samedi 9 mai 2009

Metal Hurlant




Loch-Nar, l'esprit du mal, sème la peur, la destruction et la mort chez les hommes assoiffés de pouvoir...




« Metal Hurlant » (« Heavy Metal » en anglais) est avant tout un magazine de comic books apparu au début des années 80, mélangeant avidement les tendances anti-conformistes de l'époque, « Sex, drugs et rock n' roll », dans un univers allant de la fantasy à la science fiction.
Les rédacteurs et illustrateurs du magazine faisaient partie du baby boom, la génération d'après guerre. Avides de nouveautés et de sensations fortes, ils se sentaient prêts à aller plus loin que la normale, à transgresser les limites : violence, gore, érotisme le tout baignant dans un humour absurde et cynique.

Dans une certaine mesure, on peut comparer la revue «Heavy Metal » à notre « Hara Kiri » national, qui aura fait couler lui aussi beaucoup d'encre.
Le dessin animé « Métal Hurlant » est donc un concentré de cette culture iconoclaste et fière de l'être.


Dans le monde de l'animation gouverné alors par la toute puissante firme Disney, « Metal Hurlant » fait figure d'ovni. Une oeuvre on ne peut plus audacieuse pour son époque.
Son scénario minimaliste est en fait divisé en une série d'histoires courtes qui n'ont de relation entre elles que le Loch-Nar : une grosse boule verte censée représenter l'incarnation du mal.
Chacune de ces histoires est une oeuvre unique, tant au niveau des graphismes que de l'animation elle même.
La grande qualité de « Metal Hurlant » c'est qu'on ne sait jamais ce qui va se passer, quelle sera la prochaine histoire et à quoi elle ressemblera.
C'est l'occasion de vivre une expérience totalement différente à chaque fois.

Parmi les 6 histoires que composent le film, chacun aura sa favorite mais toutes rivalisent de style et d'imagination : chacune possède son ambiance et son idendité propre.
« Harry Canyon », l'histoire d'un chauffeur de taxi dans un New York futuriste, fait penser à la fois aux vieux polars et aux films de science fiction d'anticipation.
« Taarna «  est un « Nausicaa » sous acide, quant à « Den », c'est la représentation par excellence du fantasme masculin (un jeune geek se retrouve projeté dans une autre dimension dans la peau d'un éphèbe courtisé par les plus belles femmes et devient le sauveur du monde).

La séquence d'introduction est un émerveillement tant les graphismes sont bluffants et chaque histoire, mise en scène avec une imagination folle, possède son lot de références évidents.
Certaines jouent uniquement sur un humour débridé et absurde : « So beautiful, so dangerous » et son vaisseau spatial en forme de smiley géant ou « Captain Stern » et sa course effrénée dans une station orbitale.
D'autres sont plus atmosphériques comme « B-17 », digne d'un épisode des « Histoires Fantastiques ».
Les paysages désertiques de « Tarnaa » sortent tout droit d'une oeuvre de Miyazaki ou de Moebius et les gros plans sur les visages rappellent les westerns spaghetti de Sergio Leone.

Quand au New York de « Harry Canyon » si l'on pensera tout de suite à « Blade Runner » et sa ville-poubelle, il faut savoir que « Blade Runner » n'est sorti qu'en 1982, après « Metal Hurlant » (1981) donc.
On peut se demander si Ridley Scott n'était pas lui même un grand fan du magazine « Heavy Metal »...


Techniquement, c'est du grand art. Si certains illustrateurs font dans le dessin classique, d'autres choisissent une esthétique plus fouillée et laissent délibéremment apparaître leurs traits. On a parfois réellement l'impression de voir une BD prendre vie sous nos yeux.
L'utilisation de la caméra multiplane permet de créer des images avec une profondeur de champ saisissante et si le dessin occupe la majorité de l'écran, les rares effets spéciaux qui interviennent sont absolument magnifiques.
Pas étonnant quand on sait que l'un des responsables est John Bruno, qui travaillera par la suite sur plusieurs films de James Cameron.





Question : Quel est le point commun entre «Ghostbusters » et « Heavy Metal »?

Réponse : Ivan Reitman, réalisateur du premier et producteur du second.
Non seulement, il a réuni l'argent pour que le film se fasse mais il a fait entrer quelques connaissances sur le projet.
A l'époque de la création du film, Ivan Reitman n'a pas encore connu le succès de « Ghostbusters ». Il est en train de tourner « Stripes », une gentille comédie sur l'armée avec le déjà irremplaçable Bill Murray.

Travailler sur les deux films à la fois lui permet de trouver des doubleurs plus facilement.
Il récupère donc Harold Ramis et John Candy de « Stripes » et utilise leur voix dans « Metal Hurlant ».
Les acteurs sont parfaitement convaincants.
Si les voix françaises sombrent parfois dans la caricature facile, les doubleurs originaux insufflent une vraie passion à leurs personnages.

Reitman qui travaille déjà sur « Stripes » avec le célèbre compositeur Elmer Bernstein, l'engage pour s'occuper de la musique de « Metal Hurlant ».
Conscient de l'importance de son rôle, Bernstein ne se repose pas sur ses lauriers (plusieurs nominations aux oscars) et crée une bande son exceptionnelle dont les envolées héroiques frolent parfois la caricature (le thème de Den, volontairement exagéré), parfois le génie (la musique du segment de Tarnaa s'approche autant de « Dark Crystal » que de « Conan le barbare »).


Mais « Heavy Metal », comme son nom l'indique, c'est aussi l'un des rassemblements les plus importants des groupes de hard rock/métal des années 70, chacun composant un morceau inédit pour le dessin animé. Black Sabbath, Blue Oyster Cult, Trust, Nazareth...les amateurs seront aux anges!
Musique contestataire par excellence, non seulement le rock sied à merveille à l'ambiance outrageusement décalée de l'oeuvre mais réussit à augmenter l'impact de la vision des dessinateurs.

Portées par les morceaux endiablés, le dessin animé semble devenir un immense concert illustré par les plus grands illustrateurs de science fiction de l'époque.
On se laisse transporter avec plaisir dans ces mondes parallèles, ces contes de fée pour adultes.
Tant et si bien que quand Loch Nar annonce que la dernière histoire approche, on a le même sentiment que quand un groupe qu'on apprécie nous dit qu'il va chanter sa dernière chanson : on n'a pas vu le temps passer et on aimerait que ça dure encore longtemps...




A tenir éloigné des enfants, « Metal Hurlant » n'est pas un dessin animé comme les autres, c'est le reflet d'une époque désireuse de briser ses chaînes. Déjà vieux de plus de 20 ans, « Metal Hurlant » a ses défauts mais on ne pourra pas reprocher à ses créateurs d'avoir fait preuve de sincérité.
Chacun est resté fidèle à ses convictions sans chercher à plaire au plus grand nombre.

Une oeuvre culte mais qui divise forcément. Certains lui reprocheront ses graphismes d'un autre âge et son scénario ringard, d'autres découvriront une oeuvre fabuleuse et dépaysante comme jamais.

A une époque où les films animés par ordinateur se multiplient, c'est l'occasion d'admirer le travail à l'ancienne et le talent d'une équipe peu ordinaire qui a su capter l'essence même des comic books.
Presque 30 ans après sa sortie, le film surprend encore par ses qualités visuelles et sonores, son humour irrévérencieux et surtout sa liberté de ton.
Une superbe réussite!

Note : ****

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