vendredi 12 décembre 2008

Audition




Veuf, Aoyama rêve secrètement de se remarier. Son ami, producteur de télévision, a une idée ingénieuse : organiser un casting pour une série télé afin de trouver la perle rare. C'est ainsi qu'il fait la connaissance d'Asami, une jeune femme timide à la beauté troublante...

Encensé par la critique, Audition s'est forgé une réputation d'oeuvre choc.
« Un sommet d'effroi déjà culte »
« Un véritable choc comme le fut Massacre à la tronçonneuse en son temps »

Avec ce genre de critique, pas besoin de me dire deux fois de voir le film!

Audition est clairement divisé en deux parties.

La première nous présente le personnage principal (joué par Ryo Ishibashi, sidérant de naturel). On le découvre au chevet de sa femme avant qu'elle ne meure puis on l'observe dans sa vie quotidienne. Aux journées passées au bureau et ses discussions avec son ami se succèdent les relations qu'il entretient avec son fils qu'il élève seul.

Vient ensuite la scène de l'audition où il rencontre Asami. Pour lui c'est certain c'est la femme de ses rêves. De coups de téléphones en dîners au restaurant, ils vont peu à peu se rapprocher...

Cette première partie, Takashi Miike la filme comme un mélodrame.
La musique se fait très présente, les situations font presque clichés (Asami est la douceur incarnée et cherche à le revoir à tout prix), on a vraiment l'impression de regarder le feuilleton du dimanche soir.
A ceci près que Miike impose un style élégant et travaillé à l'opposé des prodcutions télé. La photographie du film est impeccable, chaque plan est superbe. Il multiplie les plans fixes interminables et soigne le montage de façon à maintenir l'attention.

On sait tous que le film va basculer dans l'horreur à un moment donné, d'instinct on se prépare au retournement de situation tant attendu, mais il ne vient pas...
La première partie est en effet plus importante que dans les films du genre car elle ne se contente pas de présenter les personnages, elle leur permet d'évoluer et de tisser leurs relations.
Sur les 2 heures du film, plus de la moitié sera consacrée à l'histoire d'amour qui se crée.

Et là on se dit que si le film nous a épargné durant tout ce temps, on va vraiment en prendre plein la tête durant la dernière demi heure!

Oui et non...

Au Japon, le succès du Ring de Hideo Nakata a engendré de nombreuses productions de films dont l'horreur est basée sur les effets de surprise et les phénomènes surnaturels.

Miike renverse la tendance en mettant en scène des situations beaucoup plus réalistes.
Dans Audition, la peur ressentie par le spectateur est davantage liée à la douleur : la scène culte du film est en effet une scène de torture. Pour le personnage d'Asami (Eihi Shina, visage d'ange, sourire de psychopathe!), souffrance et amour sont naturellement liés.
Si on aime quelqu'un, on lui appartient corps et âme...surtout corps!

Mettre le spectateur mal à l'aise, c'est le but recherché par le réalisateur. Et de ce côté, je dirais que le film est dangereux pour un public non averti. En montrant le côté effrayant de l'âme humaine, Miike va loin dans la violence extrême et le sadisme.
Le film peut réellement se montrer traumatisant pour des spectateurs sensibles.

ATTENTION SPOILER



Pour ma part, je n'ai pas été plus choqué que ça pour deux raisons.

D'abord, visuellement la scène est très efficace mais même sans regarder attentivement on voit que le plus choquant est suggéré par le montage et les bruitages (extrêmements réalistes, par ailleurs).
Et puis le coup du pied jeté contre la vitre au premier plan, si c'est pas de l'humour noir chargé de dédramatiser, je ne vois pas ce que c'est...

La peur et la tension nous font imaginer des choses que l'on ne voit pas à l'écran.
Je ne voulais pas d'un autre Hostel ou d'un énième Saw mais je trouve que le sujet permettait d'aller beaucoup plus loin...
Ne croyez pas que je suis un adepte du gore à tout va, la preuve j'ai trouvé que là scène où Aoyama décide d'appeller chez Asami est la plus terrifiante du film (et elle ne bénéficie d'aucun effet spécial).

D'un autre côté le film a été réalisé avant les autres Saw et compagnie donc je comprends que pour l'époque il a fait sensation. Il s'agit peut être même d'un précurseur dans son genre.

Tout ça pour dire que la scène est donc loin d'atteindre l'extrême limite de la cruauté.
En revanche, après recherches, il semble que Miike n'est pas cherché à aller jusqu'au bout en matière de violence. Il s'est en effet fixé des limites pour respecter le livre (le film est tiré d'un roman de Murakami).

Mais surtout la scène est entrecoupée de séquences oniriques. Drogué, Aoyama se met à délirer et le film nous met alors face à des images de terreur sans nom.
Oui on est dégoûté par ce que l'on voit, oui on a envie de détourner le regard et de rallumer la lumière mais Miike a peut être oublié une chose : ce n'est qu'un rêve...

Dans un rêve, on peut mettre n'importe quelle créature immonde ou faire subir les pires sévices à quelqu'un, ce n'est pas la réalité. On sait très bien que pendant ce défilé d'images à glacer le sang, le héros est juste endormi. L'impact de la scène en est donc réduit puisqu'il n'y a pas de danger.

Une fois réveillé la scène de torture commence et au moment le plus angoissant, paf re rêve!
Le couple se retrouve dans un lit (rapport à une scène précédente). Ouf, c'était la scène de torture le vrai rêve. Tout est bien qui finit bien!
Arrête Miike, c'est évident que le film ne va pas se terminer comme ça, pourquoi tu nous fais le coup de la fausse happy end?
Non seulement c'est pas crédible mais ça relâche la tension et ça fait perdre du temps.

Bref cette fameuse scène qui aura fait couler tant d'encre ne dure en fait pas plus d'un quart d'heure (en comptant les coupures rêves) au total. C'est peu.

Quant au dénouement, on a malheureusement droit au Deus Ex Machina classique où un personnage secondaire surgit au moment opportun et se débarasse rapidement du méchant.


Dans une interview Miike disait « Au départ, je voulais tourner cette scène sans bruitages et sans musique, juste laisser les images défiler et puis je voulais finir le film sans générique, comme si on avait coupé la pellicule. Je voulais faire un film que les spectateurs regrettent d'avoir vu. »

Ah ben, il n'y a va pas avec le dos de la carrière le Miike, s'il voulait carrément que l'on déteste son film, il avait des idées en réserve...



FIN DU SPOILER




Audition est ce qu'on appelle un ovni cinématographique.
Inclassable et très particulier, le film marque une date dans l'histoire du film d'horreur. C'est une oeuvre majeure mais qui divise. La plupart auront du mal à d'adhérer à l'extrême violence véhiculée par le film.
Moi j'ai beaucoup aimé même si la fin m'a laissé sur ma...faim

Note : **

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