samedi 17 janvier 2009

Chiens de Paille



David, mathématicien réservé, fuit les Etas Unis avec sa femme Amy pour venir habiter dans le calme et paisible arrière pays anglais. Mais quand il engage une équipe locale pour réparer sa grange, celle ci commence à harceler le couple. Au début David ne fait rien, jusqu'au jour où ils le poussent à bout...

Le film le plus connu de Sam Peckinpah est sans aucun doute "La Horde Sauvage" : un western crépusculaire où la violence atteignait son paroxysme.
Visuellement, ses fusillades sont aussi belles que choquantes. Réglées au millimètre près, elles combinent effets sonores saisissants et montage saccadé où elles sont mises en scène au travers de ralentis éblouissants.

Nul doute que Peckinpah a inspiré les ballets corégraphiés de John Woo et indirectement, les ¾ des cinéastes américains d'aujourd'hui.

Violence. La violence aujourd'hui est devenue presque banale, il n' y a qu'à voir les infos ou lire les journaux. Et c'est encore plus vrai au cinéma.
Il y a 10 ans, un film interdit aux moins de 12 ans est devenu moins choquant que les séries policières qu'on nous inflige quotidiennement.

Et puis, d'un autre côté il y a ces producteurs qui pour gagner toujours plus, réduisent la violence de leurs films pour qu'elle soit regardable par un plus jeune public (quitte à dénaturer une oeuvre...).

Mais la violence, c'est comme le sexe : ça fait vendre.
Il suffit d'observer les scores au box office de films tels que "Saw" et "Hostel" pour s'en rendre compte.
Plus c'est gore, plus on va loin dans l'interdit, plus les gens ont envie de voir les films.
On en est arrivé à un tel niveau de surenchère qu'on n'y fait même plus attention...

Et je râle, je râle mais je suis le premier concerné.
La moitié de ma vidéothèque est constituée de films violents. Mais j'aime les films violents! Je préfère 100 fois plus revoir un bon John Woo pour la énième fois que de me taper la rediffusion de Camping.

Exemple idiot mais qui exprime mon raisonnement.


Mais pourquoi je parle de tout ça d'abord?
Parce que il arrive parfois que des films utilisent la violence pour mieux nous faire réfléchir dessus.
Ces films ce sont des grands classiques comme "Orange Mecanique" et "Full Metal Jacket" de Stanley Kubrick et des films comme "Chiens de Paille".

Parce que dans "Chiens de Paille", de la violence il y en a, et pas qu'un peu!
Et devant cette déferlante de fureur et de sauvagerie, le spectateur de s'interroger : « Comment en est on arrivé là? ».

C'est que, avant le final proprement hallucinant, il s'est déroulé plus d'une heure et demi de film sans qu'aucun coup de feu fratricide ne soit tiré.

Tout commence alors que le couple pricipal vient d'arriver dans la petite bourgade.
Dès le départ le malaise s'installe. L'image est poisseuse et terne, les couleurs sont fades. On ne sait pas exactement pourquoi mais on sent que quelque chose ne tourne pas rond. On fait rapidement connaissance avec les habitants du village. Des gens en apparence sans problèmes, bien qu'un peu trop portés sur la bibine.



Pourtant, on va rapidement se rendre compte qu'ils ne sont pas si innocents que ça.
Tout ce qui les intéresse c'est le sexe et la violence.
En guise de présentation, ils n'hésitent pas à demander pourquoi les Etats Unis sont si barbares.
« Et vous avez déjà vu des bléssés, et vous avez déjà tiré sur quelqu'un...? »
Plutôt dérangeants (et dérangés ) ces types là. Et ce n'est rien comparé à celui qui fétichise la petite culotte de l'épouse...

Bref si le climat est brumeux, leur intentions le sont tout autant.

Tout au long du film, Peckinpah nous confronte à la violence sous des formes diverses et variées.

Lorsque David (tout jeune Dustin Hoffman) part à la chasse on lui demande ironiquement de vérifier si son fusil n'est pas chargé (« C'est plus sûr »).
Mais quand il abat une volaille, il reste muet devant son acte et préfère laisser l'oiseau sur place plutôt que le ramener en trophée. Le volatile méritait-il de mourir?
Cette question fait le rapprochement avec le funeste dénouement qui s'approche.

Car oui, qui méritait de mourir dans le film? C'est facile de dire à quelqu'un qu'on va le tuer dans un excès de colère, de là à passer à l'acte il y a tout un fossé.

Après tout hormis les torts et travers de chacun, tout le monde n'avait que des intentions louables à la fin.
Les hommes du village voulaient retrouver leur fille et interroger l'homme avec qui on l'avait vue pour la dernière fois.
David ne cherchait qu'à le protéger car il se sentait responsable de l'accident qu'il avait causé (sans savoir que l'homme est en réalité le meurtrier de la fille) et enfin Amy, se fichant éperdumment des conséquences, voulait s'en débarraser pour que tout le monde puisse s'en retourner en paix.
Sans compter que le meurtrier lui même a été invité à sortir par la fille et n'est donc pas entièrement responsable...

Et dans tout ça le réalisateur de brouiller toujours plus les pistes en lançant haut et fort un « Aucun royaume n'a été plus meutrier que celui du Christ! ».
Il est donc déstabilisant de chercher à justifier la violence du film.

Les jeunes du village sont aussi portés sur le sexe disais-je.
Et dans une scène monstrueuse, ils iront jusqu'à violer Amy. Acte de la plus haute cruauté mais qui était annoncé dès le départ.

La toute première image d'Amy dans le film est un gros plan sur son pull sous lequel pointe ses seins : elle ne porte pas de soutien gorge.
Quand par la suite, elle va jusqu'à se déshabiller devant les hommes qui réparent la grange pour prendre son bain, elle montre des tendances presques exhibitionnistes.
Elle s'offusque que ces hommes la regardent mais elle fait tout pour.
Alors peut on dire que : « Elle l'a bien cherché? »

Peckinpah nous plonge en plein coeur d'un dilemme moral entre ce que l'on souhaite voir arriver et ce qui se passe réellement, avec les conséquences tragiques que cela entraîne (traumatisme psychologique du viol et le point de non retour lors d'un final implacable).



Jusqu'où peut on pousser un homme?
Que doit faire un homme qui n'a plus, pour se défendre, que le recours à la violence?
Est t'on toujours un héros si l'on devient aussi cruel que ses ennemis?

Voilà quelques unes des nombreuses questions que pose ce film.

Porté par des acteurs incroyables, "Chiens de Paille" offre des scènes d'une tension intense et une violence brutale rarement atteinte (et pas seulement pour l'époque). Interdit en Grande Bretagne lors de sa sortie, il est devenu un jalon important dans la longue interrogation de la violence au cinéma.

Note : ***

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