans l'art de suggérer, Carpenter connait par coeur les règles d'or du film d'horreur et sait parfaitement quand et comment faire bondir son public.
Maîtriser le suspense est un art délicat mais le réalisateur s'avère être le digne successeur de Hitchcock.
Carpenteur est en effet un vrai conteur visuel et les émotions du spectateur dérivent intégralement de sa mise en scène : grace aux cadrages ou à l'absence de musique, on sait qu'il va se passer quelque chose mais on sent surtout que Carpenter cherche consciemment à nous laisser mijoter dans notre jus pour finalement nous amener sur une fausse piste et nous surprendre brusquement au moment où l'on ne s'y attend plus.

Mais il faut également reconnaître son talent quand il s'agit de créer une ambiance sonore. Egalement compositeur de la musique de ses films, Carpenter se contente généralement d'accoler quelques notes de synthé pour accompagner ses images.
Et malgré toute attente, le procédé est d'une efficacité redoutable. A l'aide de simples notes qu'il répète à l'infini mais qu'il assène violemment comme s'il frappait sur un couvercle métallique, Carpenter parvient à souligner l'inéxorable avancée de la mystérieuse et mortelle brume.


Si la star du film c'est bien « The Fog » lui même, les comédiens jouent tous de façon exemplaire. Comme James Cameron (« Terminator », « Aliens »), Carpenter a visiblement un faible pour les femmes au caractère bien trempé.
Loin d'être de simples « screaming girls », ses héroines sont fortes et savent se défendre. Parmi les actrices qui les incarnent on retrouve la brillante Jamie Lee Curtis, que Carpenter retrouve après « Halloween » et Janet Leigh (« Psychose ») qui ne sont autres que mère et fille dans la vie.
Mais malgré la présence des deux stars, c'est surtout le charisme de Adrienne Barbeau, en animatrice radio à la voix langoureuse, que l'on retiendra.
Cette dernière épousera par la suite le réalisateur du film...




Même si « The Fog » a sensiblement vieilli, il n'en reste pas moins un digne représentant de ce qui se fait de mieux en matière de film d'horreur à la fin des années 70.
Avec ce film, Carpenter confirme sa prédisposition pour les plans travaillés et les ambiances à couper au couteau et, en dépit d'un petit budget, démontre son aptitude à créer des scènes choc à partir d'un scénario minimaliste.
En d'autres mains moins adroites, le film aurait pu être un véritable navet... et c'est le cas : oubliez donc son pathétique remake.


Note : ***

Le Créateur



Darius, auteur à succès, découvre avec horreur qu'il a oublié d'écrire sa pièce. Commence alors pour lui et pour les autres, le pire des cauchemars...




Après « Bernie », Albert Dupontel revient derrière la caméra pour un long métrage tout aussi noir et barré.
Difficile de résumer le film tant celui ci est bien plus complexe qu'il n'y paraît.
« Le Créateur » commence comme une farce, puis se tourne rapidement vers la satire acerbe avant de plonger irrémédiablement vers la noirceur la plus totale.

Depuis « Bernie » on connait l'attachement de Dupontel pour les loosers et les perdants, « Le Créateur » n'y fait pas exception.
Dupontel y interprète un célèbre dramaturge timide, stressé et mal dans sa peau. Mais ces quelques traits de caractère ne le définissent qu'en surface car plus ou moins inconsciemment il développe rapidement des pulsions meurtrières et une tendance marquée pour la schyzophrénie.
Un personnage antipathique et pourtant désespéremment attachant.
Parce que malgré la série de crimes dont il est coupable, Darius reste prisonnier de sa condition d'écrivain, obligé à founir toujours plus quelque soit le moyen...

Le reste du casting est lui aussi formidable, faisant la part belle à des seconds rôles savoureux. On ne s'étonnera d'ailleurs pas de retrouver toute la joyeuse bande qui fera le succès de « Enfermés dehors ».

La réalisation est particulièrement inspirée et offre de beaux moments de mise en scène. Que ce soit en sortant l'artillerie lourde (en faisant sauter un étage dans un magnifique ralenti ou en tirant un boulet de canon depuis une fourgonette) ou de manière bien plus subtile lorsque la caméra illustre des points de vue autres qu'humains : cela va de la vision noir et blanc du chat jusqu'à l'écran à cristaux liquides, où les mots inversés symbolisent celle de l'ordinateur.


Dupontel fait accompagner son film de grands morceaux de musique classique ce qui souligne constamment l'aspect tragédie (pièce de théatre/tragédie...) et met en valeur le destin funeste du héros.
Et puis, impossible de passer à côté de cet éternel parallèle entre la création d'une pièce de théâtre et celle de la Terre par le grand barbu. Grand barbu, au passage, joué par Terry Jones, ex membre des Monty Pythons et grand ami de Dupontel.


Mais le cinéma de Dupontel c'est aussi des dialogues truculents et inventifs qui ne laissent jamais indifférents. Maniant l'absurde et le cynisme comme une arme, il n'est pas rare qu'il nous arrache un fou rire quand il se met à balancer des répliques aussi invraisemblables que « C'est con un breton, ça sert à rien...En plus il fait jamais beau » tout en lâchant de temps en temps de sacrées piques qui appuient là où ça fait mal...

Dupontel est vraiment un cas à part dans le cinéma français, son humour noir et absurde est plus à rapprocher de l'humour anglais. Grain de sable dans la machine, Dupontel est insolent et fier de l'être!
Il prend plaisir à tirer à boulets rouges sur ce qui est sacré, à oublier la morale et les conventions et à sortir des sentiers battus.
Le film est extrêmement drôle mais il est aussi extrême tout court. Pas de demi mesure avec Dupontel, pas de tabous. Les personnages sont « Affreux, sales et méchants » et si l'on rie c'est avant tout de l'horreur des situations et de la misère des personnages.
En ce sens, « Le Créateur » ne plaira pas à tout le monde. Mais si vous avez supporté « Bernie », alors foncez!



« Le Créateur » est une oeuvre noire, sadique et trash mais en même temps absurde, loufoque, intelligente, imaginative, inspirée, originale et surtout lucide...en un mot : géniale.
Féroce et amer, un vrai petit bijou.

Note : ***

dimanche 21 juin 2009

28 semaines plus tard




Il y a six mois, un terrible virus a décimé l'Angleterre et a transformé presque toute la population en monstres sanguinaires.
Les forces américaines d'occupation ayant déclaré que l'infection a été définitivement vaincue, la reconstruction du pays peut maintenant commencer.
Don a survécu à ces atroces événements, mais il n'a pas réussi à sauver sa femme et la culpabilité le ronge. Lorsqu'il retrouve ses enfants, Andy et Tammy, qu'il n'avait pas revus depuis la catastrophe et qui reviennent à Londres avec la première vague de réfugiés, il leur apprend la mort de leur mère. Partagés entre la joie des retrouvailles et le chagrin, tous trois tentent de se reconstruire et de reprendre une vie normale dans la ville dirigée par l'armée américaine.




En 2003, Danny Boyle révolutionnait le film de zombis avec « 28 jours plus tard » en créant une atmosphère aux antipodes des films de Romero, le maître du genre.
Loin des morts vivants endormis, au regard vide et incapables de passer la seconde, et de l'humour noir et grand-gignolesque instauré par les films de Romero, Boyle mettait en scène des champions du 100 mètres assoiffés de sang dans une ambiance de fin du monde, avec rues désertes et véhicules en tout genre entassés à perte de vue.
En revanche, les deux réalisateurs affirmaient leur goût commun pour le pamphlet antimilitarise et la satire sociale.


En 2008, la suite de « 28 jours plus tard », sobrement appellée « 28 semaines plus tard », sort dans les salles alors que personne ne l'attend et la presse spécialisée se met à en chanter les louanges, clamant haut et fort qu'il s'agit certainement du « meilleur film du genre jamais réalisé ».
Rien que ça.



En tant que suite, le film conserve les caractéristiques de son prédecesseur.
En effet, le réalisateur reprend le système de « la caméra folle » instauré par Danny Boyle dans le premier film : Boyle voulait que lorsque les zombis, ou plutôt « les infectés » comme ils sont appelés, apparaissent à l'écran, la caméra devienne complètement folle comme si elle avait elle même contracté le virus.
Il en résultait des scènes montées de façon très abrupte et une alternance de plans extrêmement rapides. Le procédé en lui même est d'une efficacité redoutable mais selon le spectateur, il peut s'avérer pour le film un avantage aussi bien qu'un inconvénient : dans la pratique, on ne voit pas grand chose de ce qui se passe à l'écran...

Dans « 28 jours plus tard » ce n'est pas si dérangeant : Boyle est un as quand il s'agit de filmer! Mais dans « 28 semaines plus tard » c'est souvent pénible car en dépit de ses qualités, le réalisateur espagnol Juan Carlos Fresnadillo est beaucoup moins doué pour créer des images qui marquent alors il joue sur la surenchère.
Le succès de « Cloverfield » et de sa réalisation « film amateur » n'étant pas étrangers, on se trouve face à des scènes cauchemardesques,surtout pour les épileptiques , où l'on passe le plus clair de son temps à deviner ce qui s'y déroule.
Certains apprécieront. D'autres, non.


Toujours en comparaison ; avec quelques plans des rues de Londres complètement désertes, Boyle parvenait à créer un climat terriblement angoissant, climat que Fresnadillo peine à retrouver malgré une multitude de vues aériennes. Il faut dire qu'en matière de ville abandonnée « Je suis une légende » est déjà passé par là...
Bref, en dépit d'un budget bien plus important, la réalisation de « 28 semaines plus tard » ne risque pas de faire de l'ombre au film de Boyle.

Cependant la mise en scène ne manque pas de panache et réserve de très bons moments. Une fois que la caméra a fini sa crise, on profite de plans souvent superbes, tant au niveau du cadrage que de la photographie.
De plus, plusieurs trouvailles ingénieuses méritent à elles seules le coup d'oeil et font oublier les attaques des infectés (volontairement) filmées par un mixer.
Pour ne citer qu'elles : Londres en flamme, une utilisation originale d'un viseur de sniper et d'un hélicoptère (clin d'oeil à « Braindead »?), la scène dans le brouillard, et l'arrivée en métro commentée qui rappelle l'introduction du célèbre jeu vidéo « Half Life ».


Pour le reste, « 28 semaines plus tard » brasse le chaud et le froid.
Alors que le scénario est travaillé (quels salauds ces militaires!) et souvent imprévisible, les dialogues sont plats et cousus de fil blanc.
De même si l'interprétation de Robert Carlyle (« Full Monty », « Trainspotting ») est absolument éblouissante, le reste du casting demeure insignifiant.
Enfin, l'ambiance sonore est elle aussi plus ou moins réussie selon les cas : en reprenant la musique du premier film, le réalisateur accentue le lien entre les deux volets mais la passer en boucle à chaque événement important, tel le thème principal de « Requiem for a Dream », finit par lasser.
Quant aux scènes « de dialogue explicatif », elles sont tellement molles, comparées au reste du film, qu'il n'est pas rare d'esquisser un baillement..



Si « 28 semaines plus tard » est la digne suite du film culte de Danny Boyle, sa réputation est malgré tout surfaite. Le réalisateur n'invente rien (chaque grand moment a été piqué à droite à gauche), pas de grande frayeur à l'horizon (si le film est censé faire peur, c'est raté..) et si vous n'êtes pas amateur de la mode « caméra zig-zag » attendez vous à un beau mal au crâne, surtout sur un grand écran. Malgré plusieurs défauts assez handicapants, il n'en reste pas moins un film hors norme et bien particulier qui mérite l'attention.

Il oscille constamment entre ** et *** et il n'est pas rare qu'une scène excellente survienne juste après un passage peu intéressant.
Au final, il est tiré vers le haut par la performance bestiale de Robert Carlyle et par un scénario qui n'hésite pas à aller jusqu'au bout des choses...

Note : ***

samedi 20 juin 2009

The Rocky Horror Picture Show



Une nuit d'orage, la voiture de Janet et Brad, un couple coincé qui vient de se fiancer, tombe en panne. Obligés de se réfugier dans un mystérieux château, ils vont faire la rencontre de ses occupants pour le moins bizarres, qui se livrent à de bien étranges expériences...




Qu'est ce qu'un film culte?

D'après les historiens du cinéma, un film culte serait un film qui ne ramasse pas le pactole à sa sortie mais dont le bouche à oreille entraîne un succès innatendu.
Dans ce cas ni « Star Wars » ni la trilogie de Peter Jackson n'en feraient partie? Ah, problème... La définition se contredit.
Quoi qu'il en soit « The Rocky Horror Picture Show » donne une nouveau sens au statut de film culte : c'est un film où ce qui se passe à l'écran devient moins important que ce qui se déroule dans dans la salle de cinéma où il est projeté!
Définition assez étrange mais qui résume l'essence même de «The Rocky Horror Picture Show ».

Adapté de la pièce de théâtre à succès de Richard O brien (le majordome Riff Raff dans le film), « The Rocky Horror Picture Show » est un four à sa sortie.
Comprenez que dans les années 70, une comédie rock qui parle ouvertement de la transexualité et des « déviances » sexuelles a peu de chances de conquérir le coeur du public, attaché à des valeurs plus conservatrices.
Choqués, les gens quittent la salle avant la fin. Assassiné par la plupart des critiques, le film est un échec commercial.
Paradoxalement, c'est son échec en salles qui fera son succès!

Un an après sa sortie initiale, le film finit par être projeté au cours des fameuses « séances de minuit » et attire peu à peu un public jeune, amateur de sensations fortes.
Chez les spectateurs de cette époque, très respectueuse des valeurs traditionnelles, le film a du toucher une corde sensible car rapidement ils commencent à hurler, à bondir sur leurs sièges et à faire leurs propres commentaires et dialogues.
L'enthousiasme se répand et bientôt les gens viennent grimés comme les personnages du film et reprennent en choeur les paroles des chansons.
Plus fort que la 3D, Richard O Brien et Jim Sharman (le réalisateur) viennent d'inventer, sans le savoir, le premier film intéractif !

Son statut de culte, le film le doit donc à la complicité inattendue du public.
« The Rocky Horror Picture Show » n'est plus un film, c'est un expérience qui rassemble des dizaines de jeunes fous déjantés qui ont transmis leur passion à travers les générations...

Aujourd'hui, plus de public, plus de salle de cinéma.
On est seul ou quelques uns devant un petit écran et on regarde le film tel qu'il a été conçu à la base.
Cette nouvelle façon de regarder le film lui enlève t-elle ses qualités? Pas sûr...


Dès que la chanson «Science Fiction Double Feature » commence, on sait qu'on a affaire à un film hors du commun : sans crier gare, des lèvres pulpeuses se matérialisent sur un écran noir avant d'entonner une chanson magnifique, dont les paroles retracent les grands moments du cinéma de SF (« la guerre des mondes », « le jour où la terre s'arrêta ») et du fantastique (« L'homme invisible », « King Kong »).
Le générique à lui seul est un grand moment de cinéma et un véritable hommage au genre.


Par la suite, le film fera intervenir de nombreux morceaux de rock and roll endiablés (dont « Sweet Tranvestite » et «  The Time Warp » restent les titres phares).
Grace à des paroles drôles et originales et des rythmes travaillés, l'ambiance sonore est remarquable (si l'on aime ce genre de musique).


Mais visuellement c'est aussi du tout bon.
Le film se déroule dans un vieux manoir délabré dont la salle d'opération rose bonbon contraste à merveille avec le mobilier poussiéreux des autres pièces.
Que ce soit dans les décors ou les costumes, le souci extrême du détail impressionne constamment.

Les costumes extravagants soulignent l'intense personnalité des personnages tout en installant le film dans une mouvance des spectacles de Brodway.
Les maquillages du film, d'évidente inspiration gothique, apportent eux aussi un charme indéniable aux personnages.
Voir Tim Curry en cuir et bas résille fait toujours un effet du tonnerre!
Pour son premier rôle au cinéma, il se donne à fond dans la peau de cet androgyne excentrique.
Si incarner le personnage en aurait fait palir plus d'un, il laisse son amour prôpre au placard et se lance dans ce qui reste la plus célèbre performance de sa carrière. N'hésitant pas à prendre les postures les plus suggestives, il fait de son espèce de savant fou sexuel une véritable icône du cinéma alternatif.

Les personnages secondaires ont chacun leur particularité qui les rend si réussis : le visage un brin démoniaque d'O Brien fait toujours sa petite impression, Meat Loaf fait une apparition aussi courte que remarquée et le personnage de Patricia Quinn incarne ce qui se rapproche le plus de la succube : sexy as hell!

Le couple de Brad et Janet ne sont pas en reste non plus.
Susan Sarrandon et Barry Bostwick ont su saisir toute l'ironie des situations.
Que ce soit dans leurs dialogues ou leurs attitudes, ils prennent un plaisir jubilatoire à accumuler les répliques de série B.
Leurs personnages sont le cliché parfait du jeune couple américain de classe moyenne : Monsieur se présente d'une poignée de main vigoureuse, arbore un sourire ultrabright à faire rougir de honte un vendeur de voitures et passe son temps à s'étonner, les mains bien posées sur les hanches. Madame est folle de son mari, prude mais au final pas si ingénue que ça...
Elle, son passe temps favori c'est pousser des cris aigus, s'évanouir et se faire poursuivre en sous-vêtements comme toute héroine de vieux film d'horreur qui se respecte.

Sans oublier ce criminologiste qui intervient de temps en temps pour nous expliquer de quoi il retourne. Si au début il demeure flegmatique, il prend vite part à la folie ambiante qui règne dans le film. A le voir, en costume élégant, danser sur son bureau, il donne tout de suite au film un air Montypythonnesque bienvenu.


Les dialogues idiots sont légions mais dans la bouche des acteurs, ils deviennent instantanément cultes :
-You're wet
-Yes it's raining

ou encore l'inoubliable
-Brad?
-Janet?
-Docteur Scott?
-Janet?
-Rocky?
(à répéter trois fois)


Néanmoins, les acteurs parviennent à ne pas se laisser emporter dans la farce pure.
Les personnages, loin d'être des enveloppes vides, possèdent une personnalité parfois étonnament approfondie et malgré les situations absurdes, ce qui se passe à l'écran reste parfaitement crédible.
La mise en scène théâtrale (le film commence par un lever de rideau et de nombreuses séquences se passent sur une scène) et les effets spéciaux fauchés (les tirs de laser) ne nous empêchent jamais de nous attacher aux personnages.
On est même triste à la fin du sort réservé à certains personnages...ce qui prouve le talent des interprètes et du réalisateur à véhiculer des émotions malgré un scénario grotesque et farfelu.


Jamais Obrien et Sharman n'auraient pu prédire que leur film deviendrait un tel phénomène.
Nombreux sont ceux qui se sont essayés à percer les mystères de son succès mais « The Rocky Horror Picture Show » n'est pas un film qui s'analyse, c'est un pur divertissement qui s'apprécie en tant que tel.
Plus de 30 ans après, le film n'a rien perdu de sa superbe.
Kitsh? Assurément! Mais grâce à son ambiance unique et ses costumes intemporels, le film ne subit même pas la marque de son époque.
Le film est pratiquement sans défaut!
Hormis une fin qui traîne en longueur (même un des personnages baille...), il reste un grand spectacle musical, particulièrement élaboré et brillament interprété.



Hommage à la fois aux films d'horreur et de science fiction, thriller amusant et insolent, série B assumée, comédie musicale de mauvais goût (lui aussi assumé), film kitsho-érotique à scandale... « The Rocky Horror Picture Show » est un classique du cinéma qui ne ressemble qu'à lui même.

L'aventure commence par un petit saut à gauche...puis un pas à droite!

Note : ***

Les Berkman se séparent



Il y a bien longtemps que les romans de Bernard n’ont plus de succès alors que sa femme Joan, qui écrit aussi, est en pleine ascension. Rien ne va plus entre eux. Ils ont décidé de divorcer. C’est une catastrophe pour leurs deux fils de 12 et 16ans



Et allez, encore un film sur le divorce ! Les familles monoparentales ont la côte au cinéma, semblerait-il. Le divorce est une source inépuisable pour les scénaristes en manque d’inspiration. Que nous ont t’ils concocté cette fois ci ?
Une comédie romantique à l’eau de rose ("La rupture") ou un mélodrame un peu trop forcé sur le pathos ("Kramer contre Kramer").

Ni l’un ni l’autre. Et autant le dire tout de suite, le scénario du film n’effleure pas une seconde celui des précédents.
Le réalisateur Noah Baumbach est un spécialiste des histoires douce- amères qui font autant rires que réfléchir : c’est le scénariste de "La Vie Aquatique" de Wes Anderson…
Et pas étonnant que le film soit si original quand on sait que c’est Wes Anderson lui-même qui a produit le film.
La trame du scénario part vraiment dans des chemins inattendus. Les personnages principaux ne sont pas seulement des adultes mais aussi des enfants. On a donc de nombreux points de vue différents à travers l’histoire.

Ici pas de pathos rentre dedans façon « Il ne faut pas divorcer, ça fait du mal aux enfants » ou d’humour noir à la "Guerre des Roses".
Non, les situations comme les comportements sont réalistes.
Non, réaliste n’est pas un mot assez fort… Authentiques !
C’est ça, bluffant d’authenticité. Tout comme les acteurs !

Les quatre acteurs principaux sont d’une justesse incroyable. Ils disparaissent littéralement derrière leurs personnages.
La ravissante Laura Linney ("Love Actually") prouve une fois de plus qu’elle est une actrice extraordinaire et Jeff Daniels ("Dumb et Dumber") est absolument méconnaissable.
Les jeunes Jesse Eisenberg et Owen Kline sont eux aussi remarquables de naturel et l'on ne peut qu’éprouver de la sympathie pour leurs personnages.

Seul le transparent William Baldwin ("Backdraft") fait un peu tâche au milieu du décor mais il n’apparaît pas souvent à l’écran.



A travers leurs relations, chacun va tenter de se redéfinir.
Les parents doivent commencer une nouvelle vie chacun de leurs côté tout en oubliant progressivement ce qu’ils ont vécu ensemble et les deux garçons se retrouvent face à une véritable crise d’identité.
Le plus jeune découvre sa sexualité et cherche à rester proche de sa mère tandis que le second se voit inconsciemment conditionné par l’attitude du père : il suit ses conseils et reste très attaché à lui, si bien qu’il finit par rejeter sa mère.

Se définir cela veut aussi dire chercher l’âme sœur.
Si les relations amoureuses des adolescents sont sujets à d’innombrables films plus ou moins navrants vantant une sexualité débridée et des comportements stéréotypés, le film penche plutôt sur l’hyperréalisme de Larry Clark : les situations sont troublantes de crédibilité et les dialogues, étonnamment crus, sont parfois choquants pour qui ne s’y attend pas.


Le budget minuscule n’empêche pas le film d’être réellement abouti sur le plan technique. La photographie faussement ordinaire nous plonge dans un quotidien convaincant et les mouvements de caméra ne perdent pas une miette des dialogues.
Les personnages mis en scène sont intelligents, et cultivés de surcroit, et le réalisateur ne manque jamais une occasion pour placer une référence à un écrivain célèbre ou à des films classiques (notamment ceux de la Nouvelle Vague française).
Mais la référence la plus marquante reste cette chanson des Pink Floyd qui revient comme un leitmotiv, rappelant constamment ces personnages perturbés et isolés que sont devenus les membres de cette famille autrefois si unie.


En associant le réalisme de Larry Clark et la tendresse de Sophia Coppola, Noah Baumbach livre un tableau magnifique d’une famille brisée. Il échappe aux poncifs du genre et ne se veut pas moralisateur pour un sou (pas de Happy End ; on ne peut pas revenir en arrière).
Primé au festival de Sundance (meilleur scénario et meilleur réalisateur), le film est porté aux nues par un quatuor d’acteurs splendides et prometteurs.

Le cinéma indépendant américain dans ce qui se fait de mieux.

Note : ***

Une journée de fous



Quatre pensionnaires d'une clinique psychiatrique de New York sont emmenés en sortie, par leur médecin, pour voir un match de base ball.
Lorsque celui ci disparaît mystérieusement, ils se retrouvent livrés à eux mêmes...




Si le scénario de départ présageait une farce complètement barrée et loufoque, on se rend vite compte que le film tourne à la gentille comédie qui a du mal à se lâcher. L'intrigue reste donc au final très conventionnelle et manque de vrais retournements de situation.


« Une journée de fous » joue entièrement sur l'adaptation des personnages principaux dans un milieu hostile.
Lâchés en pleine ville, les quatre dingos ne peuvent compter sur personne pour leur venir en aide, ils vont donc faire preuve de jugeotte et de débrouillardise afin d'échapper à la police qui les recherche, récupérer leur psy et retourner à l'asile pour l'heure de la soupe.
Ce ne serait pas si compliqué si seulement parmi eux le seul témoin des évènements pouvait s'exprimer autrement que par des dialogues télévisés et que le seul capable de raisonner ne soit en réalité un mythomane chevronné...

Le scénario manque d'originalité, tout comme la mise en scène (en dépit d'une bande son agréable), ce qui fait malheureusement du tort au film car autrement les dialogues sont souvent bien écrits et les personnages sont particulièrement bien campés.

Certains films doivent leur succès à leur scénario, d'autres à la réalisation, « Une journée de fous » fonctionne avant tout grâce à son excellent casting.
Chacun de ces quatre joyeux huluberlus est en effet interprété par un vétéran de la comédie.

Michael Keaton, habitués aux rôles de schizophrènes (« Batman », « Mes Doubles, ma femme et moi ») ou de fous furieux excentriques (« Beetlejuice ») demeure égal à lui-même et s'amuse comme un fou (c'est le cas de le dire) à jouer ce romancier, un rien stressé, qui passe son temps à s'inventer un univers parallèle.

Dans la peau du maniaque qui se prend pour un psychiatre, on retrouve avec plaisir le brillant Christopher Lloyd (« Retour vers le futur », « Qui veut la peau de Roger Rabbit? »).
L'acteur prouve une fois l'étendue de son talent car en dépit du perfectionnisme irritant de son personnage, il parvient à le rendre réellement émouvant.

Stephen Furst, l'une des idoles de « Animal House », ( qui reste pour beaucoup LA comédie américaine culte pour ados) impressionne lui aussi. Bien que son seul moyen de communication passe par la répétition de commentaires sportifs et de répliques publicitaires, il réussit à donner une vraie présence à son personnage grace à ses expressions grotesques.

Mais parmi les quatre, celui qui tire le plus son épingle du jeu est sans conteste l'immense Peter Boyle (« Frankenstein Junior »).
Il y joue un publicitaire qui se prend pour le Christ avec une délectation évidente. A lui seul, il demeure une inépuisable source de gags.
Il transmet sa bonne humeur au reste du casting et chaque apparition de son illuminé de personnage est absolument tordante.



Mettez ces quatre là dans une pièce fermée et regardez les s'entre-dévorer...
Leurs personnalités antagonistes font qu'ils se haissent et passent leur temps à se mettre des bâtons dans les roues mais lorsqu'ils se retrouvent livrés à eux même, ils n'ont pas le choix que d'unir leurs forces. Sans pour autant oublier leurs petites querelles...

En dépit de leur talent, si les acteurs avaient interprété de simples stéréotypes vides et sans charisme, leurs efforts auraient été rapidement réduits à néant.
C'est justement la plus grande qualité du film que de mettre en scène des personnages complexes et plein de défauts, donc humains.
Chacun a sa petite histoire personnelle et le film recèle quelques moments touchants, sans pour autant que le réalisateur fasse couiner les violons pour un oui ou pour un non.
Personne ne fondra en larmes devant ce film mais il faut reconnaître que la mise en scène fait bien ressentir les sentiments des personnages, les rendant d'autant plus attachants.


« Une journée de fous » n'a rien d'un « Vol au dessus d'un nid de coucous » en extérieur.
Même si certains rebondissements ingénieux le rendent attrayant, le scénario fait dans la facilité et n'échappe pas aux incohérences.
En revanche, le film bénéficie d'un sacré quatuor d'acteurs, tous contents d'être là.
Ils débordent d'énergie et d'enthousiasme et on prend un réel plaisir à suivre les pérégrinations rocambolesques de ces individus hors de leur bocal.

« Une journée de fous » est une petite comédie sympathique trop méconnue qui mérite qu'on lui laisse sa chance.
Le film ne vaut que pour son casting, mais quel casting!

Note : **

lundi 15 juin 2009

Smart People


Le professeur Lawrence Wetherhold a beau être extraordinairement intelligent, parfaitement maître de lui et intellectuellement brillant, il est résolument incompétent en matière sentimentale et relationnelle.
Depuis qu'il est veuf, Lawrence n'a plus de goût pour rien, y compris pour la littérature victorienne dont il est spécialiste. Quand son frère débarque à l'improviste pour s'incruster chez lui et qu'au même moment il rencontre par hasard Janet, une de ses anciennes étudiantes, il sort soudain de sa torpeur.




Un titre pareil (les intellos) ça sentait la satire à plein nez. Qui ne s'est jamais retrouvé face à un type exécrable et suffisant dont l'activité favorite était de s'écouter parler?
Lawrence fait partie de cette catégorie de gens. Il n'aime personne et personne ne l'aime, il a des problèmes avec sa famille et rame pour trouver une relation stable. Le pauvre. Et en plus de ça il est prof et il est aussi passionnant qu'un reportage sur la fabrication des pieds de table. Y en a qui ont vraiment pas de chance.


Très vite on se rend compte que le film n'est pas aussi drôle qu'il le laissait penser et la satire attendue fait place à la comédie romantique américaine typique : mou du genou et bas de plafond. Le scénario tire sur les grosses ficelles, le méchant monsieur devient plus gentil qu'au début du film, il trouve la femme de ses rêves et tout le monde l'adore. Fin

Ah, désolé du spoiler... En même temps je viens de vous éviter une heure et demi d'insoutenables souffrances. Tant du point de vue visuel que sonore.
La mise en scène étant plate au possible (dialogues uniquement en champ/contre-champ, aucune efficacité dans les ellipses...), le réalisateur a la bonne idée de souligner les sentiments des personnages par la musique. L'idée n'est bien sûr pas nouvelle mais quand elle est utilisée sans talent, ça peut faire peur...
Dans les faits, il ne se passe pas 5 minutes sans qu'un morceau de rock molasson fasse interruption pour tenter de relever le niveau déjà pathétique de la mise en scène.
Quand la musique est bonne (comme dirait l'autre...), on peut passer l'éponge mais quand celle ci regroupe les morceaux les plus exaspérants du moment, ça devient un véritable supplice.
Vu que ces chansons racontent toujours la même chose, imaginez le nombre de voix mielleuses bafouillant des flots de paroles insipides que l'on doit supporter avant le messianique générique final...


Le film bénéficiait pourtant d'un casting capable du meilleur, malheureusement les acteurs sont réduits à leur plus simple expression.
Dennis Quaid (« Le jour d'après »),censé jouer le prof ronchon et misanthrope, écope pour la peine d'une barbe hirsute et d'un bide d'amateur de houblon mais demeure éternellement monolithique. Quant à Sarah Jessica Parker (« Sex and the City »), l'infirmiè(v)re qui tombe amoureuse de son patient-oh comme c'est original, elle se contente de jouer les potiches blondes sans aucune subtilité.
L'alchimie entre eux est aussi plausible que le script du film et leur manque flagrant de complicité compte beaucoup dans la déception du spectateur.

Si l'on devait sauver quelque chose se serait du côté des seconds rôles avec Thomas Haden Church (« Sideways) et la charmante Ellen Page (la révélation de « Juno » et « Hard Candy ») qui parviennent à insuffler un minimum de vie à leur personnage.
Mais ce n'est pas suffisant pour sauver ce navet des profondeurs abyssales dans lesquelles il sombre du début à la fin.



Ne vous fiez pas à son titre lorgnant sur la satire sociale : « Smart People » pourrait être renommé « La comédie romantique pour les nuls ».
Tout les gros clichés du genre y sont. La réalisation oscille entre le navrant et le désespérant, les acteurs principaux parlent dans le vide et même la musique est crispante... Les amateurs de films à l'eau de rose qui nous prennent pour des nouilles apprécieront peut-être, mais je les plains.
Wanna be smart, watch something else!

Note : 0

Mystery Men



Trois modestes apprentis héros arpentent les rues de Champion City dans l'espoir d'exercer leurs dons contre quelque méchant et ainsi attirer l'attention des médias.
Seulement Champion City a déjà son héros, capitaine Admirable, bien sous tout rapport et vaniteux comme un paon. La chance se présente aux trois lascars quand ce dernier se fait séquestrer par le terrible Casanova Frankenstein.




Avec tous ces films de super-héros sortis ces dernières années, il était inévitable que le genre tombe sous le joug de la parodie. Mais alors que la plupart des pastiches se contentent plus ou moins de reprendre des séquences célèbres de films qui ne le sont pas moins, « Mystery Men » sort du lot en proposant une histoire originale et intelligente à la fois.

Loin des grandes figures qui ont fait les beaux jours de Marvel et DC Comics, les personnages de « Mystery Men » ne sont en réalité que de pauvres âmes en quête de reconnaissance qui se sont découvert un talent caché, plus ou moins utile et efficace, et qui s'en servent pour combattre le crime. Malheureusement pour eux, le Capitaine Admirable, un Superman sponsorisé, passe son temps à leur voler la vedette et au vu des raclées mémorables qu'ils se prennent à chaque affrontement, ce n'est pas demain que les choses vont changer...



L'intérêt du film est double.

Avant tout, il propose, comme dit précedemment, un scénario inhabituel à la fois travaillé et rendant hommage au genre qu'il parodie. Non seulement il met en scène des personnages attachants mais il ose reprendre les clichés du genre pour les réutiliser à sa sauce.
Les héros du film doivent évidemment sauver le monde d'un savant fou qui a mis un plan diabolique pour gouverner le monde mais les personnages sont bien loin des puissants justiciers de « La Ligue des Gentlemen Extraordinaires » : parmi eux, on trouve un lanceur de fourchettes, un type qui ne se bat qu'avec une pelle, un autre qui devient invisible quand personne ne le regarde(!) ou encore un Hulk en puissance qui...ne se transforme jamais.
De même, le méchant de service vit, comme tout bon méchant qui se respecte, dans un manoir isolé mais ses sbires, eux, sont de redoutables...danseurs de disco.
Le film brille donc par un grand n'importe quoi assumé et fourmille de bonnes idées.

Le second intérêt c'est son casting.
Parmi les héros de tête on apprécie le talent de William H Macy (« Fargo », « Jurassic Park 3 », « Boogie Nights ») qui parvient à rendre « La Pelle » émouvant et crédible, ce qui n'était pas chose facile vu son accoutrement.
De même, Ben Stiller est plutôt convaincant dans la peau de Mr Furious, un type controlé par une rage destructrice qui ne veut jamais sortir. Si la présence du comique au générique peut faire hérisser le poil de certains, force est d'avouer qu'il sait créer une certaine personnalité à ce looser pathétique trop sur de lui.
Parmi les rôles secondaires, Greg Kinnear joue les Superman d'opérette avec grandiloquence et Claire Forlani (« Rock », « Antitrust », « Rencontre avec Joe Black ») prête son charme à la serveuse dont Furious tombe amoureux et qui sert pour lui de connection entre son monde et la réalité.

Mais que serait un film de super héros sans vilain digne de ce nom? Et ce nom c'est Frankenstein (allons-y gaiment dans la caricature), un savant fou excentrique qui veut mettre le monde à sa botte et c'est le formidable Geoffrey Rush qui l'interprète. Tout comme dans la peau du terrible Barbossa (« Pirates des Caraïbes »), Rush livre une prestation savoureuse privilégiant une voix suave et un ton narquois à des vociférations inutiles, inhérentes à ce genre de personnage. Pour l'occasion, il s'approprie même un accent allemand, à couper au couteau.



Un bon casting, un scénario intéressant mais une réalisation qui manque parfois de punch. Visiblement doté d'un petit budget, le réalisateur réussit, surtout grace à une bande son rythmée et à un montage efficace, à donner envie de suivre les personnages dans leurs péripéties loufoques. Les scènes d'action ne sont pas désagréables sans pour autant sortir du lot mais les différentes explosions n'ont pas vraiment l'ampleur visuelle recherchée et les (rares) images de synthèse, bien qu'employées à bon escient, souffrent d'un manque de finition.



« Mystery Men » est une sympathique comédie qui se distingue par un casting de qualité et une histoire inhabituelle. Reprenant les poncifs du film de super héros, il les mélange à un humour à la fois potache et absurde et donne une profondeur peu commune à ses personnages. Seul bémol, une mise en scène quelque peu poussive et des effets spéciaux pas toujours réussis.
Mais rien de bien méchant.

Note : **

Coraline


Coraline Jones est une fillette intrépide et douée d'une curiosité sans limites. Ses parents, qui ont tout juste emménagé avec elle dans une étrange maison, n'ont guère de temps à lui consacrer. Pour tromper son ennui, Coraline décide donc de jouer les exploratrices. Ouvrant une porte condamnée, elle pénètre dans un appartement apparemment identique au sien...




On l'oublie souvent mais ce n'est pas Tim burton qui a réalisé « L'Etrange Noël de Monsieur Jack » mais Henry Selick, également auteur du méconnu « James et la Pêche Géante ». Après de longues années passées dans l'ombre de son confrère (il faut dire ce qui est...), ce prodige de l'animation image par image revient enfin sur le devant de la scène avec un nouveau long métrage qui va marquer les esprits : « Coraline .


Après « Les Noces Funèbres », de Tim Burton justement, « Coraline » nous montre à son tour qu'à l'heure du tout numérique, l'animation traditionnelle a encore de beaux jours devant elle. Tout comme les images de synthèse, la technique de l'image par image a progressé de façon sidérante et on reste abasourdi face aux améliorations dont bénéficie « Coraline ».
Il est loin le temps du Jack filiforme qui ne pouvait prendre qu'une « petite centaine » d'expressions différentes : ici non seulement les personnages sont incroyablement réalistes mais leur nombre d'expressions faciales semble purement infini. A ma connaissance aucun long métrage animé de cette manière n'a déjà mis en scène des personnages si humains...même si on n'échappe pas à la caricature (volontaire) de certains protagonistes.

Pour autant, Selick et son équipe n'ont pas cherché à reproduire basiquement des êtres humains dont seule la perfection plastique susciterait l'enthousiasme.
Au contraire loin de représenter chaque muscle et chaque plissement de peau, les créateurs du film se sont essentiellement concentrés sur les traits spécifiques de chaque personnage de manière à ce que leur personnalité transparaisse à travers leurs différentes attitudes. J'enfonce peut être une porte ouverte mais c'est tellement frustrant dans l'animation quand des personnages (en images de synthèse le plus souvent) incroyablement réalistes demeurent froids comme la glace...

Ici rien à craindre. Les personnages sont tellement convaincants que l'on oublie très rapidement qu'il s'agit de simples marionnettes.
Le meilleur exemple est certainement le personnage principal, Coraline, qui semble plus vraie que nature. Cette petite fille espiègle en qûete de liberté et de nouveauté que ne peuvent pas lui offrir ses parents, éternellement absorbés par leur travail, possède des mimiques absolument irrésistibles !

Mais « Coraline » ce n'est pas juste les personnages ce sont aussi les décors.
Tout comme dans les « Noces Funèbres », la vie réelle est désespéremment morne et terne (il pleut sans arrêt et un épais brouillard vient masquer l'horizon, ne laissant plus entrevoir que le vieux manoir délabré où vient d'emmenager Coraline) tandis que le nouveau monde qui s'offre à elle est un enchantement de tous les instants.

Alors que Coraline découvre ce monde parallèle, difficile de s'empêcher de comparer le film de Selick avec celui de Burton. Chez Burton le monde des morts se veut peinturluré de couleurs vives, que les rues illuminées rendent chatoyantes. Dans « Coraline » les décors ne sont pas bariolés ils sont resplendissants, les couleurs ne sont pas chatoyantes, elles sont éclatantes et l'autre demeure de Coraline n'est pas illuminée mais brûle de mille feux à la clarté de la lune!

La caméra de Selick ne perd d'ailleurs aucune miette de ces visions à l'éffarante beauté et ne semble connaître aucune limite pour évoluer dans les décors. Pour ce genre de film, la fluidité des mouvements est exemplaire
A elle seule la scène du jardin suffit pour nous prouver l'importance des moyens mis en oeuvre pour créer ces extérieurs à la fois gigantesques et majestueux : la caméra se pose sur chaque végétal, qui s'éveille alors au passage de Coraline, puis virevolte avant de s'envoler dans les airs pour un travelling arrière grandiose.



Mais tout n'est pas rose au pays de Coraline et une fois que le ton de l'histoire s'assombrit, le film fait de même. Nos certitudes s'effondrent alors comme un vulgaire château de cartes et les couleurs scintillantes font place à une esthétique macabre plus Burtonnienne (on pense notamment à « Beetlejuice » et à « Edward aux mains d'argent ») tandis que les personnages se métamorphosent en créatures difformes et les meubles en insectes géants...

C'est à ce moment que le film commence à poser certaines questions en filigrane comme : Jusqu'où est-on prêt à aller pour une vie meilleure? Et surtout qu'est-on prêt à perdre pour l'obtenir?
En tant que conte moral pour enfants, le film nous montre que l'herbe n'est pas forcément plus verte dans le pré d'à côté et qu'il faut savoir accepter ce que l'on a déjà.
Evidemment le thème de l'oeil, du masque et du miroir sont très présents tout au long du film et les apparences sont, une fois encore, bien trompeuses...
Sans oublier que le thème du double, voire du doppleganger-du quoi?-n'est pas étranger non plus ; rien que le nom de l'héroine rappelle le sujet(Coraline/Caroline).


La qualité artistique du film est également due à son ambiance sonore.
Les doublages des différents personnages sont remarquables, surtout Teri Hatcher (« Desperate Housevives) qui doit jouer sur plusieurs registres. Mais la palme revient naturellement à la jeune Dakota Fanning (« Man on Fire», « La Guerre des Mondes ») qui se glisse avec talent dans la peau de la malicieuse Coraline, en lui prêtant sa voix.
Et autant que les voix, c'est bien la musique qui crée le charme angoissant du film. Suscitant parfois l'appréhension, parfois le sentiment, parfois la fascination, Bruno Coulais ("Microcosmos ", "Les Choristes") réussit une BO magnifique, employant intelligemment des choeurs d'enfants et des chansons plus traditionnelles.



Si visuellement « Coraline » est unique en son genre, il n'est certainement pas vierge de toute référence. Au contraire, il mélange habilement les clins d'oeil aux contes à la littérature et au cinéma.
En premier lieu on reconnaît évidemment « Alice au Pays des Merveilles » : le tunnel qui mène à un monde surréaliste et psychédélique mais aussi le chat parlant qui sert de guide à Coraline et le thème du miroir que l'on peut, ou non, traverser (« Through the looking glass »).
Sans oublier que les personnes que l'on croit folles dans le monde réel (le russe excentrique, les voisines légèrement séniles) et que l'on redoute ( le père de Coraline sursaute quand des sans abris se mettent à faire leur numéro) ne deviennent qu'une formalité dans l'autre monde : comme le lièvre et le chapelier dans le livre de Lewis Caroll, tout le monde est fou là bas.
On pourra aussi reconnaître « Le bossu de notre Dame » ou encore « La Belle et la Bete » d'après l'idylle qui se forme entre Coraline et Padbol, qui se tient souvent bizarrement et qui agit de même.
La séquence où les voisines se griment en sirène au théâtre peut également être un clin d'oeil au « Aventures du Baron de Munchausen ».
Le splendide jardin, immense et luxuriant, semble sortir tout droit du « Magicien d'Oz » de Fleming, quant au néant, qui efface toute trace de vie, n'est-il pas réminescent de « L'Histoire sans Fin »?
Toutes ces références sont probablement fortuites mais elles accentuent
indéniablement l'harmonie visuelle du film.



A une époque où l'animation ne semble plus jurer que par les images de synthèse, « Coraline » apparaît comme une véritable bouffée d'air frais.
A la fois beau, drôle et effrayant, il met en scène une jeune héroine adorable et crédible et bénéficie d'une direction artistique hors du commun.
Un joli conte-pour enfants comme pour adultes-réalisé avec des doigts de fée.
Un vrai coup de coeur!

Note : ****

Le bazaar de l'épouvante


C'est dans la petite ville de Castle Rock que vient s'installer Leland Gaunt, un brocanteur qui propose, pour un prix dérisoire, les objets dont chacun rêve depuis longtemps. Le succès est immédiat mais ces achats réveillent des haines enfouies.
La situation s'envenime rapidement, jusqu'à l'irréparable.
Qui est Leland Gaunt? Serait-ce le Diable en personne?



« Le bazaar de l'épouvante » (à ne pas confondre avec « La petite boutique des horreurs »...) est l'une des nombreuses adaptations des romans de Stephen King pour le grand écran. Comme la plupart de ses oeuvres, le film traite de ses sujets de prédilection : la religion (« La ligne verte », « The Mist ») et le matérialisme (« Christine », « Maximum Overdrive »...).
Le rapport à la religion est évident mais ici ce n'est pas tant les objets qui sont possédés que leurs possesseurs respectifs qui sont obligés de commettre des actes horribles afin de les acquérir.
En d'autres termes : ils doivent vendre leur âme au diable...


Pour citer un film connu : « Le coup le plus rusé que le diable ait jamais réussi, ça a été de faire croire à tout le monde qu'il n'existait pas... ». Mais il existe. Il vit à Castle Rock, s'appelle Leland Gaunt et il a les traits de Max Von Sydow.
Pour autant, il n'est pas comme on se l'imagine.
Pas de cornes, ni de sabots apparents. C'est un homme, la cinquantaine, fier et clinquant dans sa redingonte.
Et alors qu'on pourrait penser que l'acteur en fait des tonnes pour tenter d'incarner le mal absolu (cf Al Pacino dans « L'avocat du Diable »), rien ne laisse transparaître sa véritable identité.
Allure sophistiquée, bonnes manières, sourire mielleux et d'une bienveillance désarmante, le Mal sait se faire discret.

Son but : mettre la ville à feu et à sang. Normal. Mais pas question de salir ses petites mimines quand on peut laisser les autres faire le sale travail.
En incitant les habitants de Castle Rock à jouer une « petite farce » à leurs voisins, il crée aussitôt une sacrée zizanie, semant la violence et la mort sur son passage.
C'est alors que, confortablement installé dans son fauteuil Louis XVI, on le surprend à savourer chaque victoire, les yeux illuminés de noirceur (et un oxymore, un!), les dents retroussées en un sourire angoissant...


L'une des plus grandes qualités du film c'est assurément son casting.
Max Von Sydow n'est certes pas inconnu des amateurs de fantastique puisqu'il il interprétait l'exorciste dans le film du même nom. Il est une fois de plus remarquable, apportant une vraie présence à son personnage, tout comme le formidable Ed Harris (« Abbys », « Rock »), en flic désabusé et taciturne.
Parmi les rôles secondaires, on appréciera, entre autres, les prestations de Bonnie Bedelia (« Piège de Cristal »), Amanda Plummer ("Pulp Fiction") et de J T Walsh ("Breakdown"), chacun sachant mettre en avant le côté noir de son personnage et jouer la folie avec conviction.


Si généralement les adaptations de Stephen King au cinéma se concentrent surtout sur les effets visuels, « Le bazaar de l'épouvante » échappe à la règle et met en scène à la fois des personnages crédibles et une histoire solide.
Chaque personnage est unique et tout le monde a ses petits comptes à régler. Les dialogues, pour la plupart tragi-comiques, sont particulièrement soignés et empreints d'un humour noir bienvenu, notamment grace à toutes les allusions et les sous-entendus sur la personnalité de Gaunt...

Pour autant, la réalisation elle même n'est pas en reste.
Non seulement, l'atmosphère lugubre du film est élégamment retranscrise par une photographie asez poisseuse, accentuée par la pluie et un froid déprimant, mais le film bénéficie d'une ambiance sonore qui met en valeur les scènes les plus importantes. Aux grandioses partitions de Patrick Doyle, d'un lyrisme mystérieux, s'ajoutent un « Ave Maria » de toute beauté, qui souligne paradoxalement un affrontement sanglant entre deux femmes, et quelques tubes de country qui mettent l'accent sur le côté paumé de la petite ville.

De même quand il s'agit de filmer l'action pure, le réalisateur connait les ficelles et ne lésine pas sur les combats à mains nues, à l'arme blanche ou à la pétoire pure et simple. Quant à l'explosion finale, un grand classique dans ce genre de film, elle s'avère absolument stupéfiante, magnifiée par des ralentis et des cadrages de haute volée.


Pour reprendre une réplique du film : « Après tout on a eu quelques beaux meurtres, quelques très belles explosions. Entre nous, il n'y a pas de quoi pavoiser, en effet. ».
Autrement dit, le film ne restera pas dans les annales. Pourtant on ne peut nier son efficacité. « Le bazaar de l'épouvante » n'est certainement pas la meilleure adaptation de Stephen King mais reste un film fantastique très appréciable, porté par des acteurs de renom et mis en scène avec talent.


Note : ***


Une petite anecdote pour finir, le film est distribué par Castle Rock Entertainment et se déroule justement à Castle Rock. On peut donc voir le phare du logo de la société plusiseurs fois au cours du film. Voilà ça ne sert à rien mais c'est sympa de le savoir...

vendredi 5 juin 2009

Les Glandeurs



Lorsque Brodie se fait larguer par sa copine, il se réfugie au centre commercial en compagnie de son amie T.S. dont la copine vient de le plaquer aussi.
Pour reconquérir le coeur de leur ex, ils décident de faire appel à des délinquants confirmés, Jay et Silent Bob, dont les exploits donnent une nouvelle dimension à l'expression « désordre public ».





Cette gentille comédie pour ados mérite bien plus que l'accueil exécrable qu'elle a reçu au box office et les critiques, loin d'être élogieuses, qu'elle a écopé.
Et pour cause, « Les Glandeurs » est le second film de Kevin Smith, le réalisateur culte du non moins culte « Clerks ».
Avec un budget dérisoire mais de bonnes idées à la pelle, Smith y faisait preuve d'une maîtrise affinée des dialogues truculents et d'un sens aigu de la mise en scène, ce qui fait que « Clerks » continue souvent d'être cité parmi les plus grands chefs d'oeuvre du film indépendant.


Si « Les Glandeurs »  reprend les recettes qui ont fait le succès du premier, le film est d'un tout autre acabit.
Second film oblige, Kevin Smith voit plus grand et la petite supérette d'origine où « Clerks » se déroulait devient un centre commercial immense, lieu de pérégrinations (voire de pélerinage) des deux personnages principaux.
Et en bons « héros de Kevin Smith », ces deux personnages ne s'intéressent qu'à deux choses : les filles et la culture geek.

Culture geek qui se définit dans le film par tout ce qui se rapporte aux comics, au cinéma et aux jeux vidéo. Pas étonnant donc de retrouver de multiples références à « Star Wars », « Batman » et aux BD de super héros Marvel. D'ailleurs, le film bénéficie d'un magnifique générique en bande déssinée, comme entrée en matière on a rarement fait mieux...
Encore plus fort : les fans seront ravis d'apprendre que le légendaire Stan Lee lui même y fait une apparition aussi remarquée que savoureuse.



Si « Les Glandeurs »  et « Clerks » évoluent dans le même univers, ce film n'est pas une suite de « Clerks ». Les personnages principaux ne sont plus les modestes « employés modèles » mais simplement deux ados, incorrigibles bons à rien, comme on en voit tous les jours.
Quant à l'histoire, elle est aussi simpliste que le décor dans lequel elle se déroule : deux types déambulent dans un grand magasin. Voilà, c'est tout.
Du moins en apparence parce qu'avec Kevin Smith ce sont moins les situations qui comptent que la manière dont elle se déroulent.

Ce centre commercial donc devient alors un véritable microcosme où l'on rencontre tout un tas de gens plus ou moins amicaux et plus ou moins...dérangés.
Car si le collectionneur de BD, le gaffeur transi d'amour, l'exhibitionniste et le modèle de prêt à porter qui aime bien « prendre les filles dans un endroit inconfortable » passent pour des gens à peu près normaux, difficile de dire de même du célèbre duo de Jay et son ami muet Silent Bob (joué par Kevin Smith, lui même).


Deux personnages extravagants, une relation bizarre. En dire plus relève de la gageure car comment parvenir à définir ce couple, aussi saugrenu que grotesque, de Laurel et Hardy shootés et heavy métalleux dans l'âme?
Ces deux personnages sont pourtant les chouchous du public et la marque de fabrique de Kevin Smith puisque on les retrouve dans chacun de ses films. Ces deux là passent leur temps à essayer de se sortir de situations inexplicables et à aligner les gaffes avec une plaisir délectable et communicatif.
Bien que leur rôle soit souvent secondaire, le duo s'accapare le film dès leur arrivée à l'écran, tant et si bien qu'on attend leur prochain « mauvais coup » avec plus d'entrain que les rebondissements de l'intrigue principale. Sans pour autant que l'intrigue ne soit bâclée, loin de là.


Malgré la multitude de personnages secondaires qui interviennent au cours du film, chacun possède une personnalité propre, travaillée et originale.
De plus, chacun est parfaitement interprété par des acteurs souvent méconnus mais talentueux.
Le duo Jason Mewes et Kevin Smith mis à part, on se souviendra surtout de la performance enjouée de Jason Lee qui interprête le geek de base en évitant la caricature pure et simple et de Michael Rooker, hallucinante montagne de nerfs constamment sur le point d'exploser.


Mais les films de Kevin Smith se reconnaissent surtout par leurs dialogues à la fois décalés et perspicaces. Si techniquement dans « Les Glandeurs »  il ne se passe presque rien, c'est l'occasion pour le spectateur d'assister à de véritables dissertations philosophiques sur le sens de la vie et de la BD en général.
Ca paraît idiot aux premiers abords, mais c'est come chez Van Damme : sous le ridicule se cache toujours un fond de vérité...
Pour peu qu'on fasse un tant soit peu partie de cette culture geek, on s'accroche rapidement aux personnages et si l'on rigole souvent, on gardera surtout en mémoire les scènes cultes de la « paume puante » et de la voyante.


En revanche, là où le bas blesse c'est au niveau de la mise en scène.
Kevin Smith c'est un peu le Francis Veber américain : pour filmer les dialogues, il n'y a pas mieux mais quand il s'agit des scènes d'action, il se fait un peu poussif...
Mais il faut garder en tête que ce n'est que son second film et son premier film « de studio ». Il fera bien mieux par la suite.



Elevé aux comédies de John Hugues et John Landis, Kevin Smith réalise ce qu'il appelle un « Porky's intelligent », où la vulgarité des dialogues n'éclipse pas la pertinence de la réflexion. Des répliques inspirées, des personnages attachants et une histoire originale ; « Les Glandeurs »  est une sacrée bonne farce, bien plus travaillée qu'elle n'y paraît.
Massacré par la critique, le film possède désormais son lot d'afficionados à travers le monde et ne fait aucunement défaut à la filmographie de Kevin Smith.
Un film de geek, fait par des geeks pour des geeks.

Note : **

In and Out



Howard Brackett enseigne la littérature et la poésie anglaises au lycée de Greenleaf, une paisible bourgarde de l'Indiana où il a passé son enfance. Célibataire desinvolte, il est fiancé depuis trois ans à la timide Emily Montgomery, qui attend avec impatience leur mariage, comme sa mère. C'est alors qu'un de ces anciens élèves, devenu comédien, recoit un Oscar à Hollywood. Filmé par la télévision, il rend un hommage public à son ancien professeur et inspirateur, Howard Brackett...en disant qu'il est gay.




Frank Oz est l'un des marionnetistes les plus célèbres du cinéma : « La petite boutique des Horreurs » c'est lui, « Labyrinthe » c'est lui et sans lui Yoda n'aurait jamais vu le jour...
Mais Frank Oz c'est aussi un grand réalisateur de comédies virulentes et satiriques.
Moins trash que « Joyeuses Funérailles », « In and Out » est une sacrée bonne surprise.

Oz aime les personnages atypiques et les secrets de famille perturbants .
Dans « Joyeuses Funérailles », on apprend que le défunt était homo. Cette fois c'est au tour d'un professeur de poésie anglaise, sur le point de se marier, de faire les frais de sa « mauvaise réputation ».
Pour lui, tout bascule du jour au lendemain à partir du moment où toute la ville le croit gay : la presse ne le lâche plus d'une semelle, sa famille prend ses distances, ses élèves se méfient de son comportement et un mystérieux journaliste entre dans sa vie... Mais est-il vraiment gay? Il n'en est plus sûr lui même...

C'est vrai qu'il roule à bicyclette, que ses manières sont plutôt efféminées et que sa virilité laisse à désirer. Le personnage est magistralement campé par le génial Kevin Kline. Kline maîtrise à merveille les subtilités de son rôle et évite la caricature trop facile : on est loin de la « Cage aux Folles ». Sa performance lui vaudra même une nomination aux Golden Globes.

Le reste du casting est vraiment excellent.
Entre les crises de nerf de Joan Cusack (nominée aux oscars comme meilleur second rôle) et la belle gueule de Matt Dillon, au rôle bien moins stéréotypé que ce que l'on attend, on prend un vrai plaisir à admirer le jeu des acteurs.
Sans oublier Tom Selleck, méconnaissable (!) sans la moustache king size de Magnum...
On apprécie aussi les apparitions de Glenn Close et Whoopi Goldberg qui se prêtent au jeu en jouant leur propre rôle.


Frank Oz jubile à démolir tout le monde : du monde du showbizness, en passant par le mariage et la religion (la scène de la confession), des tops models jusqu'à se moquer ouvertement de la cérémonie des oscars...pour le réalisateur rien n'est sacré.
Avec lui, tout le monde se retrouve à cacher son petit secret.
Personne n'est ce qu'il semble être ; façades et masques tombent les uns après les autres pour la plus grande susprise de tous.


Bien que classique, la mise en scène ne laisse échapper aucun détail croustillant.
Pourtant ce sont bien les dialogues qui donnent au film tout son sel. Même si parfois le trop plein de mélo se fait sentir, l'ambiance est au règlement de comptes.
Les répliques mémorables volent dans tous les sens et c'est souvent méchant. Mais jamais de mauvais goût.
Et même si la bande son repose essentiellement sur des tubes discos (dont « I will survive » et les chansons de YMCA, égéries de la gay attitude, Frank Oz ne sombre jamais dans la farce grotesque.

En lui même, le film n'invente rien et la happy end forcée (tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil : tout le monde il est gay...) est vraiment ridicule. En revanche, Oz se permet de sortir des sentiers battus en nous offrant des moments d'une extravagance rare pour une comédie britannique : rarement mariage n'aura été aussi mouvementé et la séquence de la cassette audio est à tomber par terre!


Frank Oz ose! On peut reprocher au film d'enforcer des portes ouvertes, que sa morale finale est particulièrement niaise et qu'il n'améliorera probablement pas la tolérance envers les homosexuels. Mais quel pied! Oz ne respecte rien et le phlegme britannique disparaît rapidement pour laisser place à une impertinence réjouissante.
Les acteurs, tous formidables, s'amusent comme des fous à jouer des rôles à contre courant et leur bonne humeur communicative rejaillit sur l'ambiance générale du film, assurant aisément le spectacle.

En dépit de rares maladresses, « In and Out » s'affirme comme une des comédies les plus mordantes du réalisateur.

Note : ***

Les lois de l'attraction



Dans une université, aux Etats Unis, quatre étudiants tentent d'assouvrir leurs fantasmes sexuels : Lauren, habituée aux déceptions sentimentales, s'éprend, comme Lara sa camarade de chambrée, de Sean, tandis que Paul, un étudiant bisexuel, cherche à obtenir les avances d'un garçon qui les lui a déjà refusées à plusieurs reprises.





Avec un résumé pareil, on pouvait s'attendre à un gentil mélodrame dégoulinant de bons sentiments, une comédie pour ados à la « American Pie » ou carrément un pilote pour une nouvelle série à la mode. Tout.
Tout, mais pas ça!


Il y a des films qui vous emportent corps et âme sans que vous sachiez exactement pourquoi. Est-ce le scénario, la mise en scène, le jeu des acteurs? Impossible de savoir ce qui attire autant dans « Les lois de l'attraction » mais une chose est sûre, on reste littéralement scotché à l'écran, incapables de quitter le film des yeux.

Pas étonnant quand on sait que le scénariste et réalisateur n'est autre que Roger Avary, à qui on doit le scénario du cultissime « Pulp Fiction ».
Adapté du roman de Bret Easton Ellis, « Les lois de l'attraction » est plus qu'un simple film sur les déboires amoureux d'une bande de jeunes, bien plus.
Mais encore une fois, difficile d'exprimer clairement ce que l'on ressent en voyant le film.

Il faut reconnaître avant tout la qualité du scénario, basé sur des relations plutôt complexes, et la finesse d'écriture des dialogues. Il n'est pas rare d'entendre les monologues intérieurs d'un personnage durant une scène entière. Ils se livrent à coeur ouvert au spectateur alors qu'il leur est parfois impossible de faire le premier pas dans leurs histoires de couples.

« Les lois de l'attraction » bénéficie de nombreuses similitudes avec le chef d'oeuvre de Tarantino, à commencer par une mise en scène qui ne respecte pas un ordre chronologique.
Si Tarantino découpait chaque scène explicitement, Avary use et abuse des séquences tournées à l'envers.
Le passage pré-générique est un modèle de perfection dans ce domaine, où à chaque présentation d'un nouveau personnage, le film remonte littéralement le cours du temps jusqu'à montrer la scène d'un autre point de vue.
Le procédé n'est certes pas nouveau, mais aussi bien maîtrisé, il laisse pantois d'admiration.


Avary prend d'ailleurs un malin plaisir à casser les codes de la mise en scène conventionnelle grace notamment à l'utilisation de l'écran scindé, où deux personnages qui se parlent s'adressent en réalité à la caméra.
Ou encore ces séquences oniriques, où l'on voit simultanément ce que les personnages font et ce qu'ils fantasment de faire...

Il s'autorise également un jusqu'au boutisme que peu se seraient permis.
Entre un voyage en Europe raconté à la manière d'une « Auberge Espagnole » sous acide ou ce suicide dans une baignoire, véritablement choquant, (je défis quiconque de regarder la scène sans avoir un haut le coeur ou de faire une grimace...), Avary développe un style particulier qui se moque éperdument des tabous.
Pour autant, on n'assiste jamais à une surenchère de scènes d'orgies, de violence injustifiée et de vulgarités gratuites comme on pourrait imaginer.
Avary se concentre avant tout sur son scénario, noir mais férocement drôle, et sur la façon dont les relations entre les personnages s'enchevêtrent dans tous les sens.



Le second point commun entre les deux films c'est des dialogues jubilatoires et un casting absolument parfait. Tout au long du film, on retrouve la patte crue et fleurie du scénariste de « Pulp Fiction ».
Le film regorge de petites pépites qu'il est difficile d'apprécier sorties du contexte (je ne chercherai donc pas à en citer quelques exemples) mais qui garantissent de sacrés éclats de rire!

En revanche, pour ce qui est du casting, si « Les lois de l'attraction » ne bénéficie d'aucune pointure à opposer aux comédiens de « Pulp Fiction », chaque acteur incarne son personnage à la perfection, à commencer par James Van Der Beek (« Dawson »), charismatique en diable et incroyablement crédible dans la peau du psychopathe à retardement.
De même, on pourra se régaler des moues coquines et de la plastique aguicheuse de Jessica Biel et Shannyn Sossamon et de l'interprétation complètement déjantée du reste du casting.
Mention spéciale à l'acteur qui joue Richard/Dick dont la prestation courte mais mémorable restera longtemps dans les annales...


Enfin, quand on pense à « Pulp Fiction », on ne peut passer à côté de titres comme « Mirsilou » et « Girl, you'll be a woman soon » ; je parle évidemement de la bande son. Et pour ce qui est de créer une ambiance unique, Avary est vraiment un dieu dans son domaine.
La BO de « Les lois de l'attraction » est un petit bijou de passion et de fantaisie.
Les morceaux choisis mettent parfaitement en valeur le côté à la fois farfelu et exalté des situations et se veut aussi entrainant qu'éclectique.
De Blondie, à George Michael en passant par le « I can't live without you » de Harry Nilsson jusqu'à oser du Serge Gainsbourg(!), rarement bande son aura été si détonnante!

La mise en scène, hypnotique, captive jusqu'à la fin du film, qui malheureusement se termine un peu en queue de poisson...
Seul défaut notable (même s'il paraît que le livre se termine ainsi également) pour une oeuvre qui surprend, séduit et passionne constamment.

Encore un film pour les jeunes (enfin 16 ans minimum, vaut mieux) qui fonctionne sur la recette efficace « Sex, drugs and rock n roll », mais malgré les apparences, « Les lois de l'attraction », se place bien au dessus de la masse des comédies américaines pour ados.



Des protagonistes perturbés et shootés comme dans « Trainspotting », une bande son racée et des répliques savoureuses à la « Pulp Fiction », un univers réaliste basé principalement sur les relations sexuelles qui rappelle « Boogie Nights », une mise en scène décalée mais étonnament soignée et une violence crue et réaliste qui emprunte autant à Oliver Stone qu'à de Palma...
Le film de Roger Avary est un amalgame de tout ce qui a déjà été fait et refait des dizaines de fois, alors justement pourquoi est-il si bon?
La question n'a pas de réponse et c'est aussi ce qui fait son charme indéfinissable. Culte!

Note : ***

jeudi 4 juin 2009

Terminator Renaissance



En 2018, John Connor est devenu le chef de la résistance humaine contre Skynet et son armée de Terminators. Sa vision du monde est pourtant remise en cause par l'apparition de Marcus Wright, un inconnu qui se souvient seulement de s'être trouvé dans le quartier des condamnés à mort. Connor doit découvrir si Marcus a été envoyé du futur ou s'il est un rescapé du passé. Alors que Skynet prépare l'assaut final, Connor et Marcus s'engagent dans une odyssée qui va les mener au coeur même des opérations de Skynet...






TER-MI-NA-TOR, quatre syllabes qui résonnent aux oreilles des amateurs de SF et d'action musclée comme un chant de pinson.
4 syllabes qui auront marqué à jamais le paysage vidéoludique du cinéma de genre, qui auront propulsé un autrichien culturiste inconnu du grand public au rang d' icône mondiale et qui auront définitivement installé James Cameron comme le maître incontesté de la pyrotechnie intelligente.
Après Jonathan Mostow et son 3ème épisode en demi teinte, c'est au tour du réalisateur McG de tenter de faire renaitre (d'où le titre) cette saga inmanquable qui a démarré il y a déjà plus de 20 ans, en 1984...



"Terminator Renaissance" est le premier épisode à se dérouler dans le futur, c'est donc la suite de la saga ou plutôt non le prologue puisque à cette époque Kyle et le T 800 n'ont pas encore été envoyé dans le passé. Les évènements sont donc antérieurs aux films volets précédents mais demeurent chronologiquement postérieurs puisque c'est le futur...Attendez-vous donc à quelques imbroglios scénaristiques inévitables, voilà ce qui arrive avec les voyages dans le temps...
Le futur donc et apocalyptique qui plus est. Skynet a pris le contrôle de la planète alors que la race humaine est réduite à une poignée de résistants éparpillés qui se cachent dans les décombres d'anciennes villes. Cette ambiance post "Jugment Day", le réalisateur réussit à la rendre à merveille en utilisant une photographie sépia du plus bel effet et en tournant essentiellement dans des paysages désertiques et des villes en ruines. L'atmosphère à mi-chemin entre "Mad Max 2" et "Les Fils de L'Homme" n'en est que plus étouffante.


Chaque épisode de la saga ayant marqué les esprits par des scènes d'action époustouflantes, ce quatrième épisode se devait de placer la barre très haut mais tout le monde n'a pas l'étoffe d'un Mostow, encore moins d'un Cameron.
De ce fait avec McG, avec pour seul passage derrière la caméra les deux "Charlie et ses drôles de dames", à la barre, on était en droit de craindre le pire.
Au mieux, on écopait d'un film d'action honnête, au pire du sabordage pur et simple de la légende. Hauts les coeurs et chapeau bas, c'est une excellente surprise que nous offre le réalisateur!
Ne vous attendez pas à voir des centaines de robots tueurs dézinguer tout ce qui bouge dans un déluge de feu et de sang (peut être pour la prochaine fois...), en revanche préparez-vous à une série de courses-poursuites époustouflantes et à de redoutables batailles entre humains et machines.
Machines qui vont du "vulgaire" T 600 et sa gatling intégrée, à la moto de guerre autonome, en passant par les colosses mécaniques de plusieurs dizaines de mètres de haut. En effet l'époque futuriste permet au réalisateur d'intégrer de tous nouveaux modèles de machines de combat, ce qui autorise une grande variété dans les affrontements et empêche la lassitude de s'installer. Le tout, grace à une mise en scène efficace et rythmée et surtout à des effets spéciaux extraordinaires.


La saga Terminator a d'ailleurs marqué d'une pierre blanche le domaine des effets spéciaux dont le succès tient en 3 lettres : ILM.
ILM (dont Stan Winston, l'un des fers de lance, est décédé pendant le tournage du film...R.I.P Stan) , la société "son et lumière" maintes fois oscarisée de George Lucas qui a permis de créer de véritables mythes du cinéma comme les vaisseaux de "Star Wars" ou les dinosaures de "Jurassic Park", a accompli une fois de plus de véritables prouesses techniques en matière d'images de synthèse et nous bluffe du début à la fin du film.
Les machines sont ultra réalistes et échappent au côté "flou" de leur dernière production similaire : "Transformers". Un réel progrès qui nous laisse plus d'une fois pantois.

Mais ILM ce n'est pas que l'image c'est aussi le son. Et de même que le visuel, les effets sonores jouissent d'une qualité exemplaire, donnant une personnalité unique à ces monstres d'acier et soulignant sans peine leur aspect menaçant. Il suffit d'entendre le mugissement métallique du colosse, à vous glacer le sang, pour s'en assurer...
La musique va également dans cette direction en proposant essentiellement des sonorités industrielles angoissantes. Danny Elfman, qui succède à Brad Fiedel et Marco Beltrami, reste bien loin de son univers Burtonien fantastique dont il est si familier. Ici tout n'est que chaos, fracas et désespoir et ses partitions accablantes nous font bien savoir que le bout du tunnel est encore loin. Mais quel bonheur de retrouver le thème principal de la série !

Sans retenue et exploitant son énorme budget, McG multiplie les scènes d'action bourrines sans pour autant négliger leur aspect visuel.
Bénéficiant d'un montage de qualité, ces scènes brillent par leur inventivité autant que par leur clarté. Employant à bon escient les images de synthèse et truffant le film d'explosions massives (parfois jusqu'à l'écoeurement...), McG satisfera sans aucun doute les amateurs d'adrénaline et de sensations fortes.
On en prend plein les mirettes et plein les oreilles : le spectacle est total !



Mais le succès des Terminator vient du mélange habile entre action pure et réflexion philosophique. En effet, loin de toute pyrotechnie gratuite et prétentieuse, James Cameron avait su, à l'époque, donner à ses films ce que de nombreux metteurs en scènes modernes oublient (MichaelTOUSSETOUSSEBay...TransTOUSSETOUSSEformers..) : une âme.
Et en dépit de certaines critiques assassines de la presse, "Terminator Renaissance" n'est pas qu'un simple blockbuster froid et vide d'intérêt.
Au contraire, on peut être (agréablement) surpris de voir que le scénario n'a pas été laissé de côté : le film propose des réflexions intelligentes, à défaut d'être réellement approfondies, sur la nature humaine et ce qui nous différencie d'un vulgaire mixeur. Mieux, en proposant un personnage inédit dans la saga (chut...), il s'efforce de repousser toujours plus loin la limite entre l'homme et la machine.

Pour ce qui est des personnages, ils sont également suffisament approfondis pour qu'on s'intéresse à eux et sont joués de manière convaincante.
En tête de liste, Christian Bale, la star du moment que tout le monde s'arrache depuis "The Dark Knight" incarne un John Connor beaucoup plus impliqué que ne l'était Nick Stahl dans le 3ème épisode et se partage l'affiche avec un Sam Worthington tout en muscle mais aussi plus de cervelle que prévu.
Si les seconds rôles manquent parfois de profondeur, on appréciera le retour de Michael Ironside ("Total Recall", "Starship Troopers") et la participation de la superbe Helena Bonham Carter ("Sweeney Todd") qui joue un rôle déterminant dans l'histoire.


Des scènes d'action explosives et un scénario travaillé, le film partait décidément sur de bonnes bases mais encore mieux, McG fait preuve d'un respect admirable pour le matériau d'origine. Non seulement, il dispose quelques répliques cultes ici et là mais il conserve une bonne cohésion avec les épisodes précédents, tant au niveau scénaristique (comme les relations entre les personnages, la reprise de la photo et la voix de Sarah Connor, plus une belle surprise à la fin...) que de la mise en scène : on retrouve les modèles T 800 du premier film, les vaisseaux du second mais aussi l'imposant prototype du 3ème et la fin du film reprend les élements du 2ème épisode, comme la fonderie. Le film installe un univers cohérent sans oublier les éléments essentiels de ses prédecesseurs. En dépit de quelques scènes un peu navrantes (dont une love story bien cliché) et de quelques exagérations typiques du cinéma américain, ça reste du beau boulot.




En dépit des mauvais pressentiments, "Terminator Renaissance" porte bien son nom : il relance la saga pour de bon. Anticipant les blockbusters estivaux, le film fait une entrée fracassante dans cette saga de légende et s'affirme comme digne successeur de la série : Le film d'action de ce début d'été !
Même si je lui préfère amplement le deuxième épisode (rappelons qu'il avait gagné 4 oscars et 2 nominations et puis surtout que McG est loin d'avoir la fibre visionnaire de James Cameron...), je ne dirai qu'une chose : LA SUITE, LA SUITE !

Note : ***

lundi 1 juin 2009

Panic Room


Afin de commencer une nouvelle vie, Meg Altman achète une immense et splendide maison située dans un quartier huppé à l'ouest de New York. Son ancien propriétaire y a fait construire au dernier étage une pièce de sûreté dans laquelle on peut se réfugier en cas de menace extérieure et rester enfermé de nombreux jours grâce aux provisions qu'elle contient.
Cependant, Meg n'aurait jamais pensé s'en servir dès le premier soir. En effet, trois cambrioleurs ont pénétré dans la maison avec la ferme intention de dérober une somme de quatorze millions de dollars cachée par l'ancien maître des lieux. Tout porte à croire que ce butin est dissimulé dans la pièce de sûreté, là où se sont réfugiées Meg et Sarah.







En tant que réalisateur, David Fincher a deux personnalités.
Dans la première, il remplit des films glauques de scènes horriblement gores (« Fight Club », « Alien 3 », « Seven) et dans la seconde, il fait des thrillers angoissants dans un style beaucoup plus sobre (« Zodiac », « The Game »).


« Panic Room » fait sans conteste partie de la seconde catégorie.
Les plans sont léchés et la caméra se déplace librement à travers les moindres interstices de la maison, ce qui nous vaut un des plus beaux plan séquence de l'histoire du cinéma.
Les mouvements de la caméra permettent au réalisateur une liberté totale et s'il multiplie les gros plans extrêmes et les angles biscornus, il ne cède jamais à l'esbrouffe visuelle.


Vu que les héroines vont rester enfermées plus de la moitié du film dans leur cage à lapin blindée, Fincher ne pouvait pas choisir de meilleur point de vue que celui de la claustrophobie.
La maison est bourrée d'escaliers étroits et de recoins sombres et Fincher use et abuse des caméras de surveillance intégrées de la maison pour nous donner l'impression que l'on est réellement dans le film.

Si visuellement, le film est impeccable, on ne peut qu' applaudir l'ambiance sonore.
Le son est un aspect important du scénario. Dans ce genre de situation, le moindre bruit de pas est un arrêt de mort assuré, et les voleurs se doivent de rester le plus silencieux possible pour ne pas alerter le voisinage (même si en fait ils hurlent souvent...).
Si chaque bruit a son importance, c'est justement l'absence de son qui est le plus inquiétant (la scène sans effets sonores est d'ailleurs magnifique!) et Fincher joue habilement sur l'utilisation des caméras de surveillance « muettes » et des hauts parleurs.

Du côté de la musique, Howard Shore reprend les thèmes de prédilection de sa période Cronenberg et fait vibrer les cordes de façon particulièrement stressante.



Vu le contexte, on pourrait croire que le film suit un rythme lent pour installer une ambiance pesante, mais non. Si on frôle parfois la panique (encore une fois, la séquence sans bruitages), le montage est rythmé, les dialogues sont soignés et regorgent de références, les scènes s'enchaînent sans temps mort et sans que l'on s'en rende compte on a déjà passé 1h30 de pellicule!


Rien à dire donc du côté de la réalisation, mais c'est bien le scénario qui surprend le plus.
Le scénariste David Koepp est un habitué du fantastique et plus particulièrement des blockbusters (il a signé les scénarios de nombreux Spielberg dont « Jurassic Park »).
Ici ni fantastique, ni blockbuster mais un script remarquablement bien troussé.
Aux premiers abords, l'histoire semble très conventionnelle mais rapidement le scénario prend des tournures inattendues et nous prend constamment par surprise.

Non seulement les trois cambrioleurs ne sont pas de simples stéréotypes mais ils possèdent une personnalité recherchée qui sort des sentiers battus.
De leur côté, la mère et la fille, prisonnières dans leur propre maison, vont se révèler pleines de ressources.
Ce qui s'apparentait à un « simple » cambriolage va se transformer en véritable combat des esprits et chaque camp va devoir redoubler d'intelligence pour s'en sortir.
Malin, Koepp muliplie les surprises et ira même jusqu' à inverser les rôles...



Mais que serait le film sans ses interprètes?
Si Jodie Foster est toujours aussi excellente, on prend un vrai plaisir à admirer les prestations de Jared Leto ("Requiem for a Dream", "Lord of War") et Forest Whitaker ("Le dernier roi d'Ecosse"). Quand à Dwight Yoakam, s'il demeure caché un certain temps sous sa cagoule, il a la tête du parfait psychopathe.



On peut reprocher une fin typiquement Hollywoodienne où les personnages deviennent brusquement des murs de brique capable d'encaisser les coups : le méchant se prend un coup de masse dans la tête suffisamment puissant pour lui éclater le crâne comme un melon trop mûr avant de s'écraser un étage plus bas...ce qui ne l'empêche pas de remonter (sur les genoux, mais quand même..) et de faire son rôle de méchant.
Sans oublier que la cavalerie arrivera, comme toujours, juste quand on n'a plus besoin d'eux.



Malgré une fin un peu décevante, le film réussit à nous tenir en haleine durant deux heures entières. La mise en scène inspirée de Fincher, le scénario surprenant et les performances remarquables des acteurs suffisent pour faire de « Panic Room » un thriller passionnant.
Une fois que les cambrioleurs pénètrent dans la maison, on ne quitte plus l'écran des yeux!

Note : ***