mardi 17 mars 2009

Watchmen


Lorsque l'un de ses anciens collègues est assassiné, Rorschach, un justicier masqué, reprend contact avec son ancienne légion de justiciers. Il entrevoit alors un complot inquiétant et de grande envergure lié à leur passé commun et qui aura des conséquences catastrophiques pour le futur.

Je ne connais pas le roman graphique originel dont est tiré le film, je fais donc ma critique vis à vis du film en tant que tel et non en tant qu'adaptation.


« Watchmen » n'est pas le premier roman graphique d'Alan Moore adapté au cinéma : « From Hell » et « La Ligue des Gentlemen Extraordinaires » ont déjà fait les frais d'un portage à l'écran plus ou moins réussi et fidèle à l'original (ceux qui se souviennent de la destruction de Venise dans « LXG » en rient encore...).

Néanmoins, le réalisateur de « Watchmen », Zack Snyder, n'est pas un petit nouveau dans ce domaine puisque c'est à lui qu'on doit l'hallucinant « 300 », adapté, lui, de l'oeuvre de Frank Miller.
Sa faculté à créer de belles images n'est donc plus à prouver.

Déjà avec « L'Armée des Morts », qui reste malgré tout nettement inférieur au « Zombie » de Romero, il montrait un talent rare pour les plans captivants (le plan séquence en hélicoptère au début du film).

Dans « Watchmen », on en prend souvent plein la vue avec des images d'une beauté quasi onirique, des ralentis saisissants et des effets spéciaux absolument parfaits. Ces derniers sont d'ailleurs utilisés avec une finesse et une efficacité surprenante.
Que ce soit au niveau du masque indéfinissable de Rorschach ou de la représentation de Dr Manhattan et de ses pouvoirs phénoménaux, force est d'avouer qu'ils impriment aux images une puissance visuelle hors du commun.

Mieux : ils finissent par se fondre directement dans l'histoire, sans jamais empiéter sur le scénario.

Et quel scénario! On a beau souvent accuser les comics et autres romans graphiques de ne mettre en scène que des personnages manichéens, ici la surprise est de taille pour ceux qui ne connaissent pas l'œuvre originale.
Trahisons, faux-semblants, vérités cachées...rarement le thème du masque n'aura été aussi développé.

Ces super-héros ne ressemblent en rien de ce que l'on connait et leur accoutrement extravagant n'est souvent qu'une façade pour cacher les sentiments les plus vils qui les animent. Le ton est donné, la noirceur est de mise.

Le scénario est rudement complexe et s'appuie sur de nombreuses connaissances historiques (Nixon, la guerre du Vietnam, les Sixties, la Guerre Froide...) qui nécessitent de la part du spectateur une connaissance minimale du sujet, sous peine de ne pas comprendre les enjeux de l'histoire.
De plus, si « Watchmen » se déroule effectivement durant les années Nixon, l'histoire prend pied dans une réalité alternative où les USA seraient sortis triomphants du Vietnam.
Il s'agit alors de comprendre les effets de cette nouvelle ère, tant au niveau politique que social.

Le film nous trimballe donc aux 4 coins du globe (et même plus loin...), à travers plus de 30 ans « d'Histoire », à coups de flash back, de voix off et de références culturelles flagrantes.

Reste plus qu'à mettre en scène tout ça.

Si « 300 » n'avait pas le problème de la narration, c'est que Snyder reprenait case par case les dialogues et cadrages du roman.
En revanche, pour « L'Armée des Morts », pas d'idées à piquer ou à reproduire et on voyait rapidement le manque d'originalité de la mise en scène.

« Watchmen » est un roman graphique mais c'est aussi un film de 2h30!
Et accrocher le spectateur sans discontinuer pendant tout ce temps relève de la gageure que Snyder n'a malheureusement pas su tenir.

Ce serait mentir de nier que certaines scènes sont d'une beauté à nous décoller la rétine. Elles se comptent hélas sur les doigts de la main. Bon une main à 11 ou 12 doigts, mais quand même...

Le nombre est satisfaisant pour une durée classique (1h30/2h) mais pour « Watchmen », c'est un peu juste.
D'autant qu'elles ne s'étendent rarement plus que quelques secondes (Dr Manhattan au Vietnam...).

Que reste-t-il alors? Des tunnels de dialogues.
Pour une fois qu'un film de ce genre ne sacrifie pas le scénario à l'action, j'ose me plaindre?
Au contraire, les dialogues sont très bien écrits et certaines répliques font dans le culte-instantané. Les monologues cyniques de Rorschach font partie des meilleurs moments du film, de même que les scènes avec Dr Manhattan ou le Comédien.

Mais pour les réciter ces dialogues, il faut des acteurs et dans le film, les acteurs eh ben ils sont pas tous très bons. Dans le tiroir « parfait », on peut d'ore et déjà ranger les interprètes de Rorschach et du Comédien et Billy Crudup s'en sort avec les honneurs dans la peau bleue translucide du Dr Manhattan, de même que celui qui joue Ozymandias.

En revanche le Hibou et sa copine, les personnages comme les interprètes, manquent sincèrement de charisme. Les acteurs ne sont pas foncièrement mauvais, ils sont justes...fades, inintéressants.
Et c'est dommage vu qu'ils monopolisent quasiment toute la seconde moitié du film.

Ainsi donc, entre un début en fanfare et un final pour le moins audacieux, on doit se taper les frasques érotico-amoureuses des deux tourtereaux en mal d'affection, dont le point d'orgue est atteint lors de la scène d'amour (volontairement?) grotesque mais hilarante, accompagnée du « Alléluia » de Leonard Cohen.

En parlant de musique on peut noter que « Watchmen », qui se déroule principalement dans les années 60/70, nous donne l'occasion de (re)découvrir de nombreux tubes de l'époque.
Le décalage constant entre la bande son rétro et la réalisation-on ne peut plus moderne-est une excellente surprise.
Snyder rythme son film à coup chansons de Bob Dylan et Leonard Cohen et va jusqu'à reprendre les célèbres Valkyries de Wagner (rapport à « Apocalypse Now ») pour le passage au Vietnam.

A l'opposé, les compositions brutales de Tyler Bates (« 300 ») parviennent rarement à insuffler le souffle nécessaire au visuel.
Percussions, riffs ravageurs, chœurs latins et autres sonorités électroniques se mettent en quatre pour nous faire exploser les tympans mais rien à faire : on ne retrouve pas cette symbiose entre la musique et les images qui faisait la qualité de « 300 ».

De même, malgré plusieurs couches de ralentis glorificateurs et d'effets stylistiques d'une violence marquante, la mise en scène de Snyder manque de punch lors des combats. Il faut vraiment attendre les scènes dans la prison pour avoir enfin droit à une baston digne de ce nom.



On pourra évidemment me rétorquer que « 300 » et « Watchmen » sont des oeuvres d'un auteur différent et se doivent donc d'être traitées différemment. L'argument est tout ce qu'il y a de plus évident : on ne peut pas filmer de la même façon la violence exacerbée des Thermopyles et leurs plaquettes de chocolat et l'histoire pessimiste des super-héros de « Watchmen », tout en collants et questions existentielles.

Pourtant, Snyder c'est avant tout « le mec qui a fait 300 » : sa réputation reste, qu'on le veuille ou non, basée sur ce film.
On est donc forcé de faire des comparaisons malgré tout et ça il ne pouvait pas y échapper.

Visuellement donc, « Watchmen » est beau, très beau même mais on est loin de la grosse claque annoncée. Peut être aussi qu'en tant que film « post 300 », il a perdu tout effet de surprise mais ce n'est pas le cas étant donné que certaines séquences touchent, quoi qu'on en dise, au sublime.
C'est juste que sur 2h30, les séquences « je t'arrache les globes oculaires et je te laisse la langue pendante d'admiration » se font rares.

Pour autant le film est tout sauf raté.
Scénario palpitant (bien qu'un peu confus), personnages ultra-charismatiques, effets spéciaux à tomber, répliques aux petits oignons et surtout ambiance unique, « Watchmen » est sans conteste l'œuvre d'un réalisateur visionnaire et certainement une des meilleures adaptations au cinéma de tous les temps... si l'on fait abstraction de quelques temps morts, de certains passages un peu maladroits et d'une mise en scène plus ou moins inventive.
Et de « 300 »!

Sans oublier que, comme « 300 », une fois redimensionné pour le petit écran, le film perdra la moitié de son potentiel.
Faut donc en profiter pour le voir tant qu'il est encore au cinéma.

Note : ***

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