jeudi 5 février 2009

Jackie Brown




Hôtesse de l'air, Jackie Brown arrondit ses fins de mois en convoyant de l'argent pour un trafiquant d'armes.
Un jour elle est cueillie à l'aéroport par deux flics : soit elle coopère soit elle va en prison. Aidée par un prêteur de cautions, elle échafaude un plan audacieux : doubler tout le monde lors du dernier transfert, de 500 000 $.


"Jackie Brown" est le grand retour de Quentin Tarantino au cinéma, 3 ans après son légendaire "Pulp Fiction".

Il a souvent été dit de "Jackie Brown" qu' il est le film le moins personnel du réalisateur.
C'est vrai que comparé à "Pulp Fiction" et "Reservoir Dogs", le film est assez différent.

La violence est amoindrie et bien moins grotesque (pas d'oreille découpée ou de morceaux de cervelle collés au pare brise) et le scénario est plus linéaire (il suit un ordre plus chronologique que les précédents).

Les fans du maître ont du être déconcertés, voire décus, (moi le premier) lors de la sortie du film.
Mais si l'on prend le film comme il est et non comme on aurait voulu qu'il soit, on s'aperçoit que "Jackie Brown" possède de nombreuses qualités.

"Jackie Brown" est le premier film de Tarantino adapté d'un roman ("Rum Punch" de Elmore Leonard).
Alors que ses deux premiers films, écrits par Roger Avary et le maître lui même, nous en mettaient plein la vue en cumulant ultraviolence et mise en scène percutante, sur ce film, Tarantino, pour coller à l'ambiance du livre, se calme et recrée une ambiance digne des meilleurs polars des années 70.

Bien que le scénario de départ ne soit pas de lui (il a réécrit le livre pour l'adapter au cinéma), le réalisateur s'approprie l'histoire avec la maestria qu'on lui connait et on reconnait sa patte à tout moment.

On connaissait le bon goût de Tarantino en matière de bande son originale et une fois de plus on n'est pas déçu : Jonnhy Cash, The Delfonics, The Supreme ou encore Bobby Womack s'accompagnent de quelques perles que lui seul pouvait connaitre et dont il prend plaisir à nous faire partager ("Chicks who love guns" et le "the lions and the cucumbers" tiré du film "Vampyros lesbos").
Le film est constamment plongé dans un "bouillon de sous-culture" cinéphilique et musical dont Tarantino est friand et on ne lui en voudra pas.

Si l'on passe sur la linéarité du scénario (hormis la fameuse séquence de l'échange filmée à travers plusieurs points de vue à la "Rashômon", on retrouve tout ce qui fait le sel de ses premiers films : des dialogues fleuris empreints d'un humour aussi spirituel que décalé et une galerie de personnages inoubliables.

Si certains réalisateurs apprécient de toujours travailler avec la même équipe, on ne pourra pas reprocher à Tarantino de sortir des sentiers battus en formant un casting à la fois impeccable et inattendu.
Tarantino a un vrai talent pour choisir l'acteur qui convient le mieux pour chaque rôle, et qu'importe qu'il soit connu ou pas.

A Samuel L Jackson, qu'il avait déja dirigé dans "Pulp Fiction", il ajoute quelques stars montantes (Robert de Niro, Michael Keaton, Bridget Fonda) et de vrais inconnus à qui il donne enfin la chance de briller (Pam Grier et Robert Forster).

Dans les années 70, un courant culturel et social nommé Blaxploitation (contraction de Black et Exploitation) revalorise l'image des afro-américains au cinéma en leur proposant de vrais premiers rôles, les sortant enfin du stéréotype de faire-valoir dont ils étaient victimes. Il s'agit surtout d'un cinéma tourné par les Noirs, pour les Noirs.

Icône de la blaxploitation, l'actrice Pam Grier accède enfin à la reconnaissance en incarnant Jackie Brown, une hôtesse noire de 40 ans.
Aussi belle qu'effrontée, elle monopolise l'écran de son charme.

Samuel L Jackson joue un personnage assez proche du tueur de "Pulp Fiction" (rien que pour sa coupe de cheveux, il faut voir le film !), un sadique imprévisible qui aime parler de tout et de n'importe quoi mais qui a toujours le mot pour rire. Michael Keaton est un inspecteur avec des tendances de rockstar (blouson en cuir et tchatche facile) et De Niro joue les vieux taciturnes un peu à côté de la plaque. Chacun donne le meilleur de lui même mais au fond on s'y attendait...
On croise même Chris-la bouche la plus rapide de l'Ouest-Tucker lors d'une scène aussi brêve que choquante.

La surprise vient de Bridget Fonda en jeune surfeuse blonde plus sexy que jamais mais au caractère insupportable, et surtout de l'acteur Robert Forster.

Forster joue le prêteur de cautions, un type renfermé qui prend de plus en plus conscience de son âge même s'il essaie de ne pas le faire paraître, et secrètement amoureux de l'héroine.
Tout en retenue, l'acteur livre une belle prestation, volant parfois la vedette aux plus grands.

On a souvent dit de Tarantino qu'il était un "sauveur de carrière" et il semble que ce soit vrai.
Non content de donner à Pam Grier le rôle qui lui offre son premier grand succès public et critique (nomination aux Golden Globes), il permet à Forster de sortir de l'anonymat en recevant une nomination à l'oscar!


Du côté de la mise en scène, Tarantino n'hésite pas à recommencer une scène jusqu'à ce qu'il soit parfaitement satisfait du résultat et ça se voit à l'écran.
Plans fixes durant les (longues) séquences de dialogues ou plans séquences qui n'en finissent pas où la caméra suit les personnages dans la rue, Tarantino soigne son film et marque chaque plan de son empreinte si particulière.

Et si les fans d'ultraviolence seront foncièrement déçus, le film n'en reste pas moins choquant. Les fusillades version John Woo sont remplacées par des coups de feu aussi soudains qu'imprévisibles qui nous laissent littéralement sur le carreau.

"Jackie Brown" n'est donc pas le film le moins personnel de Tarantino mais certainement son film le plus mature (parmi ses 3 premiers, je ne compte pas les "Kill Bill et autres "Grindhouse").
N
éanmoins, si le scénario est travaillé à l'extrême et que les relations entre les nombreux protagonistes sont à la fois originales et bien exploitées, le film peine à retrouver la verve de ses prédécesseurs.
Si certains dialogues sont irrésistibles, d'autres paraissent tout de suite moins importants, voire artificiels.
Le film traine parfois en longueur et aurait sûrement été meilleur avec une demi heure en moins.


Malgré quelques temps morts, "Jackie Brown" reste un très bon polar qui bénéficie d'un casting trois étoiles et d'un réalisateur hors pair.

Note : **

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