vendredi 12 décembre 2008

Princesse Mononoké




Blessé par un sanglier géant transformé en démon, le jeune guerrier Ashitaka doit quitter les siens et partir à la recherche du dieu-cerf qui, seul, pourra défaire le sortilège. Au cours de son voyage, Ashitaka rencontre Lady Eboshi, une sacrée femme à la tête d'une communauté de forgerons, qui doit se défendre contre les animaux de la forêt et une fille sauvage appelée la «Princesse Mononoké »...


Dans le milieu de l'animation japonaise, Hayao Miyazaki est une référence.
Avec son confrère Isao Takahata, il est le fondateur du célèbre studio Ghibli.

Miyasaki est souvent considéré comme le Walt Disney japonais. Honnêtement, cela peut signifier n'importe quoi mais c'est surtout une manière de dire que ses dessins animés atteignent un niveau de qualité rarement atteint.


Si au Japon Miyazaki était connu depuis longtemps, Princesse Mononoké est une de ses premières oeuvres qui a atteri chez nous.
Je me souviens encore de la première fois que j'ai vu le film. C'était dans un cinéma d'art et d'essai. Jamais un animé japonais ne m'avait marqué aussi profondément; il était vraiment différent de tout ce que j'avais pu voir auparavant.

A l'époque, la plupart des critiques ont dénigré le film pour sa violence extravagante. Le film a alimenté l'idée selon laquelle le cinéma d'animation japonais se complaisait dans la violence gratuite, ce qui pouvait nuire à nos chères petites têtes blondes.

Il est vrai que le film est violent, c'est d'ailleurs le plus violent de tous les Miyazaki mais si les critiques n'ont pas vu le message du film alors c'est qu'ils ont manqué le plus important.

Princesse Mononoké raconte le combat incessant que mène les animaux et les dieux pour protéger leur forêt des hommes et de leur folie destructrice. Chaque nuit les animaux replantent les arbres déracinés par les hommes pour alimenter le feu de la forge mais en ont plus qu'assez et veulent en finir. Les habitants de la forge doivent donc lutter contre ces créatures mais aussi se battre contre une armée venus prendre contrôle de la forge.

Princesse Mononoké est indubitablement le film le plus sombre de Miyazaki.
Oui les bras sont arrachés, oui les têtes volent dans les airs, oui le sang coule à flot mais la violence n'est jamais gratuite, elle apporte un réel plus à l'histoire. Avec un univers aussi cruel et réaliste, faire un film tout public n'aurait fait que dénaturer l'oeuvre.

En fervant écologiste, ses films sont tous empreints d'une sagesse et d'un respect de la nature comme on en voit peu.
Depuis son premier long métrage, Nausicaa de la vallée du vent, la relation qu'entretient l'homme avec son environnement joue une place primordiale.

Traumatisé par les attaques de Nagasaki et d'Hiroshima, Miyasaki n'hésite pas à placer des références aux horreurs qui en découlent.
De même que l'arbre géant de « Mon voisin Totoro » rappelle une explosion nucléaire, les sylvains, petits êtres difformes, sont réminiscents des enfants nés après la guerre, sujets aux radiations.
Il représente le dieu de la mort comme une gigantesque marée noire qui s'abat sur la terre.



Contrairement à la plupart des productions de l'époque que l'on pouvait « admirer » en suivant le Club Dorothée, personne n'est tout noir ou tout blanc. Il est impossible de distinguer gentils et méchants dans le film. Se voulant réaliste Miyazaki évite tout manichéisme primaire et met en scène des personnages eminament complexes, humains quoi.

Les hommes déracinent les arbres et détruisent la montagne pour pouvoir faire fonctionner les forges. Forges dont ils se servent pour faire fondre l'acier et ainsi fabriquer des arquebuses.
Quand à la haine qui transforme les dieux animaux en démons, ce sont eux qui en sont responsables.
Mais ces mêmes humains fabriquent ces armes pour pouvoir survivre.
Lady Eboshi, «la méchante du film » veut tuer le Dieu cerf seulement pour répondre à la volonté de l'Empereur. De plus, elle enrôle des femmes de petite vertu que tout le monde maltraite et prend soin de lépreux. Elle n'est donc pas mauvaise.

Ashitaka lui même, bien que héros de l'histoire, se laisse parfois envahir par la haine et tue de sang froid plusieurs samouraïs.

Chacun révèle a un moment ou un autre le côté sombre de sa personnalité et même les personnages les plus antipathiques ont de bonnes raisons de se battre.


De même, les femmes chez Miyazaki ne sont pas les demoiselles en détresse prises aux griffes des méchants ou les femmes fatales responsables de la chute du héros. Les femmes de la forge sont fortes et ont du caractère à revendre. Elle se révèlent aussi courageuses au combat que les hommes et refusent de se laisser marcher sur les pieds.
Pour autant, Miyazaki n'en fait pas des mâles avec un soutien gorge.
Elles gardent leur fémininité lorsqu'elles papotent entre elles et elles font même des avances à Ashitaka.

Et si Mononoké est une guerrière, elle n'en est pas pour autant femme. Il est impossible d'oublier son apparition bestiale lorsque, la bouche couverte de sang, elle suce la plaie d'un loup pour en extirper le poison mais sa douceur ressort instinctivement lorsqu'elle doit soigner Ashitaka.

La relation qui la lie avec lui est elle aussi moins évidente qu' à l'accoutumée.
Leur premier baiser est réellement touchant car ce n'en est pas vraiment un...

Aussi complexe que les personnages est la réalisation. Miyazaki est un esthète.
Chaque pierre, chaque arbuste a été dessiné puis peint avec un soin du détail impressionnant. La nature est sublimée à chaque plan par un choix méticuleux des couleurs et de la mise en scène.
Il suffit de voir un début de pluie à l'écran pour s'en rendre compte. Un plan fixe sur sur quelques roches montre progressivement des gouttes de pluie arroser le sol jusqu'à ce qu'une averse assombrisse brutalement le décor. Une vraie pluie n'aurait pas été plus crédible à l'écran.

La mise en scène elle même est une vraie surprise. Si la plupart du temps les plans restent fixes, l'animation prend parfois des aspects stuféfiants d'originalité. Le combat entre Mononoké et Dame Eboshi est filmé comme si l'on était l'un des deux combattants. Chacun frappe vers le spectateur à tour de rôle avec une authenticité dans les mouvements qui atteint des sommets.

Sans trop en dévoiler, la fin est un moment d'anthologie. Alors que la majorité des réalisateurs aurait fait intervenir un Deus Ex Machina pour sauver la situation, Miyazaki choisit de ne pas tomber dans la facilité et va jusqu'au bout de ses convictions en présentant une scène totalement cauchemardesque à laquelle personne ne s'attend...

Il faut aussi souligner l'efficacité des effets sonores.
Pour un film d'animation, ils sont aussi convaincants qu'intelligemment utilisés. Lors des combats les lames de métal se croisent avec rage mais c'est lorsqu'une flèche est décochée qu'on ressent tout le travail effectué à ce niveau. Et quand le dieu de la forêt apparaît à l'écran, le son disparaît totalement, lui donnant une allure mystique saisissante.

La musique de Joe Hisaishi, responsable des BO de tous les Miyazaki depuis ses débuts, est une fois de plus grandiose. Soulignant l'action à merveille elle sait se faire effrayante quand une scène l'exige. Elle est parfois tellement belle qu'elle en donne des frissons!

Magnifique histoire d'amour et de haine dans un Japon féodal habité par des démons et autres créatures du folklore japonais, Princesse Mononoké est aussi une fable écologique superbe.
Un film inmanquable pour tous les fans d'animation japonaise.

Note : ****

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