samedi 20 décembre 2008

Opération Shakespeare




Bill Rago, publiciste au chomâge fonce sur le seul travail qu'on lui présente : professeur dans l'armée des Etats Unis...

De la part de Penny Marshall, responsable de "Big" et "Jumping Jack Flash", on ne peut pas s'attendre à des miracles au niveau de la réalisation.
Les dix premières minutes font d'ailleurs présager le pire.

La mise en scène est plate et sans originalité. La moitié des gags tombe à plat et l'autre moitié reste prévisible.

Mais une fois que l'on entre dans l'univers de l'armée le film prend une autre tournure.

Bill n'a jamais fait son service militaire et il déteste obéir aux ordres. A lui les joies du réveil au clairon à quatre heures du mat, les bâtiments aux noms impossible à retenir et surtout le mépris vis à vis « des durs de durs » fiers de faire partie de l'élite de la nation.

Mais par dessus tout il n'a jamais enseigné de sa vie et une fois arrivé dans sa classe, les choses ne font que s'aggraver.
Le voilà jeté dans la gueule du loup face à une bande de jeunes recrues qui ne savent rien dire d'autre que « Sir, yes sir! » ou semer la pagaille. Et dire qu'il est censé en faire des « soldats intelligents » comme il le dit si bien en cherchant un exemple d'oxymore....

Avec une bande d'écervelés pareil, on sent la comédie bien lourde pointer son nez...or c'est tout le contraire qui arrive.

Que peut on bien apprendre à des militaires qui leur soit utile dans leur carrière? Hamlet!
Quel est le rapport? Aucun. Mais c'est par un truchement original dans le scénario que Bill va leur faire étudier la pièce...

Voilà donc cette joyeuse bande de laissés pour compte récitant du Shakespeare entre deux parcours du combattant sous le regard d'un petit huluberlu qui passe son temps à se demander ce qu'il fait là....

C'est le point de départ d'une histoire riche en rires et en émotions.
Le scénario fait la part belle à l'ironie et à la satire facile vis à vis du personnel militaire mais il est aussi très touchant au niveau des relations.

Loin d'être stéréotypés, chaque personnage a un passé et une personnalité qui lui est propre.
Si ces jeunes se sont engagés dans l'armée, ils l'ont tous fait pour une bonne raison. Chacun vient d'un milieu plus difficile qu'il n'y paraît et s'ils sont là c'est, pour la plupart, qu'ils n'ont pas d'autre endroit ou aller.

Considérés comme des cas sociaux, ils sont la risée de leur régiment mais bien qu'ils passent la journée à escalader des tours, à courir sous la pluie et à ramper dans la boue, ils ne sont pas démunis d'un cerveau.

Et malgré tout ce qu'on veut leur faire croire, ils peuvent s'en servir. Ils ont juste besoin d'un coup de pouce pour apprendre à le faire.

Bill non plus ne nage pas dans le bonheur. Il vient juste de perdre son boulot et se retrouve dans un environnement qu'il considère hostile et dégradant. Quant à ses relations familliales, il y a mieux : il est divorcé et entretient, avec sa fille, des relations plutôt houleuses (il ne croit pas en elle et considère ses passions comme une perte de temps).


Mais bien que ce soit lui le prof, c'est surtout lui qui va apprendre aux contact de ses « élèves ».
Ce professeur pas comme les autres et ces troufions de bas niveau vont parvenir à s'inspirer les uns les autres pour qu'à la fin tout le monde découvre ce dont il est réellement capable.

A travers ses recrues, Bill va découvrir que sa vie est fondée sur un tas de préjugés et va apprendre à s'ouvrir aux autres (notamment sa fille).

Quand aux autres, ils vont découvrir le plaisir de la poésie , de la culture et tous vont faire preuve d'une ouverture d'esprit, aussi grande qu'innatendue venant de leur part.

Le film est vraiment passionnant dans sa façon de présenter la pièce. Loin d'être pompeux et rébarbatifs, les cours sont vivants et enjouées. Les vers de Shakespeare sont lus au rythme de batterie ou chantés en version rap. Une idée subtile pour dépoussiérer le mythe.
Mais utiliser la pièce n'est pas un simple gadget. A travers Hamlet, chacun va apprendre à se construire, c'est ce qui permettra de rapprocher les personnages et de les faire évoluer.

Le film est parfois très drôle mais il est aussi souvent très triste, sans pour autant sombrer dans le mélodrame bon marché. On n'éclate pas en sanglots mais on ne peut s'empêcher d'être ému par la sincérité de certaines scènes. Surtout que les acteurs savent jouer sur la corde sensible avec talent.

Danny DeVito est aussi petit par la taille que grand par le talent. Il ne porte pas le film sur ses épaules mais son interprétation, à la fois sensible et amusante, force l'admiration. Il n'hésite pas à prendre des airs grotesques pour exprimer son irrespect de l'uniforme mais il sait se montrer plein de passion quand il s'adresse à ses étudiants.

D'ailleurs les étudiants eux mêmes sont tous formidables. Les acteurs qui les interprêtent ont beau ne pas être connus (hormis un Mark Wahlberg débutant), chacun réalise une bien belle performance.

Par leur comportement crédible et approprié, on s'attache rapidement à eux et on prend plaisir à les écouter raisonner sur des sujets censés les dépasser (encore une fois, les apparences sont trompeuses...).

On apprécie de les voir se chamailler comme des écoliers puis de se réconcilier dans la minute qui suit. Les liens de camaraderie qui les unit sont très forts et on le ressent dans le jeu des acteurs.

Comme je disais donc au départ, la mise en scène pêche par moments par quelques lourdeurs mais dans l'ensemble le film reste très agréable. La musique guillerette et entraînante du grand Hans Zimmer y étant sûrement pour quelque chose...

Mais c'est le scénario, beaucoup plus profond et intelligent qu'aux premiers abords, qui mérite d'être applaudi. Aussi plaisante que touchante, cette rencontre improbable et insolite entre deux mondes totalements opposés est une vraie leçon de vie, avec ses hauts et ses bas.

Le film lui même est extrêmement dur à trouver : je l'avais en K7 mais pour le voir en VO j'ai carrément du le commander en zone 1. On ne peut donc pas dire qu'il soit très connu.

Malgré quelques passages à vide dus au formalisme de la mise en scène, le film est une comédie dramatique remarquablement bien écrite et interprétée.

Sorte de « Cercle des poêtes disparus » chez les GI, Opération Shakespeare est un de ces rares film qui vous redonne le sourire. Comme les personnages à la fin du film, on en ressort grandi.
De Vito, l'anti stress!

Note : ***

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