lundi 15 juin 2009

Coraline


Coraline Jones est une fillette intrépide et douée d'une curiosité sans limites. Ses parents, qui ont tout juste emménagé avec elle dans une étrange maison, n'ont guère de temps à lui consacrer. Pour tromper son ennui, Coraline décide donc de jouer les exploratrices. Ouvrant une porte condamnée, elle pénètre dans un appartement apparemment identique au sien...




On l'oublie souvent mais ce n'est pas Tim burton qui a réalisé « L'Etrange Noël de Monsieur Jack » mais Henry Selick, également auteur du méconnu « James et la Pêche Géante ». Après de longues années passées dans l'ombre de son confrère (il faut dire ce qui est...), ce prodige de l'animation image par image revient enfin sur le devant de la scène avec un nouveau long métrage qui va marquer les esprits : « Coraline .


Après « Les Noces Funèbres », de Tim Burton justement, « Coraline » nous montre à son tour qu'à l'heure du tout numérique, l'animation traditionnelle a encore de beaux jours devant elle. Tout comme les images de synthèse, la technique de l'image par image a progressé de façon sidérante et on reste abasourdi face aux améliorations dont bénéficie « Coraline ».
Il est loin le temps du Jack filiforme qui ne pouvait prendre qu'une « petite centaine » d'expressions différentes : ici non seulement les personnages sont incroyablement réalistes mais leur nombre d'expressions faciales semble purement infini. A ma connaissance aucun long métrage animé de cette manière n'a déjà mis en scène des personnages si humains...même si on n'échappe pas à la caricature (volontaire) de certains protagonistes.

Pour autant, Selick et son équipe n'ont pas cherché à reproduire basiquement des êtres humains dont seule la perfection plastique susciterait l'enthousiasme.
Au contraire loin de représenter chaque muscle et chaque plissement de peau, les créateurs du film se sont essentiellement concentrés sur les traits spécifiques de chaque personnage de manière à ce que leur personnalité transparaisse à travers leurs différentes attitudes. J'enfonce peut être une porte ouverte mais c'est tellement frustrant dans l'animation quand des personnages (en images de synthèse le plus souvent) incroyablement réalistes demeurent froids comme la glace...

Ici rien à craindre. Les personnages sont tellement convaincants que l'on oublie très rapidement qu'il s'agit de simples marionnettes.
Le meilleur exemple est certainement le personnage principal, Coraline, qui semble plus vraie que nature. Cette petite fille espiègle en qûete de liberté et de nouveauté que ne peuvent pas lui offrir ses parents, éternellement absorbés par leur travail, possède des mimiques absolument irrésistibles !

Mais « Coraline » ce n'est pas juste les personnages ce sont aussi les décors.
Tout comme dans les « Noces Funèbres », la vie réelle est désespéremment morne et terne (il pleut sans arrêt et un épais brouillard vient masquer l'horizon, ne laissant plus entrevoir que le vieux manoir délabré où vient d'emmenager Coraline) tandis que le nouveau monde qui s'offre à elle est un enchantement de tous les instants.

Alors que Coraline découvre ce monde parallèle, difficile de s'empêcher de comparer le film de Selick avec celui de Burton. Chez Burton le monde des morts se veut peinturluré de couleurs vives, que les rues illuminées rendent chatoyantes. Dans « Coraline » les décors ne sont pas bariolés ils sont resplendissants, les couleurs ne sont pas chatoyantes, elles sont éclatantes et l'autre demeure de Coraline n'est pas illuminée mais brûle de mille feux à la clarté de la lune!

La caméra de Selick ne perd d'ailleurs aucune miette de ces visions à l'éffarante beauté et ne semble connaître aucune limite pour évoluer dans les décors. Pour ce genre de film, la fluidité des mouvements est exemplaire
A elle seule la scène du jardin suffit pour nous prouver l'importance des moyens mis en oeuvre pour créer ces extérieurs à la fois gigantesques et majestueux : la caméra se pose sur chaque végétal, qui s'éveille alors au passage de Coraline, puis virevolte avant de s'envoler dans les airs pour un travelling arrière grandiose.



Mais tout n'est pas rose au pays de Coraline et une fois que le ton de l'histoire s'assombrit, le film fait de même. Nos certitudes s'effondrent alors comme un vulgaire château de cartes et les couleurs scintillantes font place à une esthétique macabre plus Burtonnienne (on pense notamment à « Beetlejuice » et à « Edward aux mains d'argent ») tandis que les personnages se métamorphosent en créatures difformes et les meubles en insectes géants...

C'est à ce moment que le film commence à poser certaines questions en filigrane comme : Jusqu'où est-on prêt à aller pour une vie meilleure? Et surtout qu'est-on prêt à perdre pour l'obtenir?
En tant que conte moral pour enfants, le film nous montre que l'herbe n'est pas forcément plus verte dans le pré d'à côté et qu'il faut savoir accepter ce que l'on a déjà.
Evidemment le thème de l'oeil, du masque et du miroir sont très présents tout au long du film et les apparences sont, une fois encore, bien trompeuses...
Sans oublier que le thème du double, voire du doppleganger-du quoi?-n'est pas étranger non plus ; rien que le nom de l'héroine rappelle le sujet(Coraline/Caroline).


La qualité artistique du film est également due à son ambiance sonore.
Les doublages des différents personnages sont remarquables, surtout Teri Hatcher (« Desperate Housevives) qui doit jouer sur plusieurs registres. Mais la palme revient naturellement à la jeune Dakota Fanning (« Man on Fire», « La Guerre des Mondes ») qui se glisse avec talent dans la peau de la malicieuse Coraline, en lui prêtant sa voix.
Et autant que les voix, c'est bien la musique qui crée le charme angoissant du film. Suscitant parfois l'appréhension, parfois le sentiment, parfois la fascination, Bruno Coulais ("Microcosmos ", "Les Choristes") réussit une BO magnifique, employant intelligemment des choeurs d'enfants et des chansons plus traditionnelles.



Si visuellement « Coraline » est unique en son genre, il n'est certainement pas vierge de toute référence. Au contraire, il mélange habilement les clins d'oeil aux contes à la littérature et au cinéma.
En premier lieu on reconnaît évidemment « Alice au Pays des Merveilles » : le tunnel qui mène à un monde surréaliste et psychédélique mais aussi le chat parlant qui sert de guide à Coraline et le thème du miroir que l'on peut, ou non, traverser (« Through the looking glass »).
Sans oublier que les personnes que l'on croit folles dans le monde réel (le russe excentrique, les voisines légèrement séniles) et que l'on redoute ( le père de Coraline sursaute quand des sans abris se mettent à faire leur numéro) ne deviennent qu'une formalité dans l'autre monde : comme le lièvre et le chapelier dans le livre de Lewis Caroll, tout le monde est fou là bas.
On pourra aussi reconnaître « Le bossu de notre Dame » ou encore « La Belle et la Bete » d'après l'idylle qui se forme entre Coraline et Padbol, qui se tient souvent bizarrement et qui agit de même.
La séquence où les voisines se griment en sirène au théâtre peut également être un clin d'oeil au « Aventures du Baron de Munchausen ».
Le splendide jardin, immense et luxuriant, semble sortir tout droit du « Magicien d'Oz » de Fleming, quant au néant, qui efface toute trace de vie, n'est-il pas réminescent de « L'Histoire sans Fin »?
Toutes ces références sont probablement fortuites mais elles accentuent
indéniablement l'harmonie visuelle du film.



A une époque où l'animation ne semble plus jurer que par les images de synthèse, « Coraline » apparaît comme une véritable bouffée d'air frais.
A la fois beau, drôle et effrayant, il met en scène une jeune héroine adorable et crédible et bénéficie d'une direction artistique hors du commun.
Un joli conte-pour enfants comme pour adultes-réalisé avec des doigts de fée.
Un vrai coup de coeur!

Note : ****

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