samedi 26 septembre 2009

Démineurs




Le quotidien d’une équipe de l’armée américaine durant l’occupation de l’Irak.



Après un "K19" en perte de vitesse, « Démineurs » marque le grand retour de celle que l’on appelle « la femme qui aime aux flingues ».
Sous ce pseudonyme très « Laracroftien » se cache la réalisatrice d’excellents films d’action comme « Point Break » ou « Aux Frontières de l’Aube », j’ai nommé la brillante Kathryn Bigelow.

Tout comme son ex mari, le réalisateur culte James Cameron, Bigelow est une spécialiste des films riches en sensations fortes mais où les personnages demeurent plus importants que la taille des explosions ; phénomène qui a de plus en plus tendance à s’inverser dans les blockbusters contemporains.
Mais visiblement, « Démineurs » n’a rien d’un blockbuster : production indépendante, acteurs méconnus et surtout un apolitisme total.
Si le sujet de la guerre en Irak aura obsédé de nombreux cinéastes antimilitaristes (dont DePalma et son « Redacted » ou « Dans la Vallée d’Elah » de Paul Haggis), Bigelow opte pour une nouvelle approche du sujet, aussi évidente que redoutable d’efficacité : le quotidien d’une équipe de déminage.


Ce qui dans de mauvaises mains aurait pu passer pour un docu de télé-réalité de mauvais goût se transforme ici en véritable (passez moi l’expression) bombe psychologique.
Rarement depuis le « Soldat Ryan » de Spielberg, l’impression pour le spectateur d’être au cœur de l’action n’aura été aussi forte. Et comme dans le film de Spielberg, les 20 premières minutes du film ne sont rien de moins que des scènes d’anthologies, viscéralement éprouvantes.
Mais là où Spielberg fait dans la boucherie, entassant les cadavres mutilés sans que l’on comprenne d’où viennent les balles, la mise en scène de Bigelow se fait beaucoup plus intimiste et moins spectaculaire.
En effet, dans « Démineurs », fi de l’esbroufe visuelle mais une totale identification avec les personnages principaux.
Les acteurs sont essentiellement filmés en plans rapprochés, caméra à l’épaule (avec superbe photographie réaliste à l’appui, à cent lieues des couleurs saturées qui envahissent les productions récentes…) pour que l’on ne puisse même plus distinguer le décor qui les entoure.
Décor de cauchemar fait de rues dévastées, dont le sol est jonché de détritus et de gravas (le tournage s’est déroulé non loin de la frontière irakienne…).

Le summum est atteint lors des séquences de déminage dans la ville.
A ces moments là, la musique, déjà discrète, s’efface totalement et fait place à la respiration -de plus en plus haletante- d’un soldat qui ruisselle sous son épaisse combinaison de protection. Ces passages sont sans hésiter les meilleurs du film et s’avèrent véritablement éprouvants pour les nerfs. On se surprend même à retenir sa respiration comme si l’écran lui-même allait nous pêter à la gueule…
Cardiaques s’abstenir !

Le déminage n’est pas le seul point fort du film.
L’ambiance particulièrement pesante est également une vraie réussite.
Chaque désamorçage de bombe se fait sous l’œil aguerri, narquois, craintif voire menaçant des habitants. Mais dans ce contexte, chaque visage basané représentant une menace potentielle, comment reconnaître un terroriste avec un détonateur dans la poche d’un simple badaud inoffensif ? La question demeure sans réponse et c’est donc la peur au ventre que les soldats, tout comme le spectateur, appréhendent la prochaine sortie en mission…


Bigelow et l’adrénaline, un duo de choc qui a fait ses preuves depuis « Point Break ». Ici, la cinéaste n’y va pas par quatre chemins ; dans la lignée du « Jarhead » de Sam Mendes, elle le dit clairement (citation à l’appui) : « La guerre est une drogue ».
Point de vue original et inattendu qui apporte au film un second niveau de lecture particulièrement intéressant.

Non content de faire le parallèle avec la violence dans les jeux vidéos (quelques images du grand classique « Gears of War », parfaite illustration du sujet abordé), le film met en scène un démineur casse cou comme personnage principal. Une vraie tête brûlée qui ne vit que pour ce mélange unique entre la peur de la mort et l’excitation du danger. A côté, sa vie lui semble même d’une platitude effarante.
L’acteur Jeremy Renner est d’ailleurs bluffant de crédibilité dans la peau de ce nihiliste sans peur mais pas sans reproches.
Le reste du casting est lui aussi exemplaire. Il est d’ailleurs essentiellement composé d’inconnus, ce qui permet au spectateur de ne pas identifier les acteurs par rapport à leur filmographie et de ne pas pouvoir prévoir qui va s’en sortir ou non. Le réalisme et l’intensité du film n’en sont que renforcés.


Malgré un budget visiblement réduit, Bigelow met tout en œuvre pour faire de « Démineurs » un film immanquable.
On pourra pester sur le manque de rythme passé la première heure (mais la fin rattrape le coup) et l’enchaînement des scènes qui manque parfois de fluidité.
Mais ce serait occulter la perfection technique du film, la maîtrise à la fois du cadre, du montage et des effets sonores, le talent des comédiens et surtout des séquences de pure tension contrôlée.

Pour Bigelow, « Démineurs » est une double vengeance.
La première en tant que cinéaste : après 7 ans (!) d’absence sur les écrans, elle revient en force avec un film d’action aussi violent que cérébral encensé par la presse, clouant ainsi le bec à ses détracteurs qui la croyaient finie.
La deuxième en tant que femme : elle prouve, une fois encore, à tous les machos d’Hollywood qu’elle mérite sa place au côté des plus grands. Et pendant qu’une (ex ?) grande pointure du film d’action continue de faire mumuse avec ses Transformers édulcorés, Kathryn, elle, montre la guerre, la vraie, celle qui tâche et qui n’épargne pas les enfants, juste pour que son film soit considéré comme tout public. Respect !


Note : ***

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