samedi 20 juin 2009

Les Berkman se séparent



Il y a bien longtemps que les romans de Bernard n’ont plus de succès alors que sa femme Joan, qui écrit aussi, est en pleine ascension. Rien ne va plus entre eux. Ils ont décidé de divorcer. C’est une catastrophe pour leurs deux fils de 12 et 16ans



Et allez, encore un film sur le divorce ! Les familles monoparentales ont la côte au cinéma, semblerait-il. Le divorce est une source inépuisable pour les scénaristes en manque d’inspiration. Que nous ont t’ils concocté cette fois ci ?
Une comédie romantique à l’eau de rose ("La rupture") ou un mélodrame un peu trop forcé sur le pathos ("Kramer contre Kramer").

Ni l’un ni l’autre. Et autant le dire tout de suite, le scénario du film n’effleure pas une seconde celui des précédents.
Le réalisateur Noah Baumbach est un spécialiste des histoires douce- amères qui font autant rires que réfléchir : c’est le scénariste de "La Vie Aquatique" de Wes Anderson…
Et pas étonnant que le film soit si original quand on sait que c’est Wes Anderson lui-même qui a produit le film.
La trame du scénario part vraiment dans des chemins inattendus. Les personnages principaux ne sont pas seulement des adultes mais aussi des enfants. On a donc de nombreux points de vue différents à travers l’histoire.

Ici pas de pathos rentre dedans façon « Il ne faut pas divorcer, ça fait du mal aux enfants » ou d’humour noir à la "Guerre des Roses".
Non, les situations comme les comportements sont réalistes.
Non, réaliste n’est pas un mot assez fort… Authentiques !
C’est ça, bluffant d’authenticité. Tout comme les acteurs !

Les quatre acteurs principaux sont d’une justesse incroyable. Ils disparaissent littéralement derrière leurs personnages.
La ravissante Laura Linney ("Love Actually") prouve une fois de plus qu’elle est une actrice extraordinaire et Jeff Daniels ("Dumb et Dumber") est absolument méconnaissable.
Les jeunes Jesse Eisenberg et Owen Kline sont eux aussi remarquables de naturel et l'on ne peut qu’éprouver de la sympathie pour leurs personnages.

Seul le transparent William Baldwin ("Backdraft") fait un peu tâche au milieu du décor mais il n’apparaît pas souvent à l’écran.



A travers leurs relations, chacun va tenter de se redéfinir.
Les parents doivent commencer une nouvelle vie chacun de leurs côté tout en oubliant progressivement ce qu’ils ont vécu ensemble et les deux garçons se retrouvent face à une véritable crise d’identité.
Le plus jeune découvre sa sexualité et cherche à rester proche de sa mère tandis que le second se voit inconsciemment conditionné par l’attitude du père : il suit ses conseils et reste très attaché à lui, si bien qu’il finit par rejeter sa mère.

Se définir cela veut aussi dire chercher l’âme sœur.
Si les relations amoureuses des adolescents sont sujets à d’innombrables films plus ou moins navrants vantant une sexualité débridée et des comportements stéréotypés, le film penche plutôt sur l’hyperréalisme de Larry Clark : les situations sont troublantes de crédibilité et les dialogues, étonnamment crus, sont parfois choquants pour qui ne s’y attend pas.


Le budget minuscule n’empêche pas le film d’être réellement abouti sur le plan technique. La photographie faussement ordinaire nous plonge dans un quotidien convaincant et les mouvements de caméra ne perdent pas une miette des dialogues.
Les personnages mis en scène sont intelligents, et cultivés de surcroit, et le réalisateur ne manque jamais une occasion pour placer une référence à un écrivain célèbre ou à des films classiques (notamment ceux de la Nouvelle Vague française).
Mais la référence la plus marquante reste cette chanson des Pink Floyd qui revient comme un leitmotiv, rappelant constamment ces personnages perturbés et isolés que sont devenus les membres de cette famille autrefois si unie.


En associant le réalisme de Larry Clark et la tendresse de Sophia Coppola, Noah Baumbach livre un tableau magnifique d’une famille brisée. Il échappe aux poncifs du genre et ne se veut pas moralisateur pour un sou (pas de Happy End ; on ne peut pas revenir en arrière).
Primé au festival de Sundance (meilleur scénario et meilleur réalisateur), le film est porté aux nues par un quatuor d’acteurs splendides et prometteurs.

Le cinéma indépendant américain dans ce qui se fait de mieux.

Note : ***

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