samedi 17 janvier 2009

The Big Lebowski




Jeffrey Lebowski, dit le « Duc » est un glandeur fini qui fume de l'herbe et boit de la vodka-lait.
Il passe sa vie au bowling avec ses deux potes. Un jour, deux malfrats viennent chez lui et en le prenant pour un autre, le tabassent. L'un d'eux urine sur son tapis..
Le Duc part alors en chasse pour qu'on le dédommage.


J'ai du mal à définir l'humour dans les films des frères Cohen.
Leurs films se suivent et ne se ressemblent pas. De même, on peut aimer certains de leurs films et en détester d'autres.

J'ai beaucoup aimé "Arizona Junior" et "Blood Simple" mais j'ai rapidement décroché sur "Miller's Crossing". Quant à "Fargo" (leur triomphe), autant j'ai apprécié les qualités techniques du film autant les subtilités parodiques du scénario m'ont complètement échappé...

Je ne suis donc pas le mieux placé pour parler de leur cinéma si particulier.
En revanche, j'ai appris une chose sur les dialogues : ils ne valent rien en français!

Je me souviens parfaitement de la première fois que j'ai vu "The Big Lebowski".

Mes parents avaient loué le film en français ( le dvd n'existait pas encore).
Donc le film commence, et une voix off nous présente le personnage du Duc.
Au bout d'un moment, deux voyous entrent chez lui et l'un deux urine sur son tapis.
De tout le film, c'était la seule scène dont je me souvenais, parce qu'après le scénario tourne en rond et multiplie des dialogues sans aucun sens qui essaient d'être originaux.
Au bout de 20 vingt minutes, j'étais parti...

A l'époque je devais avoir 12 ans, pas étonnant que je n'ai rien compris.
En fait le film m'était passé complètement au dessus de la tête!
L'humour, adulte, est décalé au possible et réside majoritairement au niveau des dialogues.
Quant au scénario, il est en béton! D'une simplicité effarante mais en même temps tellement surprenant. C'est que ce qui compte dans le film ce n'est pas le scénario mais les personnages eux mêmes.

Et c'est là que je dis que la version française est nulle.
Non pas qu'elle soit baclée ou que les doubleurs ne soient pas convaincants mais elle est incomparable à la VO.

D'abord le « Duc », ca veut dire quoi « Duc »? C'est quelqu'un de haut placé, un aristo qui a la belle vie? Quand on voit le Duc s'acheter une brique de lait habillé en pyjamas, le titre ne colle pas une seconde.

En fait, « Duc » en français c'est juste le meilleur mot que la société de doublage a du trouvé pour que la synchronisation labiale (les mouvements des lèvres) entre les deux langues puisse se faire facilement. Le mot d'origine étant : Dude.
Et là, ça change tout parce Dude dans la langue de Shakespeare, c'est le mec coooooool, qui se prend pas la tête, relaaax quoi. T'as un problème, tu vas le voir et il te fait « T'inquiète pas man, tiens prends une taffe ».
Voilà, là déjà on colle plus au personnage!

Ce ridicule mot de 4 lettres résume pourtant à lui seul tout le film : l'attitude du Dude façe à ce qui lui arrive. Car être Le Dude, c'est pas juster s'affubler d'un sobriquet ridicule, c'est avoir la classe! Mais la classe dans la déchéance...
Les cheveux longs pas coiffés, l'air du type qui vient de sortir du lit, c'est le parfait glandeur.


Le Dude, c'est Jeff Bridges et le rôle lui colle littéralement à la peau.

Le Dude ne s'assoie pas, il se vautre. Pas besoin de sermonner le Dude, il n'écoute pas.
Et quand le Dude se sent menacé, il met ses lunettes de soleil.
Honnêtement, il faut voir Bridges mettre ses lunettes alors qu'un policier se moque de lui. Il reste là, bien caché derrière ses oeillères avec la parfaite tête du mec qui se dit «  Cause toujours toquard, j'écoute même pas! »

Le Dude passe sa vie au bowling avec ses potes Walter (John Goodman), un ancien du Vietnam un poil lunatique, et Donny, un simplet avec une tête à claque (Steve Buscemi).

Le Dude a une petite vie pépère et il y tient. Alors quand on vient souiller son tapis, c'est tout son petit monde qui s'écroule.

A partir de là le scénario part dans tous les sens et le Dude fera la connaissance de personnalités assez dérangées.
On y croise un vieux grincheux en fauteuil roulant, une peintre nymphomane, une bande de kidnappeurs au fort accent germanique, un joueur de bowling exhibitionniste qui s'appelle Jésus, un cow boy qui s'adresse à la caméra et un commissaire de police qui se croit dans "Full Metal Jacket". Et j'en oublie...

Le scénario tourne en rond sans vraiment avancer. Et pourtant c'est ce qui fait sa richesse car il permet d'enchaîner des dialogues truculents comme on en n'avait pas vu depuis Tarantino et ses "Pulp Fiction" et autres "Reservoir Dogs".

Ridicules en français, les dialogues originaux sont extraordinaires.
Les frères Cohen utilisent à merveille les différences subtiles de tons et d'accentuation propres à la langue anglaise, qui même avec les meilleurs efforts du monde sont impossible à reproduire dans notre langue.

Difficile de décrire ce que l'on ressent mais les acteurs font tous un formidable travail d'élocution. Chaque mot, chaque phrase est dite d'une telle façon que les conversations les plus banales deviennent jubilatoires.

Les Cohen jouent d'ailleurs habilement sur le comique de répétition : il n'est pas rare qu'un personnage répète la même phrase plusieurs fois. Mais chaque fois, la phrase a un sens légèrement différent et c'est ce qui fait le sel de ces têtes à têtes.

Le film bénéficie d'un casting en or!

Hormis Jeff Bridges dans le rôle principal on retrouve des habitués des Cohen notamment -le toujours formidable- Steve Buscemi et Peter Stormare (le duo vedette de "Fargo") et John Goodman ("O Brother", "Miller's Crossing", "Arizona Junior").
Ce dernier est le parfait compagnon du Dude.
Contrairement à lui, c'est une boule de nerfs permanente qui menace à tout moment d'exploser.

Dans le cinéma américain, on représente souvent les anciens du Vietnam comme des personnes solitaires, dans l'impossibilité de s'adapter au mode de vie qu'ils ont su préserver. Ici les frères Cohen se lancent dans la caricature puisque ce vétéran considère carrément une partie de bowling comme une question de vie ou de mort.
Il y a des règles à suivre! Le bowling n'est plus un loisir, c'est une raison de vivre...
Goodman est absolument parfait dans ce rôle, probablement le meilleur de sa carrière.


Du côté des nouveaux on trouve entre autre un Phillip Seymour Hoffman qui redouble d'autodérisison dans le rire forcé et une Julianne Moore aussi obsène que troublante.

Je pourrais aussi parler des scènes de rêve surréalistes où le Dude vole au dessus de la cité de Los Angeles tel un Superman en peignoir ou se fait poursuivre par une boule de bowling géante.
Ou encore de la narration elle même qui mèle les images d'une botte de foin emportée par le vent à la voix rocailleuse de Sam Elliot, sorti tout droit d'un western.
Ou encore de la bande son étonnante qui rivalise avec celle de "Pulp Fiction".

Bref, "The Big Lebowski" est beaucoup plus complet et travaillé qu'il n'y paraît aux premiers abords. Cette histoire ridicule d'un type à côté de ses pompes qui cherche juste à récupérer son tapis va au final se transformer en quête épique et intelligente.

Servi par des dialogues percutants et interprété avec brio par des acteurs au meilleur de leur forme, le film est une comédie loufoque, enjouée et réjouissante.
Les frères Cohen y sont au sommet de leur art!

A partir d'un scénario où un homme sans histoire se retrouve mêlé à une intrigue qui le dépasse à la suite d'un quiproquo, Hitchcock avait créé un chef d'oeuvre.
Dans des circonstances différentes, les frères Cohen en créent un autre...

Note : ****

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