vendredi 12 décembre 2008

Aniki mon frère



Fuyant Tokyo, Yamamoto va à Los Angeles. Il retrouve son demi frère et prend la tête d'un gang. En imposant le code d'honneur des Yakuzas, il supprime les bandes rivales et étend son territoire.
Mais en refusant de traiter avec la mafia, il déclenche un affrontement meurtrier...

Le 9ème film de Takeshi Kitano.
Oui c'est important de le dire parce que comme Tarantino, Kitano n'est pas un réalisateur prolifique mais chacun de ses films est un événement.

Après Hana-Bi, je découvre donc un nouveau film de Kitano. Fait intéressant, c'est son premier film sur le territoire américain. Mais ce n'est pas pour autant que le film n'est qu'en anglais.
Le personnage joué par Kitano arrive du Japon et ne parle pas un mot d'anglais (c'est Lost in Translation à l'envers). Sa langue de prédilection reste donc le japonais.
C'est donc une bonne nouvelle pour les amateurs des deux langues et surtout ça renforce le réalisme.

Tout comme les langues, le film combine deux mondes différents.
Il associe des jeunes dealers de la rue, livrés à eux mêmes, aux anciennes traditions et à la discipline des Yakusas. Entre l'univers des petites frappes sans avenir qui vendent de la drogue pour survivre et celui où le fait de se suicider pour sauver son honneur n'est qu'une formalité, on assiste à un véritable choc des cultures.

Kitano c'est un acteur mais c'est surtout une présence. Son visage, marqué par un accident, est très expressif. Son personnage est d'un sérieux imperturbable mais qui peut se déchaîner à tout instant.
Peu loquace, c'est le genre de type qu'on ne regarde pas droit dans les yeux à moins d'avoir fait son testament.

A ses côtés, on trouve Omar Epps. Inconnu au bataillon mais plutôt bon acteur.
Sa première apparition le présente comme une racaille qui cherche les ennuis mais on se rend compte par la suite que c'est en réalité un brave type qui n'a juste pas bénéficié de l'éducation qu'il méritait.
Entre son personnage et celui de Kitano, c'est à la vie à la mort.
Bien qu'il se ramasse un tesson de bouteille dans l'oeil en guise de présentation (!), il est attiré par cet homme mystérieux qui ne connait pas la peur.
Leur amitié va se renforcer tout au long du film à tel point qu'ils deviendront frères spirituels.

Yamamoto est condamné à mort dans son pays mais il préfère aller finir ses jours ailleurs.

Un homme qui connait son destin ne connait pas la peur.
N' ayant plus rien à perdre, il va se jeter dans un carnage impitoyable pour se prouver qu'il vaut encore quelque chose.
Au fur et à mesure que les cadavres s'amoncellent, la notoriété de son gang s'accroît mais comme toujours, le pouvoir amène l'arrogance et les jeunes vendeurs de drogues jouent les Parrains.
Du haut de leur empire, ils se croient intouchables. Les vrais parrains du coin ne vont pas apprécier et ce sera la chute sanglante jusqu'au final, inattendu mais tellement évident.

Le film présente une guerre ouverte entre Yakusas, gangs black et Chicanos, autant dire que de l'action il y en a. Un réalisateur américain basique aurait sûrement choisi de glorifier les scènes d'action mais pas Kitano.



Ecoeuré par la violence exaggérée des films d'action modernes (vitres qui dégringolent sous les coups de feu, fusillades au ralenti, héros qui ne se font pas toucher, explosions gigantesques...), il s'éloigne des standards hollywoodiens en proposant une violence réaliste qui impressionne autant qu'elle choque. « Je veux que les scènes violentes fassent vraiment mal » dit-il. Voeu exaucé!

Pas de demi mesure ici, les tirs dans la tête entraînent une énorme giclée de sang sur les murs et certaines scènes de torture laissent un goût amer dans la bouche (les baguettes dans le nez, aïe!).
Sans parler des Hara Kiri et autres amputations du petit doigt, pratique visiblement très appréciée chez les Yakusas...


Les coups de feu sont imprévisibles et chaque balle tirée laisse un impact sur les corps.
Il faut voir Kitano se débarasser de 3 tueurs dans une voiture pour saisir la qualité de sa mise en scène. Entouré par deux mafieux et tenu en joue, il dévie brusquement l'arme vers le conducteur dont la cervelle vient s'étaler sur le pare brise. Il abat ensuite un des autres avec le pistolet qu'il cachait dans sa veste. La voiture continue en ligne droite jusqu' à percuter violemment une barrière. Le troisième tueur sort du véhicule en courant et essaie d'escalader un grillage avant que Kitano ne l'abatte sans prendre la peine de bouger de son siège. Le tueur est étalé, une main encore accrochée au grillage.

Séquence brutale parmi tant d'autres où l'absence de musique accentue un réalisme choquant...

La musique est d'ailleurs composée comme d'habitude par le talenteux Joe Hisaishi (tous les Hayao Miyazaki et de nombreux Kitano)et restitue bien l'ambiance film de gangsters en combinant influences jazzy et mélodies plus douces.


Doté d'un scénario noir et pessimiste, le film bénéficie d'une mise en scène radicale et efficace. Salué par la critique et servi par un duo d'acteur excellent, ce choc des cultures va laisser une trace .
Homme orchestre, Kitano assure devant et derrière la caméra et même au niveau du montage.
Il prouve une fois de plus qu'il est un des cinéastes les plus importants de sa génération.

Note : ***

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