samedi 17 janvier 2009

La chèvre




La malchance ça existe. Il y a des gens qui sont nés avec comme d'autres viennent au monde avec les yeux bleus. Marie Bens compte parmi ces individus.
Lorsqu'elle disparaît en Amérique du Sud son père engage, sur les conseils d'un psychologue d'entreprise, un type aussi malchanceux qu'elle, François Perrin, et un détective privé, Campana, pour lui servir d'ange gardien.

Francis Veber est un des scénaristes/réalisateurs les plus connus du cinéma français.
Dans ses films, on retrouve toujours un personnage récurrent : François Pignon. Pignon c'est le pauvre type, héros malgré lui d'une situation qui le dépasse complètement.
Il aura été tour à tour emmerdeur, con, dépressif, suicidaire et homosexuel.
Mais en marge de Pignon, il y a eu le personnage de Perrin : malchanceux noitoire et porte-poisse permanant.

C'est autour de ce personnage que tourne le film ou plutôt autour des situations qui se créent à travers lui et des relations qu'il entretient avec Campana.

Si Perrin est un imbécile heureux qui ne s'étonne de rien, Campana lui c'est le sceptique à l'esprit cartésien, résolument convaincu que « ça n'existe pas la malchance! ».

Si les plus grandes comédies françaises (voire les comédies en général) reposent sur un duo complémentaire, aux personnalités diamétralement opposées, le couple Perrin/Campana rejoint fièrement les indétronables Bourvil/De Funès et autres Blier/Ventura.

Mais le plus dur reste de dénicher des acteurs dignes de ce nom pour les incarner.
A l'époque Pierre Richard vient de tourner son premier film avec Veber « Le Jouet » et il est engagé pour jouer Perrin. Quant à Ventura, désigné au départ pour jouer Campana il sera remplacé par Depardieu qui fait ses premiers pas dans la comédie.

L'alchimie entre les deux acteurs est totale et leur complicité à l'écran fonctionne à merveille.
Le scénario fonctionne sur le principe éculé mais toujours efficace de deux personnages contrastés qui ne s'entendent pas mais qui doivent se supporter pour résoudre une problématique.

On se retrouve donc avec un fil de fer roux qui se prend pour un dur à cuire et une armoire à glace au grand coeur obligés de faire équipe pour le meilleur et surtout pour le pire.

Le pire parce que non seulement la malchance ça existe mais en plus ça se transmet, selon le principe des vases communicants! Si au départ Campana s'amuse à faire des tests sur Perrin à ses dépends pour vérifier sa théorie, son esprit rationnel va être confronté à l'inexplicable quand il va lui même se retrouver victime d'un effrayant manque de bol.

La performance de Depardieu est jouissive. Face aux évènements, il ne sait pas comment réagir et ne peut s'empêcher de jeter un regard incrédule chaque fois qu'un pépin pointe le bout de son nez.

Alors que Perrin demeure enthousiaste en toute circonstance (à force de prendre une tuile sur le coin de la figure il n'y fait même plus attention), lui va basculer petit à petit dans la quatrième dimension où les lois de la nature ne sont plus régies par des règles qu'il peut concevoir.
Depardieu joue très bien la peur. A son visage terrorisé on sent tout de suite que Campana n'est pas dans son élément et quand il casse son lacet, c'est comme s'il sentait sa fin prochaine arriver.



Quant à Pierre Richard, il se sert de son physique particulier et de son sens du comique impeccable pour créer ce personnage rêveur et constamment hors du coup. De ce pauvre bougre, il émane une véritable poésie et une chaleur humaine qui le rendent si attachant. Rien qu'en le voyant apparaître à l'écran on sourit d'avance à ce qui va lui arriver.

Ce côté loufoque malgré lui le suivra dans la suite de sa carrière. Il deviendra entre autres le fameux « grand blond avec une chaussure noire » et refera équipe avec Depardieu dans plusieurs films dont « Les Fugitifs » et « les Compères », tous deux de Veber.

Son personnage a vraiment marqué les mémoires si bien que « Pierre Richard » est pratiquement devenu synonyme de maladroit ou de malchanceux. Si, si...

Les acteurs sont donc fabuleux, voilà c'est dit.

Le scénario ne cherche pas à être profond. Même si on n'échappe pas à l'éternelle scène où le pauvre type se rend compte qu'il a été manipulé, ici tout est fait pour rigoler.
Déjà entre Perrin et Campana ça part mal : c'est le plus petit qui prend les commandes et qui donne les ordres.
C'est David qui se prend pour Goliath et Goliath, ça lui plait pas trop...

Evidemment chacune de ses suggestions est pire que la précédente et les deux compères vont rapidement tomber sur un vrai sac d'embrouilles.
Entre mexicains mafieux, sables mouvants et panne d'essence en pleine jungle amazonienne ils vont en voir de toutes les couleurs.

Mais c'est pas grave parce que Perrin se mèle parfaitement à la population locale et parle anglais couramment : « You, I cherche one amigo of me, you peut être connaitre » et la carrure imposante de Depardieu autorise tous les excès à son Campana qui défonce les portes à coups de pieds et les têtes à coups de boule.

Au passage, j'imagine la tête du responsable du casting quand il a appris qu'il devait rechercher un Mexicain avec des narines suffisamment larges pour que Depardieu puisse y passer les doigts (!).

Sans atteindre le niveau d'un Audiard de la grande époque, les dialogues s'en tirent avec les honneurs avec des répliques connues de tous : « J'avais une vie un peu plate avant de vous rencontrer Perrin... ».

Mais le gros problème du film c'est la mise en scène. A la base, Veber n'est pas un réalisateur.
Et s'il a amélioré son style dans ses films plus récents, sur "La Chèvre" il en est autrement.

Veber dit de lui «: Je suis un auteur qui réalise », il reste donc plus attentif à l'histoire qu' à la réalisation elle même.
Un bon film commence par un bon scénario et de bons acteurs, après le reste c'est accessoire.
Sauf que parfois, ça peut gâcher certaines scènes.

La plupart des scènes du film sont des moments de comédie et c'est ce que Veber sait filmer le mieux. Chaque ligne de dialogue est mise en valeur par des plans travaillés, parfaitement cadrés au niveau des visages des acteurs. On ne perd pas une miette des dialogues truculents!

De même Veber a très bien compris que ce qui rendait le film drôle ce n'est pas Perrin, c'est Perrin à travers le regard de Campana.
Selon la situation, l'expression sur le visage de Depardieu donne un point de vue supplémentaire à une scène et participe indéniablement à l'humour qui en découle (il prend un air innocent alors que Pierre Richard se ramasse une baffe par sa faute...).


En revanche, quand il s'agit de filmer des scènes un peu plus mouvementées, comme les bagarres ou les scènes de poursuite, la simplicité et la platitude de la mise en scène se font cruellement sentir. Les séquences manquent d'ampleur. Et je ne parle pas de la musique de Vladimir Cosma (excellent musicien soit dit en passant) qui accentue chaque apparition du méchant par un « Touh touh touh, Touh, touh, tooouhm » qui résonne comme un « attention danger »caricatural.


A l'époque le film a été un énorme succès et a littéralement propulsé la carrière des deux acteurs sur orbite.
Aujourd'hui les dialogues restent excellents et les acteurs sont toujours aussi formidables mais la froideur de la réalisation rebute parfois, sans pour autant plomber le film n'exagérons rien.

Note : **

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