vendredi 5 juin 2009

Les Glandeurs



Lorsque Brodie se fait larguer par sa copine, il se réfugie au centre commercial en compagnie de son amie T.S. dont la copine vient de le plaquer aussi.
Pour reconquérir le coeur de leur ex, ils décident de faire appel à des délinquants confirmés, Jay et Silent Bob, dont les exploits donnent une nouvelle dimension à l'expression « désordre public ».





Cette gentille comédie pour ados mérite bien plus que l'accueil exécrable qu'elle a reçu au box office et les critiques, loin d'être élogieuses, qu'elle a écopé.
Et pour cause, « Les Glandeurs » est le second film de Kevin Smith, le réalisateur culte du non moins culte « Clerks ».
Avec un budget dérisoire mais de bonnes idées à la pelle, Smith y faisait preuve d'une maîtrise affinée des dialogues truculents et d'un sens aigu de la mise en scène, ce qui fait que « Clerks » continue souvent d'être cité parmi les plus grands chefs d'oeuvre du film indépendant.


Si « Les Glandeurs »  reprend les recettes qui ont fait le succès du premier, le film est d'un tout autre acabit.
Second film oblige, Kevin Smith voit plus grand et la petite supérette d'origine où « Clerks » se déroulait devient un centre commercial immense, lieu de pérégrinations (voire de pélerinage) des deux personnages principaux.
Et en bons « héros de Kevin Smith », ces deux personnages ne s'intéressent qu'à deux choses : les filles et la culture geek.

Culture geek qui se définit dans le film par tout ce qui se rapporte aux comics, au cinéma et aux jeux vidéo. Pas étonnant donc de retrouver de multiples références à « Star Wars », « Batman » et aux BD de super héros Marvel. D'ailleurs, le film bénéficie d'un magnifique générique en bande déssinée, comme entrée en matière on a rarement fait mieux...
Encore plus fort : les fans seront ravis d'apprendre que le légendaire Stan Lee lui même y fait une apparition aussi remarquée que savoureuse.



Si « Les Glandeurs »  et « Clerks » évoluent dans le même univers, ce film n'est pas une suite de « Clerks ». Les personnages principaux ne sont plus les modestes « employés modèles » mais simplement deux ados, incorrigibles bons à rien, comme on en voit tous les jours.
Quant à l'histoire, elle est aussi simpliste que le décor dans lequel elle se déroule : deux types déambulent dans un grand magasin. Voilà, c'est tout.
Du moins en apparence parce qu'avec Kevin Smith ce sont moins les situations qui comptent que la manière dont elle se déroulent.

Ce centre commercial donc devient alors un véritable microcosme où l'on rencontre tout un tas de gens plus ou moins amicaux et plus ou moins...dérangés.
Car si le collectionneur de BD, le gaffeur transi d'amour, l'exhibitionniste et le modèle de prêt à porter qui aime bien « prendre les filles dans un endroit inconfortable » passent pour des gens à peu près normaux, difficile de dire de même du célèbre duo de Jay et son ami muet Silent Bob (joué par Kevin Smith, lui même).


Deux personnages extravagants, une relation bizarre. En dire plus relève de la gageure car comment parvenir à définir ce couple, aussi saugrenu que grotesque, de Laurel et Hardy shootés et heavy métalleux dans l'âme?
Ces deux personnages sont pourtant les chouchous du public et la marque de fabrique de Kevin Smith puisque on les retrouve dans chacun de ses films. Ces deux là passent leur temps à essayer de se sortir de situations inexplicables et à aligner les gaffes avec une plaisir délectable et communicatif.
Bien que leur rôle soit souvent secondaire, le duo s'accapare le film dès leur arrivée à l'écran, tant et si bien qu'on attend leur prochain « mauvais coup » avec plus d'entrain que les rebondissements de l'intrigue principale. Sans pour autant que l'intrigue ne soit bâclée, loin de là.


Malgré la multitude de personnages secondaires qui interviennent au cours du film, chacun possède une personnalité propre, travaillée et originale.
De plus, chacun est parfaitement interprété par des acteurs souvent méconnus mais talentueux.
Le duo Jason Mewes et Kevin Smith mis à part, on se souviendra surtout de la performance enjouée de Jason Lee qui interprête le geek de base en évitant la caricature pure et simple et de Michael Rooker, hallucinante montagne de nerfs constamment sur le point d'exploser.


Mais les films de Kevin Smith se reconnaissent surtout par leurs dialogues à la fois décalés et perspicaces. Si techniquement dans « Les Glandeurs »  il ne se passe presque rien, c'est l'occasion pour le spectateur d'assister à de véritables dissertations philosophiques sur le sens de la vie et de la BD en général.
Ca paraît idiot aux premiers abords, mais c'est come chez Van Damme : sous le ridicule se cache toujours un fond de vérité...
Pour peu qu'on fasse un tant soit peu partie de cette culture geek, on s'accroche rapidement aux personnages et si l'on rigole souvent, on gardera surtout en mémoire les scènes cultes de la « paume puante » et de la voyante.


En revanche, là où le bas blesse c'est au niveau de la mise en scène.
Kevin Smith c'est un peu le Francis Veber américain : pour filmer les dialogues, il n'y a pas mieux mais quand il s'agit des scènes d'action, il se fait un peu poussif...
Mais il faut garder en tête que ce n'est que son second film et son premier film « de studio ». Il fera bien mieux par la suite.



Elevé aux comédies de John Hugues et John Landis, Kevin Smith réalise ce qu'il appelle un « Porky's intelligent », où la vulgarité des dialogues n'éclipse pas la pertinence de la réflexion. Des répliques inspirées, des personnages attachants et une histoire originale ; « Les Glandeurs »  est une sacrée bonne farce, bien plus travaillée qu'elle n'y paraît.
Massacré par la critique, le film possède désormais son lot d'afficionados à travers le monde et ne fait aucunement défaut à la filmographie de Kevin Smith.
Un film de geek, fait par des geeks pour des geeks.

Note : **

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