samedi 29 novembre 2008

Hana- Bi




Le policier Nishi abandonne sa mission et son coéquipier Horibe pour courir au chevet de sa femme condamnée par une grave maladie. Horibe blessé dans une fusillade, reste paralysé.
Rongé par la culpabilité, Nishi quitte la police et entreprend un voyage vers le mont Fuji avec sa femme. La sérénité de leur idylle va être perturbée par l’arrivée de yakusas vengeurs…


Le 7ème film de Kitano.
Takeshi de son prénom, Beat de son nom de scène, Kitano est un artiste accompli.
Acteur, humoriste, animateur télé, peintre, il est aussi réalisateur et l’une des figures les plus connues du Japon.

Je le trouve génial en tant qu’acteur ( Furyo, Battle Royale) mais je n’avais jamais eu l’occasion de voir un de ses films.

Il prend place devant et derrière la caméra, occupe les postes de scénariste, monteur et touche également à la direction artistique. Autant dire que ce film, c’est son bébé.
Aussi bon acteur que réalisateur, il soigne autant la direction de ses acteurs que le visuel du film.



Si je ne me trome pas, en japonais « Hana-bi » signifie feu d’artifice.

Le film est-il spectaculaire ? Pas au sens où on l’entend…

Le seul feu d’artifice du film est une parfaite métaphore du reste de l’œuvre.
L’attente évidente que quelque chose de magnifique va arriver est écartée par un évènement inattendu (la mèche s’éteint) avant de nous surprendre par son dénouement tragi-comique.

Le film est un enchantement visuel constant par la précision de ses cadrages et son montage audacieux (il passe du film à la peinture sans prévenir).

Au minimalisme de sa mise en scène, Kitano oppose la beauté des paysages (les cerisiers en fleurs, la plage vide de toute présence…) et un souci extrême du détail.
Son utilisation prononcée des couleurs rappelle le Paris Texas de Wim Venders.

Mais c’est à la palette d’émotions ressenties que l’on pourrait rapprocher le titre.

Kitano est un clown, un clown triste.
Son film navigue sur la corde raide entre rires et larmes sans jamais recourir à l’un ou l’autre.
On est passionné par ce qui se passe à l’écran mais on est trop choqué pour rire de bon cœur et bien qu’émouvantes, les séquences plus lacrymales sont compensées par une approche comique de la situation.

Malgré la noirceur du scénario, Kitano ne sombre jamais dans le mélodrame.
Les scènes entre sa femme et lui sont parmi les plus charmantes vues au cinéma. La maladie dont elle est atteinte l’emportera au bout du compte et ils le savent tous les deux.
Alors ils profitent de ces moments de sérénité partagée, des derniers rayons de soleil.

Ils sont fous amoureux l’un de l’autre, ça crève les yeux. Mais ils ne se parlent pas. Pas besoin d’en rajouter, la mise en scène se suffit à elle-même.

En parfait observateur des relations humaines, Kitano joue sur les silences gênés pour exprimer ce qui ne peut être dit.
Son personnage est un ancien policier traumatisé par la perte de sa fille et qui doit veiller sur sa femme gravement malade. Il ne parle pratiquement jamais mais son air d’éternel chien battu en dit long sur son passé.

Les phrases qu’il dit sont pour la plupart sans importance, leur seule utilité est de casser l’image de la simple présence qui erre. Le faire parler le rend plus humain, tout simplement.


Mais « Hana » signifie aussi fleur. Pourquoi une fleur ? Symbole de l’épanouissement des personnages, de la fin de la vie (les fleurs se fanent) ? De l’éclatement des couleurs ?

Pour ma part, il m’est difficile de saisir le sens métaphorique de leur utilisation mais impossible de nier la qualité artistique que cela apporte au film.

Les fleurs sont un élément essentiel à la compréhension du film.
Ce sont d’abord les représentations mentales d’un peintre handicapé.
Toutes ses émotions passent à travers ses œuvres :

De la renaissance professionnelle (les animaux à la tête fleurie), à la folie (les branches menaçantes qui encerclent un homme vu de dos) et ce jusqu’ au désespoir final ( un paysage morne et enneigé, silhouettes à peine visibles dans le fond et en gros « Suicide » écrit en rouge sang…).

Peints par Kitano lui-même, ces tableaux sont aussi enfantins dans leur représentation que lourds de sens.

C’est ensuite le parallèle entre deux histoires (la rédemption à travers le voyage ou à travers la peinture). C’est enfin le symbole poétique d’une vie qui se termine mais à laquelle on s’accroche tant bien que mal : la femme de Kitano donne de l’eau à des fleurs mortes…

Une image vaut tous les mots, Kitano l’a bien compris.


Imprévisible, voilà bien le mot qui définirait Kitano.

Impossible de prévoir la fin d’une scène et encore moins quelle sera la prochaine.
La mise en scène calme et épurée contraste avec l’ultra violence des scènes d’action.
Cette brutalité extrême a souvent catégorisé Kitano comme un réalisateur qui se complait dans la violence gratuite.
Pour Kitano, le monde balance entre le bien et le mal, il ne peut y avoir l’un sans l’autre.
La tendresse qui émane du film n’aurait pas le même impact si elle n’était opposée à ces fusillades horribles et sanglantes.

En parlant d’ultra violence, on pourrait rapprocher le film (de très loin) avec Pulp Fiction. Comme dans le film culte de Tarantino, l’intrigue ne suit pas un cours linéaire.

La chronologie des évènements n’est pas respectée et les scènes se mélangent constamment. Mais au lieu de donner des indices explicites au spectateur sur la temporalité, Kitano se contente de nous laisser réfléchir par nous même. C’est tout à son honneur car au lieu de nous perdre en route, il nous permet de faire le rapprochement des causes et de leurs terribles conséquences.
Le film n’en est que plus poignant!


En esthète de l’image, Kitano livre un portait tragique d’une vie brisée contrebalancée par un humour pince sans rire dont il a le secret.
Plus qu’un film, Hana-Bi est une œuvre d’art.
Lion d’or au festival de Venise 1997

Note : ***

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