samedi 29 novembre 2008

Angles d’attaque




Espagne. Le président des Etats-Unis donne un discours sur une place importante.
La scène est filmée par une équipe de journalistes de CNN.
Depuis la régie, on s’occupe de contrôler les caméras qui passent à l’antenne.
Sur les écrans, les opérateurs remarquent un garde du corps qui avait montré son sens du sacrifice en prenant une balle pour sauver le président. Espérons que cela ne se reproduira pas. Pas de soucis, les tireurs sont en alerte et la sécurité contrôle le périmètre. Aucune chance que…
Coup de feu ! Le président est à terre ! La foule hurle et s’enfuie dans tous les sens.
Une journaliste en pleurs essaie de décrire le chaos qui règne désormais.
C’est à ce moment qu’une bombe explose… depuis le fourgon relai de CNN, on aperçoit le corps de la journaliste étendu parmi les débris…

Et là, on remonte le temps en passant la séquence en accéléré.
Il est tant de voir la scène à travers les yeux d’un nouveau personnage…

Autant le dire tout de suite. Le film ne vaut que pour cette originalité.
Evidemment, au fur et à mesure que le film avance, le spectateur en saura un peu plus sur l’intrigue, plus compliquée qu’il n’y paraît.
La « simple » tentative d’assassinat se muera en dangereux complot international.

L’histoire racontée à travers différents points de vue n’en est pas à son premier essai.
Rashômon de Kurosawa et Usual Suspects de Brian Singer avaient déjà brillé au firmament des classiques du cinéma en utilisant cette technique.
Mais, chacun possédait un excellent sens de la mise en scène et ne se contentait pas de se reposer sur un scénario décousu.

Ce que ne fait pas le réalisateur Pete Davis.
Je suis persuadé qu’il a commencé avec des séries télé. L’image est plus brouillonne qu’autre chose, les couleurs flashent sans rien apporter, les cadrages sont assez approximatifs et aucun plan n’est assez réussi pour retenir l’attention.
Balancer la caméra à droite à gauche et multiplier les plans d’une même scène n’est pas synonyme de mise en scène dynamique.

Quant aux fameux retours en arrières, ils sont toujours annoncés de la même façon :
une scène se déroule sans accroc quand brusquement un évènement inattendu perturbe la narration et paf, l’écran se fige et les images se mettent à défiler en arrière.
Le système est efficace puisqu’il entretient la tension mais il finit par devenir le leitmotiv du film.
Au final, on n’attend plus de savoir ce qui va se passer puisqu’on le sait mais comment les personnages vont réagir à la situation.

Cette succession de rebondissements qui donne envie au spectateur d’en savoir plus rappelle fortement l’écran noir des mangas qui entrecoupe une scène importante ou le « à suivre » des séries télé.
Mais là, c’est un film. Il doit être vu d’un bloc pas en saynètes.
Bref, la réalisation en fait trop et on a parfois l’impression de suivre un mauvais épisode de 24h Chrono…

A force d’essayer d’en faire le plus possible, le réalisateur s’empêtre dans une réalisation des plus banales.
A la rigueur si le film n’avait pas été si avare en action on aurait pu lui pardonner mais ce n’est pas le cas. On assiste à une dizaine d’explosions durant le film mais c’est toujours la même, vue sous des angles différents.
Filmée sans inventivité avec 15 caméras, la course poursuite finale n’arrive jamais au niveau de celles de Rock ou des Bad Boys. Même en France on est capable de faire mieux (Taxi, Le Boulet, Le Transporteur…)

Le scénario est plus intéressant que ce qu’il paraît mais repose sur l’éternelle attaque terroriste. Après l’attaque du 11 septembre, le cinéma Hollywoodien avait décrété qu’aucun rapport au désastre ne serait toléré sur les écrans. On efface donc les plans des tours jumelles filmés avant leur destruction (Spiderman perd la scène de l’hélicoptère coincé entre les 2 tours dans une toile géante) et on repousse les sorties des films de guerre (Echec au box office pour le Windtalkers de John Woo)…

Aujourd’hui, les films sur la guerre en Irak fleurissent et les méchants sont forcément du Maghreb ou du Moyen Orient. Le cinéma est le défouloir des nations, ce qui ne peut être fait en vrai, faisons le à l’écran ! Et donc encore une fois, c’est le type de peau basané qui va s’en prendre plein la tronche pour la glorification des Etats Unis.

Beaucoup de morts à l’écran mais pas de sang à l’horizon. Les taches rouges sur les chemises blanches, ça fait tache justement. Après tout c’est un divertissement, on n’est pas obligé de faire dans le réaliste.
Oui après tout pourquoi pas.

Pourquoi ne pas passer une heure à essayer de nous présenter une situation avec tous les détails pour qu’elle soit le plus crédible possible avant de sombrer dans le ridicule en suivant les péripéties de héros surhumains qui vont triompher sans mal des vilains terroristes.

Le flic espagnol se fait renverser par deux voitures sans interrompre sa course, le super agent parvient à neutraliser à lui tout seul une dizaine de gardes de la sécurité et même le badaud du coin n’hésite pas à se jeter sur la route pour sauver une petite fille.
Mais la palme revient au garde du corps qui après s’être fait écraser contre un mur, dans sa voiture, par un camion, casse le pare brise et repart comme en 40.
Et bien sûr prendre une balle dans l’épaule ne l’empêchera pas de vider son chargeur sur les derniers méchants du film (qui forcément visent comme des pieds)…

Ah, là, là, ils sont vraiment trop forts ces américains !

Malgré un très bon casting (Sigourney Weaver, Dennis Quaid, Forest Whitaker pour ne citer qu’eux !), les rôles ne sont que les stéréotypes évidents de ce genre de production aseptisée.

La réalisation combine ce qui se fait de plus pénible aujourd’hui (montage hachée, peu de travail visuel, beaucoup de bruit pour rien) et le scénario, qui aurait pu devenir un modèle du genre, reste au niveau des pâquerettes.

Les retours en arrière ne sauvent pas une mise en scène sans inventivité.
La première fois que l’on voit la scène principale, c’est impressionnant, au bout de 10 fois ça l’est moins.
Le film se regarde et s’oublie aussitôt. Encore quelques millions de dollars de budget partis en fumée. Quel gâchis !

Note : *

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