dimanche 18 juillet 2010

Marathon Man


Babe Levy, étudiant d'Histoire et coureur de marathon, mène une enquête pour retrouver l'identité de son père disparu. Il plonge malgré lui dans le monde impitoyable des intrigues internationales.





Mondialement connu pour sa célèbre scène de torture qui implique un dentiste sadique et psychotique, « Marathon Man » est certainement l'un des meilleurs thrillers des années 70. De sa mise en scène chirurgicale, au scénario captivant et inventif, en passant par un casting international de haute volée, chaque aspect du film mérite le respect. Dirigé d'une main de maître par John Schlesinger (« Macadam Cowboy »), il plonge le spectateur au coeur d'une intrigue implacable et sombre qui le tient en haleine, crispé aux accoudoirs, jusqu'au dénouement final.

Incisive et brutale, la mise en scène apporte au film une force peu commune et multiplie les scènes choc. D'ailleurs, l'impact de la fameuse séquence de torture mentionnée ci-dessus aura été tel que la production ordonna de nombreuses coupes afin de respecter la censure de l'époque. Redoutable dans sa présentation de la violence à l'écran (dont une fusillade dans une maison abandonnée qui n'est pas sans rappeler le « Chiens de Paille » de Peckinpah), la patte de Schlesinger emprunte également au célèbre « French Connection » de Friedkin. En effet, même si chaque séquence de « Marathon Man » a été répétée de multiples fois pour parvenir à un niveau d'interprétation qui frise l'excellence, le film donne souvent l'impression d'avoir été filmé dans la rue parmi les badauds, inconscients de la trame principale. Et c'est aussi c'est aspect parfois quasi-documentaire qui crée cette empathie avec les personnages et qui, en un sens, rend l'histoire plus réaliste – donc plus effrayante. Sans compter que plus qu'un divertissant thriller d'espionnage, « Marathon Man » est un sacré pavé dans la mare du politiquement correct et lorque les noms Auschwitz et « Der Weisse Engel » se font entendre, les vieux demons du passé ressurgissent alors avec haine et fracas. Une mise en abîme inhabituelle pour un film de ce genre mais qui réflète idéalement la noirceur du scénario.

Si « Marathon Man » est aussi réussi c'est également parce qu'il emprunte aux meilleurs. Le scénario du film est de William Goldman, d'après son propre roman. Ceux qui connaissent un peu son oeuvre savent à quel point les qualités de son écriture reposent sur une intrigue bien ficelée (il est également auteur de « Les Hommes du Président » sorti la même année) et des personnages charismatiques, souvent inoubliables (« Princess Bride » et "Butch Cassidy et le Kid", c'est lui). « Marathon Man » réunit les deux avec un brio qui frôle parfois la perfection. En totale adéquation avec Levy, le spectateur est malmené par des personnages à l'identité douteuse tout au long du film sans savoir de quoi il retourne, et à mesure que l'intrigue s'éclaircit, les retournements de situation ne cessent d'accentuer le suspense.

Par ailleurs, chaque rôle est parfaitement écrit et interprété par de talentueux comédiens. Babe Levy est joué avec conviction et naiveté par un Dustin Hoffman impeccable. Acteur phare des années 70, Hoffman est surtout un véritable caméléon et au cours de son imposante carrière, il a su démontrer à plusieurs reprises l'étendue de son jeu d'acteur. Dans « Marathon Man », il campe un jeune étudiant particulièrement crédible (il a pourtant déjà la quarantaine au moment du tournage) et livre une interprétation parfois désarmante de naturel. On est d'autant plus ébloui par sa performance quand l'innocence de son personnage se mue en une rage implacable et vengeresse; là encore « Chiens de Paille » nous revient immédiatement à l'esprit.

A ses côtés pullulent des seconds rôles savoureux. Si Hoffman demeure l'un des fers de lance du cinéma dans les années 70, que dire de Roy Scheider qui enchaîne les succès au box office de l'époque. Quand sa carrière explose avec « Les Dents de la Mer » de Spielberg en 1975, il a déjà conquis le public et la critique dans « French Connection ». Il interprète ici le frère cadet de Babe mais son double-jeu et son charisme mystérieux rendent son personnage bien plus fascinant qu'il n'y paraît. Mais si Scheider crêve l'écran (la scène du dîner, brillante et audacieuse), que peut-il faire face à l'immense Lawrence Olivier?

Souvent cité comme le plus grand acteur du siècle dernier (plus d'une dizaine de nominations aux Oscars!), Olivier est une légende vivante dont les compositions Shakespeariennes théâtrales résonnent encore dans la mémoire de beaucoup. En trois mots énigmatiques (« Is it safe? »), il parvient à nous convaincre du caractère implacable et cruel de son personnage. D'un coup, ce qui aurait pu n'être qu'une « simple » scène de torture devient instantanément une séquence culte de grand cinéma. Encore plus impressionant, il parvient à faire de ce dentiste adepte de la terreur psychologique, non pas un bourreau sanguinaire et stéréotypé, mais un vieux medecin faiblissant qui prend plaisir à faire son travail. Le personnage échappe alors à toute approche manichéenne du méchant sadique classique du cinéma de genre et gagne de ce fait en humanité. Le résultat est aussi dérangeant par la cruauté du personnage que jouissif par l'interprétation de l'acteur. Malgré une présence à l'écran assez réduite, Olivier campe sans conteste l'un des meilleurs méchants du cinéma et sa composition lui vaudra une nomination aux Oscars comme meilleur second rôle.



Si le film n'est pas exempt de défauts - notamment une fin un peu trop conventionelle - « Marathon Man » surprend encore par la qualité de son interprétation et l'efficacité parfois insoutenable de certaines situations. En d'autres mains, le film aurait finit en tant que série B sans éclat, mais il demeure encore aujourd'hui un modèle de film d'espionnage, intense et immoral.

Note: ***

Aucun commentaire: