vendredi 3 avril 2009

Macadam Cowboy



Joe Buck est un Texan qui monte à New York pour y tester ses charmes de gigolo. Il perd rapidement ses illusions et, sans un sou, fait la connaissance de Ratso Rizzo, un être maladif et lui aussi complètement démuni. Ils vont partager leur sort misérable dans les bas-fonds new-yorkais.




"Macadam Cowboy" c'est avant tout deux personnages inoubliables et deux acteurs au sommet de leur talent.

Joe Buck c'est John Voight.
Sa performance de beau cow boy texan, naïf et charmant, est absolument impeccable.
Joe n'est pas un gigolo comme on se les imagine. S'il est fier de son corps il n'en reste pas moins une personne aussi gentille que timide.
Il a beau savoir ce qu'il veut, tout le monde profite de lui, de sa crédulité et de son innocence.

Son costume et son attitude font partie de la personnalité qu'il s'est créée ("je ne suis pas un vrai cowboy mais je suis un sacré étalon!").
Voight en profite pour prendre un accent texan incompréhensible qui va comme un gant à sa panoplie de cowboy.

Le problème c'est que dans un New York gris et froid, il passe plus pour un énergumène qu'un type qui a la classe.
Il est bien trop sensible pour survivre dans la jungle urbaine, ça se lit sur son visage.
Convaincu qu'il peut sauver à lui seul les femmes seules en manque d'amour, il ira de désillusion en désillusion, ne rencontrant que des personnes aussi seules et paumées que lui.

Le personnage est beaucoup plus complexe qu'il en a l'air.
On en sait peu sur son passé et les souvenirs qui défilent dans sa tête durant certaines scènes peuvent être interprétées de nombreuses façons.

Quoi qu'il en soit, John Voight y tient le rôle de sa vie!


Le second personnage important du film c'est Ratzo Rizzo joué par Dustin Hoffman.
A l'époque l'acteur vient juste de recevoir une nomination à l'oscar pour "le Lauréat" où il y jouait un garçon modèle. Les producteurs ne voulant pas de lui pour interpréter Rizzo, il leur donne rendez vous, se déguise en clochard et leur demande de l'argent.
Il parvient à être si crédible qu'ils ne réalisent même pas que le clochard est Hoffman : il obtient donc le rôle.


Sa performance en tant que Rizzo est incroyable. Pauvre infirme sans le sou mais roi de la combine et de l'arnaque, il traîne sa petite carcasse malingre dans un trou à rat miteux.
Avec son éternel mégot au bec et les cheveux noirs graisseux, il est le parfait contraire de Joe. Et il est de plus malade comme un chien.

Dustin Hoffman reste très sobre dans son interprétation, tant et si bien qu'on finit par ne plus voir l'acteur derrière le personnage.
On grelotte avec lui quand il a froid et chaque manifestation de sa toux nous fend littéralement le coeur.
L'acteur est tellement convaincant dans le rôle qu'il se bâtira une réputation de star spécialisée dans les "anti-héros", qu'il confirmera avec "Chiens de Paille" et "Rain Man".

Les deux acteurs recevront chacun une nomination à l'oscar pour leur rôle respectif.



En adaptant le roman de James Leo Herlihy, le réalisateur John Schlesinger s'attendait forcément à déclencher la polémique.
Comme tout le monde Joe Buck rêve de faire fortune par ses propres moyens : c'est le "Rêve Américain".
Sauf que son idée à lui c'est de se faire payer par des femmes pour coucher avec elles. La prostitution étant déjà à la base un sujet tabou, imaginez le scandale provoqué par un film traitant de la prostitution masculine!
Sans compter les allusions à l'homosexualité et au viol que l'on trouve tout au long du film.

"Macadam Cowboy" avait donc tout pour s'attirer les foudres des puritains.


Malgré le sujet particulièrement périlleux, Schlesinger donne naissance à l'un des plus gros succès du box office, l'année de sa sortie, et le film reçoit 3 oscars mérités : meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté et meilleur film.

Il est d'ailleurs le premier film classé X (pour l'époque) à reçevoir cette dernière récompense.

Il y a bien quelques scènes de nudité dans "Macadam Cowboy" mais ne nous cachons pas, si les censeurs de l'Amérique bien pensante se sont attaqués au film c'est avant tout pour le traitement réservé aux "valeurs américaines".
Si l'histoire du film traite surtout de l'amitié entre deux asociaux rejetés par le reste du monde, les thèmes abordés sont nombreux et pour la plupart sujets à scandale.

Cependant au lieu de nous perdre dans des débats philosophiques de propagande ou des discours moralisateurs, le réalisateur les aborde de manière à la fois discrète et cohérente.
Cohérente car aucun élément n'empiète sur un autre et ne tire la couverture à lui, ils ne semblent pas non plus plaqués artificiellement.
Et discrète parce que la caméra à la bonne idée de s'effacer derrière la performance des comédiens : pas de grands travellings ou de gros plans mal choisis durant les scènes de dialogue. Tout n'est que souplesse et légèreté de la part du réalisateur.

Tout le contraire des scènes oniriques ou celles qui se déroulent pendant les soirées psychédéliques où l'abus de drogue n'est qu'une formalité.
Cette fois le montage devient épileptique et des images sans queue ni tête se mettent à défiler devant nos yeux.
Séquences noir et blanc et hallucinations surréalistes, rien n'est trop fort pour exprimer le ressenti des personnages à ces moments là.
Les années 60 voient la naissance du mouvement hippie aux Etats Unis et de nombreux films de cette époque contiennent ce genre de séquence (dont le fameux "Easy Rider").

Mais "Macadam Cowboy" c'est aussi une remarquable bande-son, dont le célèbre "Everybody's Talkin'", chanté par Harry Nilsson, qui fut un énorme hit à la sortie du film.


Osé, provocateur et dérangeant, "Macadam Cowboy" n'en est pas moins un film aussi sombre que fascinant. Il met en scène un duo d'acteurs étonnants et fabuleux et fait sans conteste partie des plus beaux films américains des années 60/70.
Plus de trente ans après sa sortie, il conserve encore toute sa force et son émotion.

Note : ****

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